Affaire Habré : L’injustice de la Justice internationale

Contrairement à ce que certains peuvent penser, Habré a expliqué qu'il se présenterait devant n'importe quel tribunal qui convoquerait tous les acteurs sans distinction de tous les évènements politico-militaires qui ont jalonné l'histoire du Tchad. Et là, on verra qui a fait quoi?

Au nom du peuple sénégalais, le chef de l’Etat du Sénégal, Macky Sall, s’est engagé à organiser le procès de l’ancien président tchadien Hissein Habré, parmi nous depuis 1990 (1). Pour votre information, retenez que le président Habré avait effectué sa première visite à Dakar en 1980. Son audience avec l’ancien président, Léopold Sédar Senghor, s’était tenue à 7 heures du matin, au Palais de la République. Au terme de leur tête à tête, Senghor avait mis en relation Moustapha Niasse, actuel président de l’Assemblée nationale, et Hissein Habré qui devait se rendre au Maroc voir Feu le Roi Hassan II. Ce rappel historique démontre les relations anciennes et le lien affectif entre le Sénégal et le président Habré. C’est une longue histoire jadis heureuse qui ouvre ses pages noires sous le régime de Macky Sall.

Après le coup d’Etat d’Idriss Déby, en 1990, Habré a été accueilli par l’actuel secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, alors président de la République. L’Etat du Sénégal a accordé un asile politique en bonne et due forme à Habré qui, depuis son arrivée dans ce pays, n’a jamais posé des actes susceptibles de déstabiliser le régime de son successeur.

La distance qui sépare Dakar de Ndjaména fait que l’ancien président tchadien suit la vie politique de son pays de loin. Tout le contraire d’Amadou Toumani Touré, hébergé dans un pays frontalier du Mali (Ndlr : au Sénégal), à 1h45 minutes de vol de Bamako. Ibrahima Boubacar Keita n’a-t-il pas raison d’avoir peur ? Car ATT est un ancien militaire, membre des «bérets rouges» dont certains lui sont toujours fidèles, libre de tout mouvement (il voyage à partir de Dakar) capable de s’organiser à partir du Sénégal pour renverser le régime d’IBK.

Revenons sur le dossier Habré. Contrairement à ce que certains peuvent penser, Habré a expliqué qu'il se présenterait devant n'importe quel tribunal qui convoquerait tous les acteurs sans distinction de tous les évènements politico-militaires qui ont jalonné l'histoire du Tchad. Et là, on verra qui a fait quoi ? Pourquoi les Ong qui prétendent agir au nom de la lutte contre l'impunité ne ciblent-elles que Habré ? Pourquoi les autres responsables ne les intéressent pas ? Pourquoi refuser la justice à ceux qui ont été les victimes des autres chefs de guerre tchadiens, si leur engagement ne se fonde que sur la justice ? Plus que tout le monde, il souhaite voir la vérité jaillir de ces montagnes de contrevérités bâties par les Ong, le régime de Déby et la presse occidentale, depuis 23 ans.

Toutefois, peut-il espérer un procès équitable si on sait que le Tchad, dirigé par son ennemi, participe au paiement des juges et du personnel des Chambres africaines extraordinaires (Cae) ? Peut-il espérer un procès juste, lorsqu'on entend le procureur, de retour d’une visite au Tchad, submergé de joie, dire que «Déby n’a rien fait» ? Habré peut-il espérer un procès neutre si on sait que c’est la police politique de Déby qui assiste les enquêteurs et traduit en langue française les délations souvent réactualisées des plaignants sponsorisés par qui on sait ? Peut-il compter sur les Cae pour bénéficier d’un procès juste quand on sait que la procédure est à charge en amont et qu’il est l’unique personne visée, sachant aussi que l’Article10 des statuts n’aura aucun effet ?

Habré n’a-t-il pas raison de boycotter le procès en voyant les allers-retours et les télescopages suspects des autorités sénégalaises dans les couloirs des palais de Déby ? Comment peut-il espérer un procès équitable lorsqu’on a vu le président tchadien remercier «son frère» Macky Sall qui a mis en prison l’homme qu’il craint le plus au monde ? Comment peut-il espérer un procès juste lorsqu’on veut nous faire croire que c’est Habré qui a assassiné, de ses mains propres, 40.000 personnes qui ne constituaient pourtant aucune menace contre son régime de 1982 à 1990.

