Intégration ou fédération? Le chemin vers une unité politique africaine
L’intégration régionale est un projet économique avec une surimposition de structures politiques. La fédération, par contre, est un projet politique qui fait partie d’une stratégie d’émancipation politique et économique. Pour Dani W. Nabudere, il s’agit de deux idées qui, dans leur conception actuelle, sont incompatibles. Comment donc la communauté de l’Afrique de l’Est peut-elle avancer ? En répondant à la question, Pr Nabudera propose une démarche qui pourrait aussi s’adapter à d’autres régions du continent.
L’intégration régionale et la Fédération de l’Afrique de l’Est, dans leur conception actuelle, sont incompatibles. La raison tient au fait que le concept actuel d’intégration est compris et mis en œuvre dans des arrangements régionaux. C’est un projet économique dont les structures politiques sont imposées par le sommet d’un système autoritaire. D’autre part, la fédération politique est comprise dans le contexte du panafricanisme comme un projet politique conçu dans le cadre d’une stratégie d’émancipation politique et économique. Ce postulat repose sur la reconnaissance d’une unité culturelle et sociale des peuples africains et a été à la base du nationalisme africain. (Kwame Nkrumah, 1963)
Une étude de l’histoire politique de l’Afrique de l’Est et du Centre montre que les nationalistes de la période précédant l’indépendance croyaient en une fédération panafricaine comme en témoigne la création d’organisations panafricaines comme Pan Africa Federal Movements of East and Central Africa (PAFMECA), ou le Pan African Federal Movement of East. Central and Southern Africa (PAFMESCA) ainsi que l’Union africaine.
Le concept d’intégration régionale est une adaptation de la théorie des unions douanières proposées par Jacob Viner (1950), tel qu’elle est appliquée à l’union douanière du BENELUX, le précurseur de l’Union européenne. Une union douanière est un groupe de pays qui pratique des tarifs extérieurs communs et à l’intérieur duquel le marché libre et la libre circulation des travailleurs ainsi que du capital sont promus. La théorie examine l’impact de l’abolition des tarifs douaniers entre les pays sur le commerce, ainsi que l’impact sur ceux avec lesquels les douanes sont maintenues. Cette théorie remonte au concept économique classique proposé par l’économiste écossais Adam Smith, l’économiste anglais David Ricardo ainsi que Robert Thorrens. Jacob Viner n’a fait que mettre à jour cette théorie dont celle sur l’intégration régionale est dérivée. C’est le modèle qui a été imité lors des tentatives de formation de groupements économiques régionaux.
Comme l’a souligné Adedeji Adebayo, l’indépendance de l’Afrique a vu le jour au cours de la période d’intégration régionale. Il relève que suite à la deuxième guerre mondiale, la promotion de l’intégration régionale est devenu un phénomène global qui a culminé dans l’établissement de la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1957, l’Association de Libre Echange de l’Amérique latine (1960), le Marché Commun d’Amérique centrale en 1961, l’Association of South East Asian Nations (ASEAN) en 1967, The Caribbean Free Trade Association (CARIFTA) en 1968, etc. Il déclare encore que ce sont ces développements qui ont renforcé la détermination de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique à promouvoir la régionalisation du développement socioéconomique en Afrique. Mais leur agenda différait considérablement de celui voulu par les dirigeants nationalistes africains concernant l’unité politique de l’Afrique.
