Lutte contre le sida: Quand l’accès universel se mue en obstacles universels
Casablanca a accueilli, du 28 au 31 mars, la 5e Conférence francophone sur le sida. Au centre des débats, les questions de stigmatisation et de discrimination ont conduit à une approche de «santé positive» qui colle mieux au respect des droits humains. Bamba Youssouf constate par ailleurs que malgré les moyens consentis dans la réponse à l’épidémie, le sida pose encore des défis cruciaux.
Invité spécial de la Conférence francophone sur le sida, Michel Sidibé, Directeur Exécutif de l’ONUSIDA, a délivré un message fort aux participants, non sans avoir fait l’état des lieux. Selon lui, la mise en œuvre de l’accès universel tant souhaité en matière de prévention, de soins et de traitement est encore confrontée à d’énormes obstacles universels dont les conséquences sont telles que 10 millions de personnes qui attendent toujours un traitement ARV, alors que 400 000 enfants naissant chaque année avec le VIH dans le monde, principalement en Afrique, et que 500 000 personnes meurent de la co-infection tuberculose et VIH malgré les ressources disponibles.
Par ailleurs, 86 pays ont adopté des lois stigmatisant les personnes vivant avec le VIH et les minorités sexuelles, 84 autres ont des lois homophobes et 53 refusent encore la libre circulation aux personnes vivant avec le VIH. Et le directeur de l’Onusida de noter : «Quand deux personnes sont mises sous traitement ARV, cinq autres s’infectent au même moment. D’où l’intérêt de redoubler d’effort pour une meilleure prévention et une bonne prise en charge des patients».
Pour Michel Sidibé, l’action des activistes qui a permis au monde entier d’enregistrer de réels progrès dans la prise en charge des malades du Sida doit continuer. « Le monde francophone peut jouer un rôle important dans la situation actuelle du sida», a-t-il ajouté pour ensuite noter : « L’Afrique paye un lourd tribut de cette épidémie, cela suffit pour comprendre que nous devons faire quelque chose». Au Nigeria, 1000 nouvelles infections sont enregistrées tous les jours et cela n’est pas acceptable, constate le directeur de l’Onusida. De quoi exhorter les chefs d’état à respecter leurs engagements, seul gage pour débarrasser le monde de ce fléau aux conséquences incalculables.
La Stigmatisation et la discrimination, l’autre épidémie
Les lampions se sont éteints le 31 mars 2010 sur les travaux de la 5ème conférence francophone sur le sida, ouvertes à Casablanca le 28 mars. A la cérémonie de clôture, Michel Sidibé a encore déploré le poids de la stigmatisation et de la discrimination sur les personnes vivant avec le VIH dans le monde. En plénière, Dr Othman Mellouck, de l’association de lutte contre le Sida (ALCS) au Maroc, a dénoncé les multiples violations des droits des personnes vivant avec le VIH, constatées dans son pays.
Selon lui, 40% des cas de violations des droits des personnes vivant avec le VIH sont identifiés en milieu hospitalier au Maroc et sont l’œuvre de certains professionnels de la santé. Une situation intolérable, au regard de l’évolution de la lutte. Il dénonce également le rôle négatif de certains médias africains qui accentuent la diffusion d’articles discriminatoires, malgré les progrès réalisés et propose une véritable alliance avec les journalistes pour assurer un bon niveau d’information sur les questions émergeantes liées au VIH/sida.
Dr Othman a conclu son exposé en rappelant à la communauté internationale que la lutte ne peut se faire sans les personnes concernées par l’épidémie. Il a fait un plaidoyer pour que l’on cesse désormais de dire « prévention de la transmission mère-enfant » (PTME), une définition qui tend à stigmatiser les mères séropositives et propose la vulgarisation de « la transmission verticale ».
De la « prévention Positive » à la « santé positive »
Santé Positive, Dignité et Prévention, c’est le nouveau concept que tentent de vulgariser l’Onusida et le Global Network of People Living with HIV (GNP+) dont la mission est d’offrir un meilleur cadre de vie aux personnes vivant avec le VIH dans le monde.
Selon Mme Georgina Caswell, Programme Officer de GNP+, ce concept de «Santé Positive, Dignité et Prévention» a vu le jour en avril 2009, à l’issue d’une consultation technique qui a eu lieu du 27 au 28 avril 2009 à Hammamet, en Tunisie. Il est né du manque de consensus autour de la prévention positive et fait une large place au respect des droits humains.
Pour de nombreux participants à cette consultation régionale, les personnes vivant avec le VIH n’étaient pas disposées à accepter l’expression «prévention positive » qui, selon elles, a des connotations négatives et impliquent le poids injuste de la responsabilité de la transmission du VIH. Certains ont déclaré que l’expression avait un sens trop stigmatisant.
En remplaçant « prévention positive » par la « santé positive, dignité et prévention », les personnes vivant avec le VIH s’offrent une opportunité à mettre en lumière la multitude de besoins de santé et de prévention en lien avec les droits humains.
Le nouveau concept fait du traitement, un moyen de prévention et exige des laboratoires de fabrication une distribution équitable d’ARV de bonne qualité.
Pour informer les partenaires et les acteurs sur ce nouveau concept, un atelier a été organisé pendant la 5ème Conférence francophone sur le VIH/sida, organisée au Maroc du 28 au 31 mars 2010. Au cours de cet atelier, la directrice du programme VIH/sida à l’OMS, Dr Teguest Guerma, a salué le courage et la détermination des organisations de personnes vivant avec le VIH dans leur noble combat pour le bien être de populations, avant de réaffirmer la disponibilité de son institution à accompagner ce nouveau concept.
AFRAVIH, le nouveau consensus de l’Afrique Francophone pour vaincre le sida
L’organisation de la 5ème conférence francophone sur le sida, tenue à Casablanca du 28 au 31 mars, a été confiée à l’Alliance Francophone des Acteurs de Santé contre le VIH (lAFRAVIH). Cette association créée en mars 2009, a pour objet de développer des échanges entre les différents acteurs, de partager de l’expertise scientifique, de promouvoir les actions de recherche, et de développer des pratiques de santé à travers un réseau francophone d’acteurs de santé.
Selon sa présidente, Pr Christine Katlama, l’AFRAVIH officialise l’existence de réseaux de collaboration existant depuis de nombreuses années. Elle montre que la francophonie s’organise et qu’elle trouve un champ d’application dans la lutte contre le VIH.
A la faveur de cette 5ème conférence francophone, de nombreux pays frappent aux portent de l’AFRAVIH pour un meilleur repositionnement de l’espace Francophone.
* Bamba Youssouf est le président du Réseau des médias africains contre le sida, la tuberculose et le paludisme
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