Les militaires américains et AFRICOM: Entre le marteau et les Croisés
Les bombardements occidentaux des forces de Kadhafi en Libye sont devenus pour l’US Africa Command un stratagème opportuniste de relations publiques et une nouvelle tête de pont, en faveur d’ un bastion militaire sur le continent, écrit Horace Campbell. Il lève le voile sur stratégies militaires américaines en Afrique et les dangers d’une remilitarisation de leur engagement sur le continent.
Les bombardements occidentaux des forces de Kadhafi en Libye sont devenus pour l’US Africa Command (AFRICOM) un stratagème opportuniste de relations publiques et une nouvelle tête de pont pour un bastion militaire sur le continent. L’implication d’AFRICOM dans les bombardements sert maintenant à dévoiler les contradictions et les tromperies qui ont entouré la formation de cette unité combattante qui a prétend faire de l’assistance humanitaire militaire en Afrique, en coordination avec le Département d’Etat américain et l’US Agency for International Development (USAID). Les tentatives américaines de remilitariser leur engagement en Afrique sont dangereuses, compte tenu du fait que les Etats-Unis n’ont à leur bilan aucune trace positive et crédible de véritable assistance aux combattants de la liberté et aux mouvements de libération africains.
Les Etats-Unis étaient complices dans la planification du meurtre de Patrice Lumumba au Congo. Ensuite ils ont soutenu le monstrueux dictateur Mobutu Sese Seko, qui a pillé le pays et instigué les guerres récurrentes, le viol, le pillage, la corruption et la brutalité dont le Congo, à ce jour, ne s’est pas remis. Jonas Savimbi a été sponsorisé par les Américains afin de déstabiliser et de semer la terreur en Angola. Les Etats-Unis ont fourni une assistance matérielle militaire et morale au régime Apartheid d’Afrique du Sud et les combattants de la liberté, y compris Nelson Mandela, ont été taxé de terroristes (ce n’est qu’en 2008 que le Congrès américain a passé une loi qui retirait le nom de Mandela de la liste des terroristes). Il reste aux Etats-Unis à expliquer comment Charles Taylor s’est échappé d’une prison au Massachusetts pour aller déstabiliser le Libéria. Les jeunes gens qui sont recrutés par les militaires américains et envoyés en Afrique peuvent ne pas savoir grand-chose de l’histoire notoire de l’implication militaire américaine en Afrique et les hauts gradés profitent de cette ignorance.
A l’instar de la guerre psychologique que les militaires américains ont menée contre des sénateurs américains, un des rôles de l’AFRICOM est de mener une guerre psychologique en Afrique. Intégré dans la subtile guerre psychologique, il y a le concept de la hiérarchie des êtres humains et la supériorité du mode capitaliste de production et des idées provenant du fondamentalisme chrétien. C’est sur ce front-là qu’on trouve une faction de militaires américains connus sous le nom de ‘Crusaders’ (croisés).
QUI SONT CES CROISES ?
Dans un récent article paru dans le Foreign Policy Magazine, le journaliste d’investigation, Seymour Hersh, un vétéran, est cité pour avoir révélé qu’il y a une faction dans l’armée américaine connue sous le nom de ‘Crusaders’. Hersh affirme que les Crusaders sont déterminés à intensifier la guerre contre l’Islam et se voient eux-mêmes comme les protecteurs de la chrétienté. Dans cet article, Hersh soutient que ces éléments néo-conservateurs occupent les échelons supérieurs de l’armée américaine, y compris des personnalités comme l’ancien commandant des forces américaines en Afghanistan, le général Stanley McChrystal et le vice amiral William McRaven. Ces Crusaders ont pris la politique étrangère américaine en otage. Hersh soutient :’Ce que je dis vraiment, c’est que huit ou neuf néo-conservateurs, des radicaux si vous voulez, ont renversé le gouvernement américain. Ils ont pris le pouvoir.’