L’idée de la fédération
L’idée de fédération n’est en effet pas une idée africaine. Il est par conséquent nécessaire de distinguer entre trois tendances dans l’évolution du concept de ‘’fédération’’ depuis la colonisation européenne de l’Afrique de l’Est. Le premier est un concept colonial, le deuxième est un concept panafricain et le troisième est un concept néocolonial. Le premier concept a été promu dans une perspective de domination et l’autre a été élaboré comme un outil de résistance à l’exploitation et la domination, en somme une réponse à la balkanisation de l’Afrique par les Européens. Le troisième, un concept néocolonial, exploite l’idée panafricaine de fédération afin de promouvoir un projet d’intégration impérialiste sous couvert de ‘’ construction de nation’’ et ‘’d’intégration régionale’’, à l’instar des projets néocoloniaux sous l’égide de l’hégémonie impérialiste britannique et plus tard sous l’égide de la globalisation néolibérale. (Nous explorons ces thèmes plus profondément dans un manuscrit principal que nous publions séparément)
Un point doit néanmoins être soulevé ici. La situation en Afrique de l’Est a montré que ces trois tendances sont réelles au vu de la façon dont la fédération panafricaine de l’Afrique de l’Est a été abandonnée au profit d’un programme d’intégration régionale , et ce en raison de la réalité de la domination néocoloniale. Pour preuve, en 1963, les trois dirigeants africains (Kenyatta, Nyerere et Obote), dans leur Déclaration de Fédération par les gouvernements de l’Afrique de l’Est, à Nairobi le 5 juin 1963, ont clairement parlé de l’urgence qu’il y avait à mettre en place une fédération politique afin d’éviter que leur petites différences prennent des proportions irréconciliables en raison du facteur territorial. Dans leur déclaration, ils ont souligné :
‘’Nous, les dirigeants des peuples et gouvernements de l’Afrique de l’Est, rassemblés ici à Nairobi en ce 5 juin 1967, nous nous engageons en faveur de la fédération politique de l’Afrique de l’Est. Notre réunion de ce jour est motivée par l’esprit panafricain et non par les seuls intérêts régionaux. Nous sommes des nationalistes et rejetons le tribalisme, les distinctions raciales, les politiques d’exclusion. Nous croyons que le jour de la décision est arrivé et à tous nos peuples nous disons qu’il n’y a plus de place pour les slogans et les discours. Ceci est notre jour d’action en faveur d’une cause en laquelle nous croyons et l’unité et la liberté pour laquelle nous avons souffert et fait tant de sacrifices (Hugues, 1963)’’
Cette déclaration était l’expression d’un désir panafricain de rassembler les peuples d’Afrique en une entité politique. Les dirigeants ont été plus loin lorsqu’ils ont déclaré croire que la Fédération de l’Afrique de l’Est pouvait être un pas concret vers le but de l’unité panafricaine. Ils faisaient référence à la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernements lors de la conférence d’Addis Abeba et ont ajouté : ’’Des mesures concrètes doivent être prises chaque fois que possible afin d’accélérer le cheminement vers notre but commun.’’ Les dirigeants ont reconnu l’existence de ‘’certains facteurs territoriaux’’ et que ceux-ci devaient être pris en compte et pouvaient trouver leur solution dans le contexte de la Fédération de l’Afrique de l’Est.’’
En effet, à l’instar des dirigeants actuels qui, en 2005, ont décidé par le biais d’un Fast track Committee « d’accélérer le processus d’intégration afin que le but ultime de la fédération politique soit réalisé’’, les dirigeants en 1963 ont aussi décidé d’établir un groupe de travail supposé préparer le cadre d’un projet de constitution pour la fédération de l’Afrique de l’Est. Comme le Wako Fast Track Committee, le groupe de travail de 1963 a été appelé à présenter un rapport à la conférence plénière des gouvernements de l’Afrique de l’Est au cours de la troisième semaine d’août de cette année, afin que la conférence examine les propositions du groupe de travail.
Mais ceci ne s’est pas produit. Dans l’intervalle, les questions économiques pressantes émanant de la gestion des économies territoriales ainsi que les ‘’ facteurs territoriaux et ‘’les problèmes’’ ont surgi et ont englouti le groupe de travail. Les dirigeants ont dès lors abandonné l’initiative politique pour une fédération politique. Ces ‘’problèmes territoriaux’ et les pressions sont issus de l’intérieur de l’East African Common services Organisation (EACSO) qui a remplacé le Haut Commissariat de l’Afrique de l’Est colonial afin de se préoccuper des intérêts d’un Tanganyika indépendant qui précédait l’indépendance de l’Ouganda et du Kenya (Nabudere, 1982)
En d’autres termes, les dirigeants africains ont été empêtrés dans les problèmes coloniaux dont leur territoire respectif (maintenant appelé nation) avaient hérité, et se sont détournés du noble but qui consistait à déclarer l’union politique de ces trois pays en une nation africaine de l’Afrique de l’Est, à l’intérieur de laquelle ils auraient pu résoudre collectivement les problèmes coloniaux dont ils héritaient. Ce faisant, ils se sont rendus au projet néocolonial que les colonisateurs étaient en train de perfectionner sous le prétexte de ‘’construction nationale’’, faisant des dirigeants africains les gestionnaires de leurs anciens territoires, des nouveaux gouverneurs en somme. Même l’offre unilatérale de Julius Nyerere de surseoir à l’indépendance politique du Tanganyika jusqu’à ce les deux autres pays soient prêts pour une confédération, a été abandonnée.
