Nigéria : La vie et ses événements peuvent-ils nous mettre Ko ?

Quand nous hurlons au panafricanisme sans être capable de réveiller et de mobiliser concrètement l'esprit et les valeurs panafricaines, quand nous ne sommes pas en mesure de transmettre l’esprit de résistance, de lutte, d’influence, comment tous les Boko Haram pourraient-ils ne pas s’attaquer à nos soeurs, à nos filles ?

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Ce sont nos sœurs et nos filles. Deux cent treize petites filles et jeunes filles enlevées au Nigéria par Boko Haram pour être livrées au viol (pas au mariage) et à l’esclavage. Au-delà de l’inique provocation, retenons le crime de ces filles : «Etudier», «aller à l’école», «accéder au savoir». C’est de ce crime terrible qu’elles sont punies.

Ainsi en ont décrété les incultes, les barbares qui se revêtent du manteau de la religion, d’une religion qu’ils ont décidé d’inventer, offensant Dieu et l’ensemble des croyants. Comment fait-on lorsque l’on est un inculte et un barbare pour exister ? Décréter que l’Autre est un impie et que les impies des impies sont les femmes. Faibles des faibles qui osent être potentiellement dans un espace usurpé ! Enlevées, vendues comme esclaves, nous ne l’accepterons pas car elles sont nos sœurs et nos filles. 
Nous disons Non à cette manière de les annihiler, de les réduire à néant.

Où est la parole de l'Afrique, elle vient d'El Azar, comme un signe fort. Peut-elle venir de l'ensemble des croyants des Mosquées, des Eglises, des Temples ?

Où est notre parole de femmes africaines? J'en appelle à leur voix dans sa multiplicité. Femmes du Nigeria, femmes du Tchad, femmes du Cameroun, femmes du Niger, captez toutes les rumeurs, tous les bruits qui courent, soyez les détectives de nos sœurs, de nos filles. Femmes du continent, rappelez-vous, rappelons-nous les traditions de nos mères, de nos grand-mères qui ceignaient le pagne et qui prenaient la rue pour défendre leurs enfants.

Le cri des femmes du procès de Minova en République démocratique du Congo aurait dû nous crever les tympans. L’Afrique se tait !

Pourquoi cette violence extrême et crétine est-elle possible ? Pourquoi cette capacité à disposer du corps des femmes comme un lieu de torture et de destruction se développe-t-il dans un silence assourdissant de notre part à tous, contre les luttes de celles qui ont décidé de s’opposer à la déshumanisation de plus de la moitié des Africaines ?

Parce que cette violence, elle existe plus ou moins insidieusement dans notre vie quotidienne de femmes. Boko Haram, c'est la voix de cet étudiant qui se contente de penser ou qui se permet même de dire à haute voix que toute universitaire, toute enseignante que nous soyons, nous lui sommes inférieures. Pour avoir commis le crime d'être femmes. Boko Haram, c'est la voix de cet étudiant qui se permet de dire que la parité à l'Assemblée, c'est y faire entrer des « ignardes » et surtout prendre sa place à lui homme.

Cette opinion insidieuse gangrène notre vie sociale, y compris nos universités. Elle ne s'appuie que sur des opinions, que sur la peur instillée par les couches les plus rétrogrades de nos communautés. Oui !

La violence, qu'elle soit symbolique ou physique, la bêtise sont le lot quotidien des femmes. Nous avons ainsi vidé le mot démocratie de tout sens. Les forces de sécurité ne sont même plus, même pas, en mesure de protéger les citoyennes et donc l'ensemble des citoyens. Quand mes anciennes étudiantes en journalisme refusent de défendre l'intérêt commun et donc de s'organiser au nom de leurs intérêts particuliers ou de la peur, c’est leur droit ; mais rien de ce pourquoi nous nous sommes investies et nous continuons de nous investir n’est jamais gagné définitivement. Les jeunes femmes journalistes ne sont pas les seules. Où se trouve le réseau puissant et efficace de femmes ?

Quand nous hurlons au panafricanisme sans être capable de réveiller et de mobiliser concrètement l'esprit et les valeurs panafricaines, quand nous ne sommes pas en mesure de transmettre l’esprit de résistance, de lutte, d’influence, comment tous les Boko Haram pourraient-ils ne pas s’attaquer à nos soeurs, à nos filles ?

Et pourtant, j’ai rencontré de merveilleuses jeunes femmes africaines, les vieilles comme moi et les plus vieilles (encore plus jeunes par l’esprit, parfois) sont aussi là, nos organisations dans tous les domaines sont là. Mettons donc ensemble nos convictions et nos compétences. Retrouvons notre Voix, mettons nous debout, marchons pour les 213 jeunes filles et les autres parce qu’elles sont nos sœurs, parce qu’elles sont nos filles.

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** Eugénie Rokhaya Aw est ancienne directrice du Centre d’études des sciences et technique de l’information, école de journalisme de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

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