Déjà, en mai 2009, avant que paraisse l’article de Seymour Hersh, le Harpers magazine a publié un long rapport selon lequel le général David Petraeus était au cœur même des Crusaders. L’article , dont le titre était Evangelical Prozelytization still rampant in the US military (le prosélytisme évangélique sévit toujours dans l’armée américaine) était très détaillé sur le rôle des Crusaders. Dans cet article nous sommes mis en garde contre les nombreux fronts des Crusaders. L’information dans le magazine discute d’un livre publié en 2005 par le lieutenant colonel William McCoy, dont le titre est Under orders : a spritual handbook for military personnel (Sous les drapeaux : un guide spirituel pour le personnel militaire). Selon l’article, ce livre dénonce un ‘biais anti-chrétien’ aux Etats-Unis et veut corriger cette tendance en représentant ‘le besoin de christianisme pour un fonctionnement correct de l’armée.’ Le livre de McCoy a été endossé par le général Petraeus, pour qui ’ Under Orders devrait être dans chaque bagage pour les moments où les soldats ont besoin d’énergie spirituelle.’
Non seulement ces Crusaders contrôlent l’armée américaine, mais en plus ils ont établi des liens avec une faction de l’Eglise catholique, l’Opus Dei, un ordre des plus conservateurs qui est en relation avec la banque, la finance, le militarisme et des services de renseignements. Outre l’Opus Dei, on trouve les évangélistes fondamentalistes américains qui sont liés aux forces islamophobes et à certaines compagnies. Une personnalité cruciale dans le monde des néo-conservateurs militaristes est Dick Cheney, l’ancien vice-président des Etats-Unis et président de Halliburton. Il est bon de se souvenir que ce sont Dick Cheney and Donald Rumsfeld (ancien secrétaire à la défense sous Georges W. Bush) qui ont lancé l’idée de United States Africa Command (AFRICOM).
Dick Cheney et Donald Rumsfeld sont la personnification des Crusaders. Ils sont l’interface avec le monde des militaires, du capital et des grandes compagnies, des compagnies louant des mercenaires et des dictateurs. De nombreux Crusaders sont des suprématistes déclarés.
Les carrières de Dick Cheney et de Donald Rumsfeld et leurs alliés dans les compagnies de Carlyle Group, General Electric et Cerebrus leur ont permis de tisser un réseau mondial incluant des militaires conservateurs, des politiciens, des intellectuels et des capitalistes. Ces Crusaders n’ont guère de considérations pour les autres cultures et religions et n’ont que mépris pour les gens de couleurs. Rumsfeld et Cheney n’ont pas dû être très heureux en lisant le livre de Colin Powell dans lequel il mentionne son discours à l’île de Bunce en Sierra Leone :’ Comme vous savez, je suis un Américain, le fils d’un Jamaïcain qui a émigré de son île vers les Etats-Unis. Mais aujourd’hui je suis quelque chose de plus, je suis aussi africain. Je sens mes racines ici, sur ce continent’. (Colin Powell. My American Journey. pp534)
Nombreux sont ceux dans les rangs des Crusaders qui pensent que le président Barack Obama n’est pas apte à gouverner les Etats-Unis et leur philosophie s’infiltre dans les rangs inférieurs, aggravant les divisions entre les différentes branches de l’armée américaine. En 2010, un certain Col. Terry Lakin, qui avait été décoré par l’armée américaine, a refusé d’obtempérer à l’ordre qui lui était donné de partir sur le terrain, arguant qu’il ne pouvait pas accepter des ordres émanant du président Obama qu’il considérait comme inapte à être président et commandant en chef.. Ce point de vue est partagé par de nombreux Républicains et les sections conservatrices de la société américaine, que l’on retrouve aussi parmi les militaires et qui sont incarnés par les Crusaders. Ils affirment que le président Obama n’est pas né aux Etats-Unis et n’est donc pas supposé être président.
De récents sondages d’opinion montrent que 51% des Républicains croient fermement que Obama n’est pas né aux Etats-Unis, que 21% sont incertains. Ainsi 70% de l’électorat républicains ne croient pas qu’Obama est Américain et estiment qu’ils n’ont pas à exécuter ses ordres.
