Crises, guerres et interventions militaires extérieures pour le contrôle des ressources : quelles réponses des mouvements sociaux africains ?

Forum social africain à Dakar

La prochaine édition du Forum social africain, prévue à Dakar, du 15 au 19 d’octobre 2014, sera l’occasion pour ces mouvements de débattre des principaux défis auxquels leur continent est confronté et de renouveler leur engagement à explorer des stratégies de lutte contre les tentatives de recolonisation de leur continent. En d’autres termes, il faut un nouveau panafricanisme comme pour mieux faire face aux habits neufs de l’impérialisme.

INTRODUCTION

Le continent africain est à la croisée des chemins. Il est aujourd’hui au centre de toutes les attentions, à cause surtout de ses immenses ressources naturelles mais aussi de sa position géostratégique. Selon le Premier ministre japonais, l’Afrique « porterait les espoirs du monde ». Elle serait « l’avenir » de la France, selon un rapport du Sénat de ce pays. Ces déclarations font écho au discours du système dominant sur « l’Afrique émergente ».

Un tel discours contraste avec la réalité d’un continent africain, victime de la globalisation sauvage et ravageuse, comme l’illustrent les crises et conflits multiples dont les conséquences sont énormes sur les populations vulnérables, et surtout rurales, déjà précarisées par le fardeau de la dette extérieure illégitime et les plans d’ajustement structurel de triste mémoire des années 1980 et 90. Les foyers de tensions, ici et là, ont fini de soumettre les populations à des déplacements forcés à l’intérieur et hors d’Afrique. C’est dans ce contexte que l’Europe est en train d’étendre son dispositif de contrôle des flux migratoires, appelé « Frontex », dans le but de verrouiller ses frontières, souvent en violant systématiquement les droits des migrants et des personnes déplacées.

Ce processus visant à bâtir une « forteresse Europe » par tous les moyens se passe dans le contexte d’exacerbation de la crise systémique du capitalisme, fortement marquée par des crises multisectorielles, comme la crise énergétique, alimentaire, climatique, sociale, financière, identitaire et culturelle. Cela explique que l’on assimile la présente crise du capitalisme à une « crise de civilisation ». Et cette crise ouvre la voie à toutes les formes d’intégrisme et de turbulences, amplifiant ainsi les causes d’instabilité, surtout dans les pays les plus vulnérables, comme les pays africains. Cela anéantit ainsi tous les efforts de développement et crée les conditions permettant aux forces prédatrices de s’accaparer des ressources naturelles et des richesses des pays du Sud.

AFRIQUE : « NOUVELLE FRONTIERE DE LA MONDIALISATION CAPITALISTE » ?

C’est donc ce processus de contrôle des ressources du continent africain qui explique le discours sur « l’Afrique émergente ». Hier considérée comme « marginalisée » dans l’économie mondiale, l’Afrique serait-elle subitement devenue la « nouvelle frontière » de la mondialisation capitaliste ? A en croire certains, elle serait devenue une des « locomotives » de l’économie mondiale grâce à ses taux de croissance comparables à ceux des pays « émergents », mais aussi et surtout grâce aux réserves en ressources naturelles et humaines qu’elle recèle.

Depuis des années, l’Union européenne cherche à enfermer l’Afrique dans des accords de « libre-échange », déguisés sous le nom de « partenariat économique ». Des Sommets entre l’Afrique et d’autres pays ne se comptent plus. Le dernier en date est celui entre l’Afrique et les Etats-Unis, le premier du genre, prévu en août 2014. Le but principal de ce Sommet Afrique/Etats-Unis, tout comme les Ape, sera de chercher à « intégrer » davantage l’Afrique dans la mondialisation capitaliste et à sécuriser l’accès des multinationales nord-américaines aux ressources du continent.

Ainsi donc, les pressions de l’Union européenne dans le cadre des Ape, le Sommet Afrique/Etats-Unis et le discours du système dominant sur une « Afrique émergente » sont-ils plus destinés à « sauver le capitalisme » en profonde crise avec les ressources africaines qu’à promouvoir le développement de l’Afrique. Cette convoitise des pays occidentaux explique largement la multiplication des interventions militaires, sous le couvert d’interventions humanitaires et de résolution de conflits, fomentées par des forces extérieures contre des pays stratégiques et pour la déstabilisation permanente de régions entières du continent qui regorgent de ressources naturelles.

AGRESSIONS IMPERIALISTES POUR LE CONTROLE DES RESSOURCES

Le seul et unique objectif de ces agressions impérialistes, déguisées sous des buts « humanitaires », est de contrôler les ressources de l’Afrique et sécuriser des bases militaires. Le cas de la Libye est le plus emblématique à cet égard. L’agression impérialiste de l’Otap, sous la houlette des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Unis, a abouti à l’assassinat du p

résident Kadhafi et à la destruction de son pays, ouvrant ainsi la voie à la déstabilisation de toute la région sahélo-sahélienne. La crise du Mali et la prolifération des groupes djihadistes en Afrique de l’Ouest sont le résultat direct de cette agression des pays occidentaux contre la Libye. Et ce sont ceux qui sont les responsables de cette situation qui se présentent maintenant en « sauveurs » du Mali et en « protecteurs » contre les djihadistes !

La déstabilisation des pays africains et l’approfondissement de la crise économique servent les desseins des entreprises multinationales du Nord qui s’activent ainsi pour accaparer les terres aux paysans et contrôler les ressources naturelles du continent, comme l’eau, les ressources minières, halieutiques, etc.

