RD Congo : La fusion des ministère des Droits Humains et de la Justice inquiète
Depuis le remaniement ministériel du 19 février 2010, le ministre des Droits Humains n’existe plus en République Démocratique du Congo. Désormais il s’agit d’un département intégré au ministère de la Justice. Pour L’ASADHO que dirige Me Jean Claude Katende, cette décision «constitue un recul déplorable par rapport aux progrès et bonnes pratiques que la RDC devra réaliser». Ces craintes sont nourries par les relations exécrables que le ministère de la Justice entretient depuis 2008 avec les organisations de défense des Droits de l’homme et autres organisations de la société civile, à travers des pratiques répressives.
L’Association africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO), a appris avec surprise la suppression du ministère des Droits Humains à l’occasion du remaniement du gouvernement dirigé par le Premier ministre Adolphe Muzito. En effet, par son ordonnance n° 10/025 du 19 février 2010 portant nomination des vice-premiers ministres, des ministres et des vice-ministres, le président de la République a procédé au remaniement dudit gouvernement. Il ressort de la lecture de cette ordonnance que le ministère des Droits Humains est désormais fusionné avec le ministère de la Justice. Aussi, certains ministres qui y sont nommés ou reconduits ont fait ou font l’objet des motions et enquêtes parlementaires pour mauvaise gestion et/ou bradage du patrimoine public. Tels sont les cas respectivement du ministre des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction, Fridolin Kasweshi, et de la ministre du Portefeuille, Mme Jeannine Mabunda.
L’ASADHO rappelle que pour montrer son engagement dans la promotion et la protection des Droits Humains en RDC, le président de la République avait, par son ordonnance n° 08/067 du 26 octobre 2008, autonomisé le ministère des Droits humains. Et par l’ordonnance n° 08/074 du 24 décembre 2008, en son article 1.B.35, le Conseil des ministres à attribué au ministère des Droits Humains des attributions spécifiques telles que la promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’examen des cas flagrants de violation des Droits Humains par des mécanismes appropriés tels que la Médiation en matière des droits de l’homme et la commission de contrôle…
Depuis lors, le Ministère des Droits Humains a servi et entretenu de bons rapports de collaboration avec les ONG et Institutions des Droits de l’Homme. C’est ainsi, par exemple, qu’en application de la résolution du 27 mars 2009 du Conseil des Droits de l’Homme sur la situation des droits de l’homme en RD Congo, il a fait approuver par le Conseil des ministres, le 22 juin 2009, le décret portant création, organisation et fonctionnement de l’Entité de liaison des Droits de l’Homme, qui est un cadre de concertation et de collaboration en matière des Droits de l’Homme en RDC et regroupant notamment les ONG et les services de sécurité.
L’ASADHO relève que la fusion de ce Ministère avec celui de la Justice constitue un recul déplorable par rapport aux progrès et bonnes pratiques que la RDC devra réaliser. En effet, le ministre de la Justice a développé une politique caractérisée, depuis 2008 jusqu’à ce jour, par des attaques dirigées contre des associations de défense des Droits de l’homme et certaines confessions religieuses ; par des injonctions données au Parquet Général aux fins d’engager des poursuites à l’endroit des défenseurs des Droits de l’homme et par l’octroi sélectif des personnalités juridiques. Donc, cette fusion rend le ministre de la Justice « juge et partie » d’autant plus qu’il est sans vice-ministre qui pouvait, à la limite, se charger spécialement des questions des Droits de l’Homme.
L’ASADHO craint sérieusement l’amenuisement des chances de nouvelles ONG de défense des Droits de l’homme à obtenir des autorisations provisoires de fonctionnement qu’octroyait le ministère des Droits Humains dans le meilleur délai. Elle craint aussi que la nomination des ministres épinglés par des rapports et motions parlementaires sur le bradage du patrimoine des entreprises publiques et la mauvaise gestion constitue une démarche tendant à leur assurer l’impunité, et ce, en violation de la politique de « Tolérance zéro ».
De ce qui précède, l’ASADHO recommande :
- Au président de la République, de revenir sur son ordonnance n° 10/025 du 19/02/2010 en réhabilitant l’autonomie du Ministère des Droits Humains, et remplaçant les ministres qui sont cités dans des rapports et motions parlementaires;
- Au Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, de constater, à sa session du 3 mars 2010 à laquelle la RDC devra passer pour donner suite aux 28 recommandations issues de la session de décembre 2009, que celle-ci ne montre pas de volonté de consolider les réalisations et bonnes pratiques dans la promotion et protection des droits de l’Homme; de rétablir un mécanisme international de surveillance de la situation des Droits de l’Homme en RDC tel que le Rapporteur spécial ;
- Aux ONG de la société, d’initier des pétitions, conformément à l’article 27 de la Constitution de la RDC, afin de réclamer la réhabilitation du Ministère des Droits Humains et le limogeage des Ministres cités ou épinglés par des rapports et motions parlementaires pour mauvaise gouvernance.
* Me Jean Claude Katende est président de l’Association africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO)
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