L’académie militaire des forces aériennes au Colorado a reçu des rapports des média à propos d’une faction des néo-conservateurs dans l’aviation militaire qui a manifesté les attitudes les plus racistes, sexistes et patriarcales des forces armées américaines (Voir : Christian fundamentalisme bigotry reigns at the US Air Force academy). Ce sont là les forces les plus belliqueuses parce qu’elles ne font que lâcher des bombes du haut du ciel.
L’information sur le degré de conservatisme en vigueur à l’académie des forces aériennes a été révélé par le Los Angeles Times qui a relaté l’affaire d’un père juif, dont deux fils étaient à l’académie, qui a traduit en justice les Forces Aériennes, disant que des officiers supérieurs et des cadets ont illégalement imposé le christianisme à d’autres à l’école. L’académie des forces aériennes est située dans une des régions les plus conservatrices du Colorado (Colorado Springs) Colorado Springs est le quartier général de douzaines de groupes chrétiens fondamentalistes y compris Focus on the Family (la plus riche des groupes de pression fondamentaliste de droite), ainsi que l’International Bible Society et la New Life Church. Ces organisations religieuses fournissent le soutien moral pour les idées racistes et sexistes de l’académie.
Depuis quelque temps, il y a des litiges manifestes au sein même de l’armée, entre les Crusaders et une section de l’armée connue sous le nom de ‘Rocks’.
QUI SONT LES ROCKS ?
A l’origine, les Rocks étaient constitués d’officiers supérieurs qui n’étaient pas Blancs. Colin Powell a fait état de leur existence pour la première fois dans son livre « My American Journey ». Bien que le thème d’opportunités égales pour tous fasse partie du discours officiel aux Etats-Unis, ces officiers ont été confrontés à la discrimination et se sont sentis mis de côté par le réseau des anciens boys blancs. Cette réalité est tellement évidente que même la revue de l’armée, « Parameter », a publié des articles comme ‘Why black officer still fail’ (pourquoi les officiers noirs échouent encore). Cet article, comme d’autres, mentionne ‘ le réseau des anciens boys blancs’ comme l’une des causes de la marginalisation des officiers noirs. Ayant été ainsi désignés comme étant ceux qui échouent, les officiers noirs ont recherché la solidarité entre eux. Ils s’étaient irrités de voir leurs collègues blancs atteindre les sommets de la hiérarchie pour ensuite sortir par la plaque tournante en direction du complexe militaro-industriel et des compagnies de sécurité privées.
Le général Joe Ballard, du corps d’armée des ingénieurs, était l’un de ces ‘Rocks’ dans l’armée américaine qui a dévoilé le fonctionnement du réseau des anciens boys. Joe Ballard a tenté de caser le carcan du réseau des anciens boys qui privilégiait Halliburton, mais a découvert que ces réseaux conservateurs sont puissants. Ni le général Ballard ni Bunny Greenhouse n’ont compris la puissance réelle des Crusaders, jusqu’à ce que Ms Greenhouse tente de démontrer la corruption flagrante de l’attribution des contrats à Halliburton sans procéder à des appels d’offres. Pour avoir fait cette démonstration, Greenhouse a été humiliée et Ballard a compris la puissance des Crusaders.
Bien qu’au départ les Rocks se recrutaient parmi les officiers de couleur, lorsque Bush, Cheney et Rumsfeld ont intensifié la politisation de l’armée, des officiers décents, qui n’étaient pas des Crusaders, se sont ralliés à la philosophie des Rocks : l’armée ne doit pas servir les intérêts du capital privé. De nombreux officiers subalternes et des soldats, lorsqu’ils ont appris la façon dont d’anciens soldats avaient été traités au retour de la guerre, sont devenus des Rocks ; ce qui fait qu’aujourd’hui ils prédominent au sein de l’armée.