Habré ose-t-il, dans sa cellule, espérer un procès équitable lorsqu’il voit l’Ua et le Sénégal signer un accord pour juger des faits déroulés entre 1982 et 1990, alors que depuis 1960, le Tchad n’a connu que des guerres civiles avec des contingents de morts ensevelis dans des charniers dans presque toutes les rues de la capitale ?

Les parents de Habré tués dans les guerres de 1960 à 1982, les exécutions sommaires d’opposants de 1990 à 2013 n’intéressent par les Cae, les Ong, l’Etat du Sénégal et l’Ua ? Comment peut-il espérer un procès équitable si on sait que les lois et règlements du Sénégal sont violés depuis la signature des accords entre le Sénégal et l’Ua ? Des accords signés par un ministre sans détention d’une lettre de pleins pouvoirs. Même la nomination des magistrats des Cae constitue une violation flagrante de la Constitution sénégalaise qui dit que seul le président de République nomme les magistrats. Ce pouvoir ne peut être délégué.

Enfin Habré peut-il espérer un procès neutre lorsqu’on entend l’un des avocats des plaignants, devenu ministre de la Justice lui-même, sans retenue, sans aucun sens de la mesure, le traiter de «bourreau» ? Déjà, le ton du procès est connu. Heureusement, en dépit des multiples missions entre Bruxelles et Ndjaména, il leur est toujours difficile voire impossible de prouver la responsabilité personnelle et directe de Habré dans la mort d’un seul Tchadien de 1982 à 90.

IGNORANCE DE L’HISTOIRE DU TCHAD

Ceux qui sont nommés pour juger Habrè méconnaissent dangereusement l’histoire du Tchad. Au Tchad, de 1982 à 87, les troupes de Goukouni au Nord, soutenues par Kadhafi, et celles de Kamouguè au Sud, ont créé une rébellion farouche contre le régime de Habré. Et pourtant, les Cae n’envisagent pas des poursuites contre les autres chefs de guerre qui ont massacré des musulmans du Sud et des populations du Bet. Toujours au Nord, les troupes libyennes de Kadhafi ont massacré des milliers de Tchadiens enterrés dans des fosses communes. Qu’en pensent les Cae ?

En se rendant au Tchad pour collecter des plaintes et des témoignages, les Cae se sont gracieusement offertes à Déby. Cependant, selon les accords signés entre Dakar et Ndjaména, les témoins devraient être transportés à Dakar pour être entendus. Mais Déby est persuadé que, les témoins, une fois hors du Tchad, risquent de le mouiller ou de prendre la défense de Habré. D’où l’importance pour lui d’imposer aux Cae la tenue des auditions au Tchad dans les locaux de sa police et sous son contrôle. Et cela, en violation flagrante de l'accord et des statuts des Cae qui ne prévoient en aucun cas que des personnes accusées soient jugées au Tchad.

Au Tchad, l’arrivée des missions des Cae est accueillie comme une fête. Des communiqués de presse sont diffusés dans les médias, invitant les populations à venir déposer leur plainte contre Habré. Ensuite, des cars sont loués par le gouvernement tchadien pour transporter les militants de Déby qui vont déposer leurs plaintes. (…) Certains parmi eux reçoivent de l’argent du gouvernement, après dépôt de leur plainte. La plupart des supposés plaignants font leur déposition sans comprendre leur geste. «On nous a demandé de venir ici porter plainte contre Habré. On est obligé de le faire. Nous avons peur de Déby», disent certains Tchadiens. Le plus marrant, c’est que parmi ces plaignants, certains sont nés après le départ d’Habré du pouvoir, et pourtant, ils déposent des plaintes parce qu’ils seraient des victimes de Habré. Un complot n’est jamais parfait.

JUSTICE ET RELATIONS INTERNATIONALES

Nous vivons dans un monde marqué par l’instrumentalisation de la justice internationale. Un monde où les forts traquent les faibles. Les grandes puissances comme les Usa, la France, l’Angleterre, etc., ont leur feuille de route pour contrôler le monde. La colonisation sous sa forme classique est dépassée. Ces puissances cherchent à domestiquer les Etats sous une autre forme. Nous assistons à une nouvelle forme de colonisation basée sur la maîtrise de la géopolitique mondiale. Ces puissances régentent le monde en s’appuyant sur des hommes qui les aident à éliminer les leaders du Tiers monde qui refusent de s’aligner.