Cependant que l’idée de panafricanisme se poursuivait dans l’esprit des Africains de l’Est, les problèmes économiques émanant de l’EACSO sont devenus la nouvelle réalité qui a retenu toute l’attention. La gestion des problèmes économiques que les Britanniques ont laissés derrière eux, au sein de cette nouvelle organisation, a pris le pas sur toute considération concernant la Fédération politique de l’Afrique de l’Est telle qu’envisagée lors de la Déclaration de Nairobi. Ainsi, la fédération africaine ne s’est jamais matérialisée pour ces dirigeants. Les différends entre Nyerere et Amin trouvaient leur source dans l’incapacité des dirigeants de les dépasser, dans l’intérêt de l’unité des peuples de l’Afrique de l’Est et le respect des principes démocratiques dont le peuple d’Ouganda avait été privé. Ainsi, malgré la réunion du groupe de travail à Kampala, le 30 mai 1964, afin de produire une constitution pour la fédération panafricaine de l’Afrique de l’Est, cette réunion n’a pas produit grand-chose hormis clore le livre de la fédération panafricaine de l’Afrique de l’Est. (Frank 1964)
Il est évident que le nouveau ‘’ processus accéléré’’ en faveur de la fédération politique se terminera de la même façon, compte tenu qu’actuellement ils sont tous embourbés dans la détermination de qui tirera le plus de bénéfice de l’union douanière et du marché commun..
Pour avancer
Il est déjà évident que la vraie raison pour laquelle le but de la fédération politique panafricaine de l’Afrique de l’Est n’a pas été atteint réside dans le pouvoir néocolonial qui occupe toujours notre espace politique. Ce qui signifie que le pouvoir souverain du peuple a été nié et rejeté à l’arrière-plan. Au lieu de garantir le respect du pouvoir du peuple de l’Afrique de l’Est, les trois dirigeants et leur gouvernement (cinq maintenant que le Rwanda et le Burundi ont été admis) sont occupés à sensibiliser la population afin qu’elle accepte le processus accéléré qui ne produira pas de résultats positifs.
Ce qui est maintenant requis de la part des dirigeants de l’Afrique de l’Est c’est de lancer un référendum avant le début du processus. Ils doivent formuler une unique question à laquelle toute la population de la région doit répondre le même jour. La question devrait être :’’ voulez-vous que les frontières entre les Etats existants soient abolies afin que l’Afrique de l’Est devienne un Etat fédéral ?’’. Ceci parce qu’abolir les frontières actuelles est la seule façon pour ces trois pays, de démanteler la souveraineté du peuple basée sur la domination étrangère et les intérêts de l’élite. Il est vrai que les peuples de l’Afrique de l’Est ont clairement exprimé le désir de s’unir, comme les dirigeants aiment à le répéter, et il est donc clair que la réponse au référendum sera OUI.
Suite à une telle réponse, les dirigeants devraient le même jour mettre une résolution devant leur Parlement respectif afin de donner corps à la décision du peuple, en prenant la résolution de dissoudre irrévocablement les frontières coloniales existantes et de constituer un seul Etat fédéral avec des frontières inviolables, lesquelles ne peuvent être modifiées que pour y intégrer le reste de l’Afrique par étape. Cette décision aura une importance capitale parce que, pour la première fois, les peuples d’Afrique de l’Est auront exprimé leur volonté souveraine de se constituer en un Etat qui leur est propre et en phase avec la réalité moderne.
Avant le référendum, il doit y avoir un processus de discussions et de consultations dans les villages à propos des implications de l’abolition des frontières et cette discussion doit inclure la question de savoir quelle forme donner à ces nouveaux Etats qui constitueront la fédération. Ceci est leur droit souverain. Ces discussions incluront la question de savoir quoi faire lorsque les frontières coloniales seront abolies. La population discutera des effets de l’abolition des frontières, de l’anarchie qui pourrait surgir et comment l’éviter. Ils détermineront qu’une fois les frontières coloniales dissoutes, les nouvelles frontières de l’Afrique de l’Est ne pourront être altérées sous aucun prétexte autre que, de temps en temps, leur expansion pour inclure d’autres pays africains en vue de la réalisation des Etats-Unis d’Afrique.