Au cours de la guerre contre le peuple iraquien, la différence entre les Rocks et les Crusaders était manifeste. Il y a eu des rapports médiatiques qui disaient « la colère sans précédent des généraux des temps modernes » (’The anger of the generals unprecedented in modern times’). Le New York Times a publié les noms de généraux à la retraite sur abandon : le général Paul D. Eaton, le général Anthony C. Zinni, le lieutenant général Gregory Newbold, le major général John Batiste, le major général John Riggs et le major général Charles H. Swannack Jr. Ils n’ont pas craint de voir leurs noms publiés dans leur opposition à Donald Rumsfeld. Certains de ces généraux, comme le général Newbold, était opposé à Rumsfeld et à la guerre en Irak.
Un article dans le New York Times rapporte : ‘’le Lt général Gregory Newbold du Marine Corps, qui a pris sa retraite en 2002, a déclaré qu’il estimait que l’invasion de l’Irak n’était pas nécessaire. Il a demandé la démission de Rumsfeld dans un essai publié dans la dernière édition du Time magazine. Le Général Newbold a déclaré qu’il regrettait ne s’être pas opposé plus vigoureusement à l’invasion de l’Irak’’. Colin Powell a perdu sa crédibilité lorsqu’il est devenu la proie des renseignements fabriqués par les Crusaders. Mais depuis qu’il a compris son erreur il est devenu même plus critique à leur égard.
De nombreux généraux opposés à la philosophie des Crusaders ont été contraints à une retraite anticipée et en raison de leur opposition à leur philosophie, ils n’ont eu accès à aucune des activités lucratives des conseils d’administration des principaux fournisseurs de l’armée. Pas plus qu’il ne leur a été permis de profiter de la plaque tournante entre les compagnies de sécurité privées et les firmes de consultants du complexe militaro-industriel.
Grâce au livre de Bob Woodwards, nous connaissons les personnalités les plus actives des Crusaders comme le général Jack Keane, l’actuel président de l’Institute for the Study of War. Ils ont leur tribune dans les médias qui sont aux mains de Murdoch comme le Wall Street Journal et Fox News. Ils recherchent la respectabilité au travers de groupes de réflexions comme l’American Entreprise Institute et la Heritage Foundation. Derrière ces instituts publics de politique, il y a les principales fondations conservatrices comme Lynde et Harry Bradley foundation, la Carthage Foundation, la Earhart Foundation, la Charles G. Koch Foundation, David H. Koch et Calude R. Lambe charitable Foundations, la Philipp M. McKenna Foundation, la JM Foundation, la John Olin Foundation, la Henry Salvatori Foundation, la Sarah Scaife Foundation et la Smith Richardson Foundation. Le milliardaire Koch Brothers se distingue de tous ces sponsors et supporters par la formidable assistance financière qu’il offre aux activités des Crusaders.
LES CROISES ET L’ADMINISTRATION OBAMA
Les infos concernant les Koch Brothers suggèrent l’usage du langage militaire par les Crusaders aussi bien à l’intérieur qu’en dehors de l’armée. Dans les pages du magazine « The New Yorker », nous avons eu droit à une analyse détaillée, par Jane Mayer, de la guerre des néo-conservateurs.
Un autre aperçu de l’attitude des Crusaders à l’égard de l’administration Obama se trouve dans le discours ayant trait aux plans d’Obama pour l’Afghanistan. Dans son livre ‘Obama’s wars’, Bob Woodward met à nu des faits documentés de manque de respect à son égard par les Crusaders. Plus révélateur encore, le fait que le secrétaire à la défense n’a pas pu prendre une position ferme contre ce manque de respect. L’autre révélation fait état de l’alliance contractée entre Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat, avec une faction de l’armée qui refusait de considérer sérieusement un retrait de l’Afghanistan. Au bout du compte, le président et commandant en chef Obama n’a pas réussi à fournir le leadership nécessaire et ce à un moment ou les citoyens américains ont faire savoir qu’ils en avaient marre de la guerre. Plus de 70% de la population américaine était opposée à une continuation du conflit en Afghanistan.