En 2006, Saddam Hussein est pendu par Georges Bush devant les médias occidentaux. Cette pendaison fut une promesse faite par Bush fils, Rumsfeld, Rice et Wolfowitz aux unilatéralistes américains. Saddam, après avoir été un allié stratégique des Américains au Moyen-Orient, dans la bataille contre l’Iran et la Syrie, est devenu un homme infréquentable, traqué, puis éliminé au vu et au su des promoteurs de la justice internationale au nom de la lutte contre le terrorisme après le «11 septembre». Jusque là, aucune preuve d’enrichissement de l’uranium par l’Irak n’a été fournie au Conseil de sécurité. Bush n’est pas et ne sera pas jugé. Comme justificatif, on nous dira que les Usa ne sont pas signataires du Statut de Rome.

En 2011, Sarkozy intervint en Libye, pour dit-il, sauver les civils et instaurer la démocratie. Un faux prétexte servi pour éliminer Khaddafi qu’on accusait d’avoir tué 300 personnes lors des soulèvements. Aujourd’hui, on est à 130 000 morts à cause de l’intervention française. Aucune poursuite...

En 2011, Obama réussit là où son prédécesseur avait échoué. Il envoie des commandos au Pakistan pour éliminer Ben Laden, son corps jeté dans l’Océan au grand bonheur des requins. Où étaient les organisations de défense de la race humaine ? «L'Amérique est vengée», s'est exclamé Obama. Mais la vengeance n'est pas la justice. Pourquoi n'a-t-on pas permis à Ben Laden d'avoir un procès équitable ?

En 2012, le président Macky Sall arrête Habré encore en vie, mais jusqu’à quand ? L’objectif de ces traques, c’était d’humilier des personnes qui dérangent. On se rappelle comment Gbagbo a été arrêté et déshabillé, puis exposé en sous-vêtement dans sa chambre à coucher. Saddam a été attaché comme un animal, puis pendu en direct devant les chaines de télévision. Khaddafi trainé derrière une voiture L200 avant d’être exécuté, son corps exposé comme un trophée de guerre dans un magasin. Le corps de Ben Laden offert aux requins. Qui ose nier que la justice internationale est celle des pauvres ? Pourquoi aucun procureur de la Cpi n’a été saisi pour poursuivre Bush, Sarkozy pour les crimes commis en Irak, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en Libye ?

Au Sénégal, les Cae prévoient un procès télévisé sur toutes les chaines de télévision africaines comme la finale de la Coupe d’Afrique. On cherche à humilier l’homme. C’est la même stratégie adoptée avec Saddam, Ben Laden, Khaddafi, Lumumba, etc.

Habré est un leader du Tiers-monde, qui a instauré la démocratie et promu les libertés dans son pays. Sa faute, c’est d’avoir dit «Non» à François Mitterrand. Pour rappel, lors de la Conférence France-Afrique à la Baule en juin 1990, Habré avait recadré publiquement le président français rouge de colère, qui avait confié à un de ses proches : «Je ne veux plus voir Habré». Le mot d’ordre était donné. Pour rendre opérationnel ce vœu de Mitterrand, la France retourne un proche d’Habré, Déby en formation à l’Ecole de guerre de Paris et ancien directeur de la Sécurité qui effectua un coup d’Etat.

Sur la feuille de route confiée à Déby, il était question de capturer Habré vivant et l’exécuter après, dans les mêmes conditions que Sankara et Lumumba. Ne voulant pas installer son pays dans une guerre civile sans lendemain, Habré avait préféré quitter le Tchad. Mais, comme la France veut donner une leçon aux chefs d’Etat récalcitrants qui tenteraient dans l’avenir d’imiter Habré et Sankara (tué), ils ont instrumentalisé la justice internationale, les Ong et leur presse pour traquer Habré. La France, parrain du Sénégal, sur le plan international, veut ce procès. Il faut donc le tenir. C’est de là qu’est parti ce complot déguisé en procès. La gauche française en voulait à mort à Habré qui a osé remonter les bretelles publiquement à leur leader François Mitterrand, maître de François Hollande, actuel président français proche ami d’Ousmane Tanor Dieng et d’Abdou Diouf, nouvelle idole de Macky Sall.