Comme le soulignait le professeur Cheick Anta Diop, ‘’la permanence de la structure fédérale doit être inviolable. Ce principe doit prévaloir, que la situation soit, comme au Nigeria, une fédération régionale ou continentale. Une fois des structures fédérales élaborées, confirmées et consolidées, les successions de toute nature doivent être empêchées. Toutefois, la contrepartie doit être la liberté culturelle et l’autonomie des différentes communautés. L’Afrique doit être protégée de l’anarchie, mais nous ne pouvons néanmoins pas accepter l’autre extrême qui mène à l’étouffement de la liberté culturelle et de l’autonomie des différentes communautés qui peuplent le continent. Chaque communauté doit avoir la liberté totale compatible avec le désir de réaliser la plénitude culturelle et linguistique à laquelle elle aspire.’’ (Diop in Sertima, 1986)
Ainsi, après avoir renoncé à leur souveraineté au profit de l’Etat fédéral, les communautés auront le droit de se regrouper en ignorant les anciennes frontières coloniales et pourront décider si elles veulent constituer un nouvel Etat linguistique qui leur soit propre et qui leur permettra de jouir de l’autodétermination et de l’autonomie à l’intérieur de l’Etat qu’ils auront formé et dans lequel ils seront tous citoyens, en leur qualité de membre libre de l’Etat fédéral. Le droit de reconstituer leur propre Etat représente l’annulation de l’injustice coloniale qui a fragmenté et démembré les communautés selon des lignes ‘’tribales’’ déterminées par les puissances coloniales. Ceci créera de plus grands espaces culturels et linguistiques, au-delà des anciennes frontières coloniales, qui leur permettra de développer leur culture y compris la langue de leur choix.
La question de la souveraineté est une considération importante lorsqu’il s’agit de déterminer ce que les populations de l’Afrique de l’Est veulent vraiment. Il n’est pas nécessaire de convaincre un Masaï de Laikipia au Kenya et un Masaï du Cratère de Ngorongoro en Tanzanie que l’abolition de la frontière entre le Kenya et la Tanzanie est un risque, alors que dans leurs activités quotidiennes ils ignorent cette frontière pour mener leur bétail aux pâturages et pour cultiver leur identité culturelle et leur solidarité. Ils se comportent ainsi parce qu’ils n’ont jamais accepté les frontières imposées par les colonisateurs entre le Kenya et la Tanzanie. C’est la raison pour laquelle ils passent la frontière tous les jours sans carte d’identité, sans passeport, pour affirmer leurs droits souverains sur ces territoires. Donc à moins de considérer des populations autres que celles présentes en Afrique de l’Est, l’abolition des frontières et des Etats souverains coloniaux ne peut pas être considérée comme un risque pour la population concernée.
Il s’ensuit que la question qui doit être débattue dans les communautés n’a rien à voir avec de la sensibilisation ou de la mobilisation concernant les bénéfices d’une fédération politique. Le débat doit porter sur les décisions audacieuses et irrévocables des dirigeants qui abolissent les frontières coloniales existantes séparant les peuples de l’Afrique de l’Est. Ceci donnerait le pouvoir à la population de l’Afrique de l’Est, lui permettrait de prendre en main sa propre destinée pour la première fois depuis la colonisation et la décolonisation. Cette donne établie, les dirigeants engagent des ‘experts’ provenant des communautés et des élites afin d’ébaucher une Constitution pour l’Afrique de l’Est qui octroiera du pouvoir aux Etats locaux et qui définira aussi le pouvoir au niveau fédéral. Les Constitutions de chaque Etat seront rédigées de sorte à prendre en compte les volontés des différentes communautés (y compris les droits de minorités dans chaque Etat) qui ne concordent pas nécessairement.