Après qu’il a échoué à rappeler à l’ordre les Crusaders, qui sont tous dans les échelons supérieurs de la bureaucratie militaire, Robert Gates a pris ses distances, quoique tardivement. Initialement, Gates était opposé à la zone d’exclusion aérienne en Libye. Dans un discours à West Point, il a dit :’ A mon avis, n’importe quel futur secrétaire à la défense qui conseille au président d’envoyer à nouveau une grande armée terrestre en Asie ou au Moyen Orient ou en Afrique doit se faire examiner la tête’, comme l’a délicatement formulé le général Douglas MacArthur.
Là, Robert Gates a tenté de mettre une distance entre lui-même et les Crusaders en déclarant à l’audience de West Point que les Etats-Unis ne devrait pas mener une grande armée terrestre en Asie ou au Moyen Orient ou en Afrique. Toutefois, une fois qu’une faction de National Security Council, qui favorisait la guerre, a prévalu, Gates est resté silencieux. Les Crusaders ont commencé à placer le général Carter Ham devant les caméras de télévisions pour déclarer que l’opération libyenne était conduite par le United States Africa Command. Ces champions des relations publiques pensaient que le monde allait croire que le US AFRICOM, avec ses 1500 personnes stationnées en Allemagne, allait mener la mission en Libye.
Au cours des années Bush, les Crusaders ont avancé le concept selon lequel les Etats-Unis étaient impliqués dans une guerre globale permanente, usant de la phrase ‘ guerre globale contre le terrorisme’, afin de justifier leurs liens avec des factions particulières de Wall Street et la manipulation de sécurité nationale à des fins politiques et financières. Il n’est pas clair dans quelle mesure la philosophie des Rocks a prévalu contre les Crusaders dans la décision de l’administration Obama d’abandonner le terme de guerre globale contre le terrorisme.
L’administration recourt maintenant à l’expression de Overseas Contingency Operation (OCO). Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au vu de la résistance provenant des puissances émergentes, les Crusaders se sont réorganisés pour se concentrer sur leurs acquis en Afrique. Ceci inclus une guerre de propagande accrue avec la complicité de CNN qui rapporte qu’’Al Qaeda, dans le Maghreb islamique (AQIM) profite des troubles en Libye afin de saisir des SAM dans des dépôts d’armes dans les zones rebelles.’’ Cette info était supposée de raviver les images des terroristes équipés d’armes sophistiquées en Afrique du Nord.
Pour une courte période, lorsque le livre « Dark Sahara » de Jeremy Keenan a dévoilé que le terrorisme en Afrique du Nord était une fabrication, les Crusaders ont temporairement battu en retraite. Lorsque le Mouvement des Officiers Libres (MAOL) en Algérie a corroboré une partie des informations contenues dans le livre, les Crusaders ont mis la sourdine quant à Al Qaeda au Maghreb et se sont tournés vers Al Qaeda dans la péninsule arabique. Toutefois, avec la vague de révolution au Yémen et l’érosion de la fiction du terrorisme au Yémen, les planificateurs du Pentagone ont décidé de dépoussiérer AFRICOM au profit des Crusaders.
US AFRICOM ET LES CROISES
AFRICOM a été établi par le département de la défense américain, en février 2007, pour être la cinquième base opérationnelle des Etats-Unis et comme commandement séparé afin de ‘’superviser des opérations militaires sur le continent africain’’. AFRICOM a été conçu par des Crusaders tel que Rumsfeld, Bush, Cheney. Rumsfeld a fait adopter le concept juste avant de quitter l’administration Bush en décembre 2006. Bush a annoncé sa formation et juste avant les élections de 2008, le nouveau commandement a été inauguré. Cette nouvelle formation est stationnée à Stuttgart, en Allemagne, en raison de la totale opposition des pays africains. Même les alliés africains des Etats-Unis comprennent la force de l’opinion publique et son opposition à AFRICOM. Ainsi des dirigeants comme Yoweri Museweni en Ouganda se sont publiquement opposés à l’AFRICOM, mais il procède quand même à des manœuvres militaires conjointes avec l’armée américaine sous la bannière de l’AFRICOM. Museweni est un bon exemple du politicien africain qui s’est fait prendre par la rhétorique des Crusaders. Des membres de sa famille sont en relation avec les Chrétiens les plus fondamentalistes aux Etats Unis.
