Halte à la répression en Tunisie
L’image d’une Tunisie des «miracles» économiques s’est craquelée ces dernières semaines pour laisser voir la face cachée d’un pays où la crise économique et le désespoir ont conduit à la révolte. Le pouvoir a réagi par la répression, mais l’attitude du président Ben Ali ne trompe pas : son régime est ébranlé.
Le vendredi 17 décembre 2010 a démarré un mouvement de protestation à Sidi Bouzid dont le déclenchement fut un évènement grave : un jeune chômeur qui a eu recours, pour faire vivre sa famille, à la vente ambulante de fruits et légumes s’est vu interdire cette activité par les autorités et s’est immolé par le feu. Par cet acte de désespoir, il voulait signifier qu’il ne restait aucun espoir pour vivre dans la Tunisie des « miracles » économiques, dont le résultat est un chômage endémique qui touche aujourd’hui en particulier la jeunesse, sans épargner aucunement les titulaires d’un diplôme supérieur.
A partir de ce moment, ce sont d’importantes manifestations de jeunes chômeurs, de précaires et de travailleurs qui ont envahi la rue. De nombreuses villes des alentours de Sidi Bouzid, qui ont rejoint le mouvement dans un premier temps, puis des villes du nord au sud du pays, jusqu’à la capitale, Tunis, ont donné à ce mouvement un caractère de ras-le-bol généralisé contre le chômage, la cherté de la vie, la corruption, l’injustice des politiques sociales et économiques qui se sont étendues à toutes les régions de la Tunisie.
Les slogans les plus répandus y mettent en cause directement la légitimité du pouvoir et de l’administration. Le régime tunisien dans une attitude caractérisée par l’autisme a refusé d’entendre ces cris de désespoir. Sa seule réponse à ce mouvement pacifique, dans un premier temps, a été l’utilisation des forces de répression. Il en est résulté la mort par balles d’un jeune de 18 ans, et de nombreux blessés. Le président Ben Ali s’est adressé à la population, le mardi 28 décembre, reconnaissant pour la première fois la gravité de la crise et des souffrances qui frappent les couches les plus larges de la population. La manière inédite qu'il a choisie pour répondre aux évènements montre que l'ampleur du mouvement ébranle le pouvoir.
Pourtant, aucune mesure concrète et crédible n'y est annoncée, et –surtout – le président y formule des mises en garde claires contre les "manipulateurs", les "mercenaires" et les "media étrangers" qui seraient à l'origine des troubles. L'élément le plus concret de son discours est une menace inquiétante et à peine voilée aux journalistes et à la presse indépendante, aux associatifs, syndicalistes et militants politiques autonomes engagées dans le soutien à la population. Les arrestations se sont ensuite multipliées. Plusieurs militants de la société civile, des défenseurs des droits humains, des journalistes, des syndicalistes, des membres de partis politiques d’opposition et de simples manifestants ont été arrêtés, molestés et gardés à vue. Certains ont été libérés, d’autres non.
Les autorités tunisiennes n'ont pas hésité, comme à l'accoutumée, à fermer les derniers espaces de liberté de la presse en empêchant la distribution des seuls journaux indépendants.
Ce mouvement contestataire est soutenu par de nombreux Tunisiennes et Tunisiens, par les partis politiques indépendants du pouvoir, par les associations démocratiques ; les avocats ont organisé des rassemblements de soutien dans plusieurs villes.
Nous soutenons ce mouvement populaire contestataire et autonome auquel la jeunesse participe en très grand nombre.
Nous dénonçons cette attitude qui ne répond pas à la dégradation sans précédent des conditions de vie dans le pays bien loin des « miracles » tant vantés par les officines de la propagande du régime.
Nous appelons à la libération de tous les emprisonnés de ce mouvement et de ceux qui l’ont précédé
Nous appelons à une réelle prise en compte de la précarité qui touche des pans entiers de la société.
Nous réclamons que les responsables de la répression soient traduits en justice.
Nous demandons aux autorités exécutives françaises et européennes de prendre position et de s’exprimer publiquement et promptement sur la répression en cours en Tunisie et de recevoir une délégation du collectif. Leur silence vaudrait complicité voire approbation et chacun saurait s’en souvenir.
Nous réclamons, comme ce fut scandé dans les manifestations, « du travail pour tous », « une répartition des richesses entre tous et toutes ».
Solidarité totale avec les populations en lutte pour la satisfaction de leurs revendications.
* Association des travailleurs maghrébins de france)
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