Les ultranationalistes pousseront des cris d’orfraies et diront que ce processus ramène au tribalisme. En réalité les ultranationalistes sont précisément ceux qui pratiquent le tribalisme, même à l’intérieur de leurs propres partis politiques derrière lesquels ils se retranchent, prétendant représenter le peuple même si ils achètent les votes pour rester au pouvoir. Abolir les frontières c’est abolir aussi les tribus coloniales réinstituer des communautés linguistiques et culturelles qui sont un aspect de toutes les nations modernes. La plupart des Constitutions européennes reconnaissent les identités culturelles et linguistiques des populations vivant à l’intérieur de leurs frontières. Les Etats africains postcoloniaux, en raison de leur caractère colonial, sont la seule exception.
Ainsi, la Constitution intérimaire entrera en vigueur le de temps nécessaire aux nouveaux Etats de se constituer et fournira pour un court terme les institutions et les mesures qui remplaceront l’ancienne Constitution nationale, sans ouvrir la porte à l’anarchie. Ceci comprendra :
- La création d’un Conseil présidentiel qui reconnaîtra les dirigeants au pouvoir au moment de la déclaration et qui continueront à assumer le pouvoir sur la base d’une rotation annuelle, jusqu’à ce que la Constitution et les mécanisme légaux soient en place pour que l’élection populaire du chef de l’Etat de la fédération de l’Afrique de l’Est puisse avoir lieu à la date qui sera décidée par le Conseil de l’Etat.
- Les chefs traditionnels et les Conseils des Anciens dont le rôle sera de conseiller le Conseil présidentiel de l’Etat et le Parlement de la fédération de l’Afrique de l’Est, en particulier dans le domaine de la formation des Etats, prenant en compte les héritages culturels et linguistiques des peuples de l’Afrique de l’Est et autres éléments qui leur importent.
- Un Parlement fédéral intérimaire de l’Afrique de l’Est constitué à partir des parlements territoriaux existants, chaque Parlement se transformant en un collège électoral qui élit 100 de ses membres (avec une parité du point de vue des genres) qui rejoindront l’Assemblée Législative de l’Afrique de l’Est existante. Ils formeront le Parlement fédéral de l’Afrique de l’Est composé de 327 membres qui légifèreront sur les problèmes qui leur sont posés par les institutions qui émergeront au cours de la période de transition.
- Une Assemblée Constituante de l’Afrique de l’Est, représentant toutes les nationalités et les communautés de base identifiées par les chefs traditionnels et les Conseils des Anciens, en consultation avec le Conseil présidentiel ainsi qu’avec certains des membres des parlements qui n’ont pas trouvés leur place dans le Parlement de l’Afrique de l’Est, discutera de la nouvelle constitution fédérale basée sur la formation des nouveaux Etats.
- Des forces armées et de sécurité, sous le commandement d’une structure unique, seront constituées à partir des armées et des forces de sécurités existantes. Un tiers de chacune des trois armées sera positionné dans l’un des trois autres Etats existants. En attendant une nouvelle Constitution, ces forces garantiront la sécurité du nouvel Etat fédéral et une transition paisible pendant que les communautés s’occuperont de créer les nouveaux Etats qui le composeront.
D’autres mesures administratives et de sécurité seront prises conformément aux besoins de transition vers un nouveau système politique. Ceci comprendra la fusion des banques centrales existantes pour faire une Banque centrale de l’Afrique de l’Est qui aura la responsabilité de gérer les trois monnaies qui continueront à évoluer sur le marché jusqu’à ce que l’une d’elle émerge comme étant la plus forte et la mieux à même de servir les communautés de la nouvelle fédération.
La question de l’union monétaire sera régulée par les marchés et le marché commun naîtra de la fusion des Etats qui entraînera l’union douanière et une pratique commune des droits de douanes extérieurs, sur lequel on travaille actuellement- protégeant ainsi le marché de l’Afrique de l’Est dans son entier, au regard de l’extérieur et non de l’intérieur. Aucune industrie à l’intérieur de la fédération ne sera protégée et elles devront opérer sur une base compétitive. Seules les entreprises capables de fournir des biens et des services peu onéreux pourront occuper tout le marché.
Le processus de formation de l’Etat qui mènerait à la fédération politique de l’Afrique de l’Est proposé ci-dessus, quoique plus lent, résoudrait l’approche en quatre étapes prévue à l’art. 5 (2) du Traité de l’Afrique de l’Est. Il éliminerait aussi le processus accéléré qui ignore les droits souverains des peuples de l’Afrique de l’Est et les exclut de la participation et de l’appropriation du processus d’unification politique. A notre avis, à la place de l’approche bureaucratique, il aurait dû y avoir une participation de la population de l’Afrique de l’Est à la création du nouvel Etat dans lequel elle aurait pu se reconnaître. Ceci serait en conformité avec le nouvel éclairage du droit international qui reconnaît le droit des communautés autochtones à déterminer leurs instances de gouvernance et à disposer de leurs ressources.
