Afrique : La société civile interpelle la Côte d'Ivoire et le Ghana sur les APE

Réunis à Lomé au Togo dans le cadre du quatrième Forum social ouest africain (FSAO 4) les représentants de la société civile ont fustigé dimanche dernier les accords provisoires de libre échange que « l'Union européenne tente d'imposer à certains Etats ACP » et ont invité la Côte d'Ivoire et le Ghana à reconsidérer leur intention de signer des APE intérimaires et individuels.

Au cours d'une « marche de protestation contre les APE intérimaires et de soutien à la position de la CEDEAO », ayant conduit du Centre togolais des expositions et foires (CTEF) au siège de la Banque d'investissement et développement de la CEDEAO, les représentants de la société civile ont scandé sur plusieurs kilomètres des slogans hostiles aux accords de partenariat économique. Dans la déclaration lue et transmise aux autorités de l'Uemoa et de la CEDEAO, la société civile a fait constater que « l'intégration régionale en Afrique de l'Ouest présente aujourd'hui le tableau inquiétant et dangereux d'un processus totalement en panne ».

Cette marche conduite par le président du présidium du quatrième Forum social ouest africain, le professeur Honorat Aguessy du Bénin, est l'une des activités marquant la fin des travaux du forum.

La quatrième édition du Forum social ouest africain a eu lieu au Centre togolais des expositions et foires à Lomé au Togo les 25, 26, et 27 janvier 2008 sur le thème « Gouvernance et souveraineté alimentaire ». Elle a connu, selon les organisateurs, la participation de plus de 2000 représentants d'organisations de la société civile et de mouvements sociaux venus des seize pays de l'Afrique de l'Ouest et d'autres régions du monde.
(Voir ci-dessous l'intégralité de la déclaration)

FORUM SOCIAL OUEST AFRICAIN 4ème EDITION A LOME (TOGO)

Déclaration de la société civile au FSAO 4
La quatrième édition du Forum social ouest africain a eu lieu à Lomé au Togo les 25, 26, et 27 janvier 2008 sur le thème « Gouvernance et souveraineté alimentaire » Elle a connu la participation de plus de 2000 représentants d'organisations de la société civile et de mouvements sociaux venus des seize pays de la sous-région et d'autres régions du monde.
A l'issue des travaux, marqués par d'intenses réflexions sur la situation actuelle de la région en matière d'intégration régionale et de développement comme principaux défis en rapport avec le thème du FSOA, les acteurs de la société civile de l'Afrique de l'Ouest, présents au forum, ont adopté la déclaration suivante :

Nos constats

Durant les cinq dernières années, beaucoup d'efforts ont été entrepris par l'UEMOA, la CEDEAO et les Etats membres dans le sens de l'approfondissement de l'intégration régionale;

Malgré ces efforts, de nombreux défis restent à relever pour rendre effective la libre circulation des biens et des personnes;

En dépit des efforts de gouvernance et de réformes économiques, la pauvreté reste endémique dans la plupart des Etats de la région et la souveraineté alimentaire est de plus en plus menacée par les politiques commerciales néo-libérales;

Comme l'ont toujours défendu les organisations de la société civile, la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont reconnu à juste titre que l'Afrique de l'ouest n'est pas prête pour la signature d'un accord de libre échange avec l'Union européenne avant le 31 décembre 2007.

Malgré cette décision courageuse qui vise à préserver la solidarité et l'intégration régionale, le Ghana et la Côte d'ivoire se sont démarqués en optant pour la signature individuelle d'un accord de partenariat économique (APE) intérimaire avant l'échéance du 31 décembre 2007.

Cette entorse à l'intégration régionale est intervenue dans un contexte où l'implication de la société civile qui a caractérisé le processus de négociation depuis le début, a cédé la place, à des prises de décision excluant totalement les organisations de la société civile.

Au total, les négociations commerciales entre l »Afrique de l'Ouest et l'Union européenne se trouvent aujourd'hui dans une impasse avec de nombreuses implications sur la souveraineté alimentaire, l'intégration et la gouvernance régionales.

L'intégration régionale en Afrique de l'Ouest présente aujourd'hui le tableau inquiétant et dangereux d'un processus totalement en panne.

Nos exigences

Face à tous ces constats qui n'augurent pas un avenir meilleur aux citoyens de l'Afrique de l'Ouest, les participants au quatrième Forum social ouest-africain exigent que :

la Côte d'Ivoire et le Ghana reconsidèrent leur intention de signer des APE intérimaires et individuels;

la CEDEAO et l'UEMOA veillent au respect scrupuleux des dispositions de leurs Traités actuellement en violation par la Côte d'Ivoire et le Ghana;

les gouvernements des Etats membres et les commissions de la CEDEAO et de l'UEMOA fassent de l'approfondissement de l'intégration régionale le préalable absolu et non négociable à toute signature d'accord de libre échange avec l'Union européenne ;

la CEDEAO et l'UEMOA mettent à la disposition des Etats un tableau comparatif des impacts de la signature et de la non signature des APE sur le commerce intra-régional, la stabilité des Etats et le niveau de vie des populations;

la CEDEAO et l'UEMOA prennent toutes les dispositions pour une participation effective, efficace et plus accrue des organisations de la société civile au processus de négociation, notamment pour le suivi de la mise en oeuvre de la nouvelle feuille de route adoptée par la région et projetant en 2009 la signature d'un APE.

les ressources appropriées soient mises à la disposition des plates formes nationales de la société civile pour le renforcement des capacités des organisations de la société civile et l'amélioration de la qualité de leur participation au dialogue sur les enjeux de politique économique, de gouvernance et d'intégration régionale.

Nos engagements

En appui à nos exigences, nous nous engageons à :

informer largement l'opinion publique et les citoyens de la région sur la situation actuelle des négociations et les risques qu'elle fait planer sur le processus d'intégration régionale, la stabilité des Etats et le niveau de vie des populations.

mobiliser nos forces et nos énergies, aussi bien à l'intérieur des Etats qu'au niveau régional, pour sauver l'intégration régionale et relever les autres défis de développement;

contribuer par nos réflexions, nos actions et nos prises de position, à mieux éclairer les prises de décisions concernant toutes les questions de développement de la région, notamment, le processus d'intégration régionale et les négociations commerciales.

Fait à Lomé, Togo le 27 janvier 2008