Face à l’opposition publique des penseurs africains et des faiseurs d’opinion, les organisateurs des Crusaders ont dépensé de l’argent en faveur des intellectuels qui vivent des situations financières difficiles, afin de promouvoir un assaut idéologique qui permette de légitimer l’AFRICOM. Outre ce travail intense parmi les spécialistes des sciences humaines, les organisateurs, parmi les Crusaders, ont décidé de recourir aux services d’une firme de propagande afin d’alimenter les flammes de l’islamophobie en Afrique.
AFRICOM s’est lancé dans une gigantesque entreprise de relations publiques afin de se présenter comme une force humanitaire et de développement en Afrique. Il s’en suit que presque tous les aspects de politiques étrangères américaines en Afrique sont soumis au Pentagone. Essentiellement, avec une force de seulement 1500 personnes, l’AFRICOM sert surtout à distribuer des contrats à des firmes de contractants militaires privés. L’espace à disposition ici ne permet pas d’entrer dans le détail de ce business de mercenaires versus l’armée américaine régulière. Mais les activités de Blackwater- connue maintenant sous le nom de XE- sont bien connues et documentées grâce au livre de Jeremy Scahill : The rise of the world ‘s most powerful mercenary army.
De ce livre et d’autres nous avons appris la mentalité des échelons supérieurs de Blackwater (XE). Ce qui reste peu clair est la raison pour laquelle les dirigeants des Emirats abritent les chefs de Blackwater après qu’il y ait eu des requêtes pour des sanctions légales contre la compagnie, suite au massacre de 17 civils sur la place Nisour à Bagdad. Des centaines de contractants militaires privés, avec une réputation similaire à celle de Blackwater, sont maintenant autorisées à former les armées africaines sous l’égide de l’AFRICOM. Ces autorisations sont octroyées par le Département d’Etat afin que AFRICOM reçoive les contrats pour la formation des armées africaines, qui ensuite passent des contrats avec des firmes comme DynCorp, l’une des plus entreprenante en Afrique. DynCorp, essentiellement une armée privée, est la propriété de Cerberus une des plus importantes compagnies d’investissement privées des Etats-Unis. C’est DynCorps qui forme la nouvelle armée du Libéria et le Libéria est le seul pays africain prêt à accueillir AFRICOM sur son territoire.
Les autres plus importantes firmes militaires à passer des contrats sont Kellogs Brown Root (KBR), succursale de Halliburton qui opère au Kenya, à Djibouti, en Ethiopie. Pacific Architects and Engineers Governement Services (jusqu’à récemment une succursale de Lockheed Martin) opère au Liberia ; Protection Strategies Inc. est aussi impliqués au Liberia ainsi que Military Professional Resources Inc. (MPRI), qui a des contrats au Bénin en Ethiopie, au Ghana, au Kenya, au Mali, au Malawi, au Nigeria, au Rwanda et au Sénégal. Il y a encore CSC (Computer Scientists Corporation) and Science Applications International Corporation (SAIC), de même que des compagnies militaires privées britanniques comme Aegis, mais on ne leur fait pas confiance pour promouvoir l’idéologie des Crusaders. De temps à autre, lorsqu’il s’agit de contrôler les ressources pétrolières dans des endroits comme la Guinée équatoriale, il y a compétition et coopération entre les Britanniques et les Crusaders américains.