C’est aussi en conformité avec les principes du panafricanisme adoptés par les pères de l’indépendance en Afrique avec Kwame Nkrumah au Ghana et ceux de la diaspora comme Marcus Mosiah Garvey, parmi d’autres. C’est la raison pour laquelle nos avis divergent d’avec l’approche du professeur Shivji en ce qui concerne la réalisation de l’unité du projet panafricain. Dans ses écrits, le professeur Shivji demande quelles sont les forces motrices d’un nouvel anti-impérialisme panafricain. Il demande aussi où il faut commencer. Il propose de commencer par ressusciter le discours panafricain et d’en faire une catégorie intellectuelle et de suivre le chemin de Mwalimu Nyerere qu’il a énoncé dans son discours sur le dilemme du panafricanisme et dans lequel il a posé un défi aux étudiants et aux enseignants des universités africaines.
Le dilemme de Nyerere consiste à découvrir ’’qui a le temps et les compétences de trouver des solutions aux problèmes pratiques consistant à réaliser l’unification, si ce n’est ceux qui ont l’opportunité de réfléchir et d’apprendre les responsabilités dans les affaires quotidiennes’’. Sa réponse a été de dire que les universités pouvaient elle-mêmes progresser dans cette direction en servant les intérêts de la nation en même temps que ceux de l’Afrique. A partir de cette formule, le professeur Shivji conclut que ‘’lier nos vies intellectuelles de façon indissoluble afin de générer le discours panafricain est la tâche de la génération d’intellectuels africains de la génération post néolibéral.’’(1)
Si je suis d’accord aussi bien avec le président Nyerere qu’avec le prof Shivji que le discours anti-impérialiste est nécessaire à la réalisation du projet d’union politique panafricaine, il n’y a pas de doute qu’une telle capacité intellectuelle a toujours existé depuis que la panafricanisme a été articulé sur le continent. Ce n’est pas la capacité de penser cette réalisation qui fait défaut, mais bien la volonté de réaliser le désir d’unité des peuples de l’Afrique de l’Est. Nous, la présente génération d’intellectuels, nous devons découvrir pourquoi l’idée du panafricanisme proposé par les fondateurs n’a jamais été réalisée ? Notre rôle est de nous relier aux communautés et de garantir que leurs droits souverains soient promus et protégés. C’est seulement alors qu’une fédération panafricaine peut être réalisée.
NOTES
[1] Référence est faite aux écrits du Professeur Shivji’s que j’ai eu l’occasion de commenter en qualité de discutant lors du 10ème Anniversaire of the East African Community, à laquelle nous avons tous deux participé
REFERENCES
Hughes, A. J (1963): East Africa: The Search for Unity: Kenya, Tanganyika, Uganda and Zanzibar, Penguin
African Library, London:“Appendix: Declaration of Federation by the Governments of East Africa.”
Nabudere, D. W (191982): Imperialism in East Africa, Volume II: Imperialism and Integration, Onyx Press, London
Nabudere, D. W (2005): “The East African Community and NEPAD: Prospects for Collaboration” in Rok Ajulu: The Making of A Region: Revival of the East African Community, Institute for Global Dialogue, Midrand, South Africa.
Franck, T. M (1964): East African Unity through Law (New Haven, Yale University Press}, p. 1963.
Sertima, I V (1986): Great African Thinkers: Cheick Anta Diop, Transaction Books, New Brunswick, USA & Oxford, UK.
Viner, J (1950): The Customs Union Issue (New York and London)
* Professeur Dani W. Nabudere est le directeur exécutif de l’Institut panafricain Marcus Garvey à Mbale en Ouganda - Cet article est basé sur le texte ‘Pan-Africanism and the Challenges of East African Integration: Discussion of Professor Issa Shivji’s Presentation’, qui a été présenté par le professeur Dani W. Nabudere lors du symposium marquant le 10ème anniversaire de l’East African Community, Arusha, 13-14 November 2009
* Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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