FAILLITE DU LEADERSHIP ET ECHEC DU « DEVELOPPEMENT »

Mais les interventions et les convoitises étrangères sur les ressources de l’Afrique ont été facilitées en partie par la faillite du leadership africain et l’échec des modèles de « développement » imposés aux pays africains au cours des cinquante dernières années. En effet, plus de 50 ans après la fondation de l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua), devenue Union africaine depuis 2001, l’Afrique semble plus vulnérable que jamais et à la merci d’une recolonisation rampante.

L’échec des leaders africains à suivre le chemin tracé par le président Kwame Nkrumah et les autres leaders et intellectuels panafricanistes et leur refus de rompre avec les modèles économiques hérités de la colonisation ont plongé l’Afrique dans une crise économique et sociale sans précédent et accentué sa dépendance extérieure. Le spectacle poignant de milliers de ses enfants bravant de multiples dangers pour émigrer en Occident est l’illustration la plus tragique de la faillite du « développement » en Afrique.

A cela, il faut ajouter l’incapacité des intellectuels à proposer une vision et un modèle de développement endogène au continent et les limites des organisations de la société civile qui, jusque-là, n’ont pas pu représenter une force de changement capable de provoquer les transformations structurelles indispensables pour mettre le continent sur la rampe d’un véritable développement au service de ses peuples. Pourtant cette situation contraste avec les potentialités énormes et la qualité des ressources humaines dont regorge le continent. Dans ce contexte général, quelles réponses et solutions durables de la part des mouvements sociaux du contient ?

QUELLES REPONSES DE LA PART DES MOUVEMENTS SOCIAUX AFRICAINS ?

Face à cette situation, caractérisée par la faillite des « élites » politiques, les mouvements sociaux africains doivent, plus que jamais, élever la voix et renforcer leur engagement dans la lutte pour l’avènement d’une Autre Afrique. La prochaine édition du Forum social africain (Fsa), prévue à Dakar, du 15 au 19 d’octobre 2014, sera l’occasion pour ces mouvements de débattre des principaux défis auxquels leur continent est confronté et de renouveler leur engagement à explorer des stratégies de lutte contre les tentatives de recolonisation de leur continent. En d’autres termes, il faut un nouveau panafricanisme comme pour mieux faire face aux habits neufs de l’impérialisme.

Au cours de ce Forum, le mouvement social africain devra réaffirmer son credo originel de combattre le système néolibéral, le capitalisme et l’impérialisme pour créer les conditions permettant de construire une Autre Afrique possible. Une Afrique qui doit être fondée sur un modèle de développement endogène, pensé par les Africains eux-mêmes et conforme à leurs priorités et à leurs aspirations fondamentales.

Pour bâtir une telle Afrique, il faut recouvrer la souveraineté sur les ressources, accélérer l’intégration africaine et promouvoir l’industrialisation du continent pour transformer sur place les matières premières et créer des richesses au bénéfice des peuples africains. Il faudra également repenser l’éducation et la formation ainsi que les questions culturelles dans le cadre de la lutte pour l’émancipation intellectuelle et culturelle de l’Afrique.

Dans cette perspective, le mouvement social africain devra réaffirmer son ancrage résolument panafricaniste et sa fidélité à l’idéal d’une Afrique sans frontières, unie, souveraine, prospère et capable de tenir son rang dans le monde. Il devra aussi démontrer sa vitalité à travers tout le continent afin d’être une véritable force porteuse d’alternatives démocratiques et populaires.

Le Forum sera aussi l’occasion d’une bonne préparation des membres du Fsa pour la prochaine édition du Forum social mondial (Fsm), prévue à Tunis, en 2015. Tunis sera ainsi l’occasion de partager avec le reste du monde les résultats obtenus à Dakar.

ESPACES THEMATIQUES DU FSA

Au cours du Fsa de Dakar, les travaux portés par les différentes organisations/ et réseaux d’organisations, pourraient s’organiser autour des sous-thèmes suivants : (liste non exhaustive) :

- Crises, interventions militaires impérialistes et/ou les nouveaux habits de l’impérialisme ; 

- Faillite du leadership africain, et échec du « développement », 

- Formation et emploi des jeunes, 

- Accaparement des terres, agriculture familiale et souveraineté alimentaire 

- Changements climatiques, résiliences, et adoption locale, 

- Intégration africaine, gestion des ressources et industrialisation, 

- Zone franc, sous-développement et souveraineté monétaire, 

- Ape, « libre-échange », mondialisation capitaliste - migrations et nouveau partenariat Sud-Sud 

- Faillite du néolibéralisme et recherche d’un autre paradigme, 

- Paix, sécurité, unité africaine et libre circulation des personnes, 

- Conscience citoyenne, démocratie/ justice sociale - équité genre et bonne gouvernance ; 

- Migrations, liberté de circulation et respects des droits humains, 

- Luttes contre le’ capitalisme et l’impérialisme et solidarité internationale 

- Arts et Cultures pour la libération et la renaissance africaine ; 

- Éducation pour la sécurité et la solidarité, la démocratie, le développement durable ; 

- Décentralisation, intégration africaine et développement local ; 

- Nouveau panafricanisme, Innovations africaines et alternatives de développement, 

- Education pour tous, Droits économiques et sociaux, accès à l’eau, à la santé et couverture médicale universelle, 
 etc...

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