La Guinée équatoriale est l’une des pires dictatures au monde et le MPRI a réussi à obtenir le Maritime Security Enhancement Program qui fournit une surveillance de la totalité des côtes de ce pays. Le 25 janvier 2007, les dirigeants du MPRI ont rencontré le président Obiang de Guinée équatoriale afin de l’informer de leurs activités au cours du premier trimestre d’un programme s’étendant sur 5 ans et qui consiste à former les militaires et l’unité de sécurité présidentielle (voir le rapport : Private US firm trains Equatorial Guinea army units. Agence France Press. 30 Janvier 2007. Pour plus d’information voir encore
http://www.upi.com/Business_News/Security-Industry/2010/02/25/Equatorial-Guinea-contracts-for-security/UPI-81031267127729/#ixzz1I8t6BdJW)
AFRICOM déclare ‘’qu’elle contribue à améliorer la sécurité et la stabilité en Afrique, permettant ainsi aux Etats africains et aux organisations régionales de promouvoir la démocratie, d’étendre le développement et d’élaborer une défense commune et de mieux servir leur population.’’ Toutefois, comme en témoigne la relation avec le dictateur Obiang, AFRICOM est surtout préoccupée par la stabilité et la sécurité des intérêts pétroliers américains en Guinée équatoriale plutôt que des droits démocratiques du peuple.
L’utilisation des armées capitalistes privées par les Crusaders de l’armée régulière américaine au Moyen Orient, qui a culminé en Irak et en Afghanistan, a permis la consolidation de leur marché aux portes de l’Afrique. L’article ‘’Why contractor fatalities matter,’’ (Parameter. Automne 2008) déclare qu’il y a sur le terrain irakien, en 2008, davantage de personnel sous contrat de firmes privées que de personnel de l’armée américaine régulière.
Aujourd’hui, l’armée américaine, qui a tellement délégué, ne peut se suffire à elle-même sans une présence considérable de contractuels privés. En Irak , en particulier, le gouvernement américain emploie - directement ou au travers de sous-contrat- plus de contractuels que de soldats de l’armée régulière. La plupart des experts s’accordent pour dire qu’il y au moins 190 000 et peut être jusqu’à 196 000 contractuels en Irak, comparé à moins de 170 000 soldats de l’armée régulière.
La reproduction de ce militarisme néolibéral qui utilise AFRICOM comme écran pour des armées privées est la suite logique de la fabrication du terrorisme et de toutes les formes de machinations déstabilisatrices qui augmentent la demande du marché pour des armées privées en Afrique, le but ultime étant de satisfaire la cupidité qui est la vraie raison de la privatisation de la violence. Ceci menace la transformation du continent.
La révolution en Tunisie et en Egypte a choqué les Crusaders et ils se sont demandés comment faire pour obtenir le soutien de la société américaine pour consolider AFRICOM. La question de sauver des civils en Libye a fourni une belle occasion pour renforcer les Crusaders et c’est Barack Obama qui leur a permis de renforcer leurs forces, ces mêmes forces qui ne croient pas qu’Obama est né aux Etats-Unis.
DEMANTELER AFRICOM
Lorsque Barack Obama a nommé le général Eric Ken Shinseki au poste de secrétaire des Affaires des Vétérans, certaines sections des Rocks ont pensé que Obama allait en profiter pour nettoyer les écuries d’Augias du Pentagone, expulser les Crusaders et leur retirer leurs autorisations d’employer des firmes privées par l’intermédiaire du département d’Etat. Les Crusaders ont pris les devant avec les plans de renforcer les forces américaines en Afghanistan et Dick Cheney est devenu leur porte-parole officiel en marge des militaires de l’armée régulière et des firmes militaires privées.
Certains observateurs affirment que Barack Obama a fait appel à Colin Powell pour qu’il sonne le ralliement des Rocks afin de contrer les exigences de Dick Cheney. Toutefois, Obama a reculé devant une collision frontale avec les Crusaders. Les Crusaders ont tôt fait de comprendre que Colin Powell ne jouissait que de peu de crédibilité devant l’opinion publique mondiale après qu’ils l’aient manipulé de sorte qu’il présente de faux témoignages devant les Nations Unies. Ils ont donc eu tout loisir de rassembler leurs forces contre Obama. Au milieu de la dépression, lorsque les travailleurs du Wisconsin ont démontré que des travailleurs organisés n’avaient nulle besoin du Tea Party, l’idée de la suprématie blanche avait besoin d’être réaffirmée. C’est ainsi qu’il faut comprendre la récente incursion des Etats-Unis en Libye.
