Les limites de la responsabilité sociale des entreprises minières au Sénégal
Les dispositions du Code minier au Sénégal, en matière de responsabilité sociale des entreprises, sont mises à l’épreuve de la Mineral Deposit Limited, première compagnie minière à disposer d’une concession minière d’exploitation d’or dans ce pays. Aly Sagne se félicite de l’existence de ces textes qui permettent aux collectivités locales de bénéficier des richesses tirées de leur sous-sol, mais il s’inquiète de certaines dispositions qui ouvrent des portes à des «deal entre l’Etat et la multinationale».
A l’instar des de la plupart des Etats africains, le Sénégal s’était doté d’un code minier attrayant pour les capitaux étrangers. Même si le législateur avait pris la précaution d’y inclure des clauses intéressantes de responsabilité sociale, celles-ci n’ont jamais été effectives depuis six ans faute de décrets d’application. C’est maintenant chose faite avec la signature à la fin de l’année des décrets n° 2009-1335 et n° 2009-1334 du 30 novembre 2009.
Le Fonds de réhabilitation des sites miniers
Le premier texte découle du principe «pollueur payeur» reconnu mondialement et qui appelle à la responsabilité Environnementale des Entreprises. Il va permettre à l’Etat de disposer de ressources financières provenant des revenus miniers pour la réhabilitation des sites dégradés.
Quant au second décret, il participe à la responsabilité sociale des entreprises. Par ce biais, les communautés hôtes (principalement les collectivités locales) qui subissent les impacts négatifs des opérations minières vont désormais bénéficier de retombées financières directes issues des revenus miniers.
Limites constatées sur les décrets
Quoique l’avènement de ces textes soit louable, il n’en demeure pas moins que les principes pour lesquels les organisations de la société civile (OSC) se battaient ne sont pas pris en compte : participation et contrôle citoyen. En effet, ni les collectivités locales, encore moins les OSC qui ont mené le combat d’avant-garde ne sont impliquées dans la gestion et le monitoring de ces fonds ; ce qui laisse une porte ouverte à la possibilité d’un deal entre l’Etat et la multinationale Mineral Deposit Limited qui opère à Sabodala (Ndlr : sud-est du Sénégal). En effet, il est dit que le fonds : «est géré conjointement par le titulaire du titre minier d’exploitation et les représentants des ministères chargés des mines et de l’environnement nommés par arrêté conjoint.»
D’autre part, le dispositif de gestion de ces fonds constitue à nos yeux un recul par rapport à la décentralisation, notamment sur :
- La compétence environnementale des collectivités locales qui est limitée par leur exclusion du dispositif de gestion et de suivi du fonds de réhabilitation ;
- Le caractère exclusif de l’utilisation des ressources du fonds de péréquation (« les ressources versées au titre du fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales sont strictement destinées à leur équipement »);
- Le choix d’une institution publique (la Caisse des dépôts et consignations) pour loger le fonds de réhabilitation (au lieu d’une banque commerciale comme préalablement défini par le Code) ne milite guère pour la transparence.
Nous accueillons positivement la signature de ces décrets, mais nous exprimons profondément notre déception. Cela dit, nous faisons face à de grands défis en termes d’application de ces décrets.
Nous appelons enfin MDL, la première compagnie minière a avoir une concession minière d’exploitation d’or au Sénégal, à donner l’exemple en se conformant au Code minier.
* Aly Sagne, est membre de l’Ong Lumière, Synergie, Développement
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