L’analyse de la géopolitique mondiale démontre que la France et les Usa sont derrière toutes les guerres dans le monde. Des milliers de personnes sont tuées en Syrie où les Américains arment des troupes rebelles d’Al Qaida. En Libye, ce sont les islamistes qui sèment la chienlit. La France qui a fait tomber le régime de Khaddafi, est aussi à l’origine de l’instabilité politique au Nord Mali. Combien d’individus sont morts dans les guerres déclenchées par les Occidentaux en Tunisie, en Egypte, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, en Israël, en Côte d’Ivoire, au Mali sans que les auteurs de ces crimes ne soient traduits devant la Cpi ou les Car ?

LE LYNCHAGE MEDIATIQUE A OUTRANCE

Le procès de Habré est une bulle médiatique. La «Rfi» en fait une obsession. L’affaire Habré est gérée directement par la rédaction centrale de la radio française à Paris au niveau de la Cellule Afrique, démembrement du bureau Afrique de l’Elysée. Les Occidentaux ont bien mis en place une stratégie de communication négative pour salir l’image de Habré. L’anéantir est la finalité de toutes leurs stratégies. Ils ont trouvé au Sénégal les hommes et les femmes pour le faire.

Dans certains coins du monde, la France, les Usa, l’Angleterre font et défont les carrières des chefs d’Etat. Ils défendent les dictateurs qui entrent dans leur schéma de politique extérieure. C’est le cas de Déby (protégé par la France) qui a tué 789 personnes en 2008 selon un rapport du Département d’Etat américain. Il a exécuté Ibn Omar Saleh, opposant tchadien. Déby est l’un des principaux responsables des milliers de morts en Centrafrique puisqu’il est le parrain des rebelles de la Séléka de Michel Djitodia. A l’Elysée et au Palais de l’Avenue Roume à Dakar, on déroule le tapis rouge aux valets de ce dictateur aux mains rouges de sang.

Les termes «génocide» «dictateur» sortent de l’inspiration des occidentaux qui les collent à tous les leaders qui refusent de soutenir leur politique. Depuis 23 ans, les Ong (Raddho, Human Right Watch, Amnesty international, Fidh, etc.), les médias (Rfi, France24, Jeune Afrique, etc.) ont fait de l’affaire Habré une priorité. Ils s’appuient sur certains médias locaux pour réussir leur campagne de lynchage médiatique.

Pour le diaboliser, les Cae ont mis en place une stratégie de communication financée par les pays donateurs. Récemment, le journal Libération (Ndlr : journal sénégalais paraissant à Dakar) a soulevé une polémique dans l’attribution du marché de communication. C’est l’entreprise «Stratégie People Input» gérée par Serigne Barro qui a saisi l’Armp pour un recours. En prenant cette initiative, il ne savait pas que ce marché ne peut être exécuté que par des Ong qui étaient dans cette affaire Habré depuis le départ. On se demande depuis quand les Ong à but non lucratif gagnent des marchés ? Le bureau des Associations du ministère de l’Intérieur doit nous aider à mieux comprendre ce qui nous semble être une violation des textes. «Primum Africa Consulting» (Dakar), «Rcn Justice & Démocratie» (Bruxelles) et Magi Communications (Ndjamena) gèrent la communication pré et post procès. Ce triangle a joué un rôle déterminant dans la traque. Toutes ces structures travaillent, depuis plusieurs années, en parfaite intelligence avec le Tchad et les supposés plaignants.
Le ministre de la Justice a annoncé l’organisation d’un procès médiatique. Ce qui veut dire que les organes de presse recevront des financements pour retransmettre en direct le procès sous forme de publireportage. L’année dernière, on ne sait sur quel critère, un groupe de presse a décerné un prix au dictateur tchadien ? C’est toujours à Dakar que nous avons vu un patron de presse réaliser un numéro spécial sur les 50 ans de la République du Tchad pour venter les mérites de celui qui a fait de l’extermination de ses adversaires, une arme politique. Rien n’est gratuit...

Depuis l’époque coloniale, certains Africains jouent le rôle de bourreau de leurs propres frères africains. Le procès de Habré sera une infâme mise en scène qui se déroulera en terre sénégalaise avec le président Macky Sall comme seul et unique responsable devant le tribunal de l’Histoire.

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** Mamadou Mouth Bane est conseiller en Communication d’Hissein Habré

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