Les dictateurs dans toute l’Afrique et le Moyen Orient ont été secoués par les révolutions tunisienne et égyptienne. Barack Obama a tergiversé sur la question des relations futures avec les Crusaders, alors qu’il aurait dû prendre une position claire sur la question d’une intervention militaire américaine en Libye. Alors que le débat faisait rage entre les Rocks et les Crusaders, Robert Gates a décidé d’abandonner les Crusaders et a tendu la perche à Obama en déclarant que n’importe quel président qui envoie des troupes en Afrique doit se faire examiner la tête. Cependant qu’Obama tergiversait, la France et la Grande Bretagne poussaient énergiquement à la roue afin que British Petroleum (BP) et Elf puissent se trouver aux commandes en Afrique du Nord afin de jouer un rôle contre-révolutionnaire dans la marée montante des révolutions. Les Crusaders ne voulaient pas être laissés de côtés, mais se sont trouvés momentanément marginalisés jusqu’à ce que Susan Rice (Représentante permanente des Etats-Unis auprès des Nations Unies), Samantha Power (assistante spéciale du président et membre du National Security Council) et Hillary Clinton ont vigoureusement demandé une intervention américaine. Ces conseillères du président Barack Obama ont avancé de solides arguments militaires et n’ont jamais envisagé des alternatives à celle-ci. Les Crusaders ont attendu le coup de pouce officiel en faveur d’AFRICOM et ils n’ont pas raté l’occasion.
Récemment, les médias américains ont révélé que, alors que le débat pour le soutien de la Résolution 1973 dû Conseil de Sécurité des Nations Unies était en cours, Barack Obama a signé un ordre exécutif qui permet la mise en place d’opération clandestine en Libye, revenant ainsi aux stratégies funestes qui ont précipité le fiasco irakien. Reuters rapporte que le président Barack Obama a signé un ordre secret permettant les opérations de soutien clandestines de la part du gouvernement américain afin de liquider le dirigeant libyen Mouamar Kadhafi. Obama a signé l’ordre, connu sous le nom de ‘presidential finding’ au cours de ces deux ou trois dernières semaines, selon quatre sources gouvernementales familières à ces procédés. Ces’’ findings’ sont une forme courante de directive présidentielle qui sont utilisées pour autoriser des opérations secrètes de la CIA.
Pour preuve de la lutte entre les Rocks et les Crusaders, Al Jazeera révèle que l’information concernant le ‘’finding’’ est venu de l’intérieur du Pentagone. Ceux qui à l’intérieur du Pentagone ont en mémoire la zone d’exclusion aérienne en Irak comprennent les implications d’un changement de régime et d’une guerre insidieuse.
Barack Obama a été élu président des Etats-Unis et commandant en chef des forces armées. Il a le pouvoir de démanteler l’AFRICOM qui a été créé par décret présidentiel. Il peut être dissout par un autre décret présidentiel. Il ne fait aucun sens que du personnel militaire formé creuse des puits à Lamu, au Kenya, ou que le Combined Joint Task Force réparent des puits en Tanga, en Tanzanie. Pour des transformations et une paix durables, les Etats-Unis doivent collaborer avec les forces démocratiques en Afrique et dans l’Union africaine.
Obama a le choix de renoncer à la militarisation de l’Afrique ou de se faire écarteler par les relations américaines militaires avec l’Afrique. Obama doit soit dirigé, soit se faire balayer en cette période de dépression, de guerres et de révolution. Obama doit prouver aux citoyens que les affirmations de Seymour Hersh étaient fausses lorsqu’il a déclaré que le gouvernement américain était sous la coupe des Crusaders
* Horace Campbell est professeur d’histoire afro-américaine et de sciences politiques à l’université de syracuse. Il est l’auteur de : Barack Obama and Twenty First Century Politics: A Revolutionary Moment in the USA. Voir aussi www. Horacecampbell.net
Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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