Les nouveaux amis de l’Afrique seront-ils tellement différents des Occidentaux ?
Les débats sur les Brics au sein du gouvernement d’Afrique du Sud, des militants et des intellectuels de la société civile à tendance gauchiste, restent polarisés entre pro et anti. Rien n’est clair pour ce qui est de savoir si les nouveaux partenaires de l’Afrique du Sud au niveau des Brics collaboreront avec le pays différemment.
L’African National Congress (Anc) n’aime pas les attaques de la Gauche. Celles venant de la droite peuvent être facilement rejetées comme étant racistes, néocolonialistes, impérialistes, libérales ou n’imposte quoi d’autres. Le dictionnaire de l’Anc déborde de ripostes prêtes à l’usage contre la Droite. Mais elle peine à riposter aux attaques de la Gauche. Ceci est clairement apparu lors d’un débat public récent organisé par l’Ong pour le développement ActionAid sur l’Afrique du Sud qui reçoit le sommet des Brics à Durban.
Le thème en était : " Brics : changement de paradigme ou plus ça change plus c’est la même chose ?". La directrice sud africaine de ActionAids, Fatima Shabodien, a posé le cadre du débat en demandant si les Brics "offraient un changement fondamental idéologique", ou sont-ils juste une continuation des mêmes idéologies économiques "néolibérales", avec les nouvelles puissances émergentes - les nouveaux partenaires de l’Afrique du Sud au sein des Brics (Brésil, Russie, Inde et la Chine)- comme acteurs déterminant au détriment des anciennes puissances occidentales.
Un professeur senior du Département de l’environnement construit et des Etudes du développement de l’université de KwaZuluNatal, Patrick Bond, a répondu à la question en termes sans équivoque. Il critique le gouvernement pour sa propension, non seulement acquiescer, mais à collaborer activement avec les nouvelles puissances "sub-impérialistes" que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine en les assistant dans leur "découpage de l’Afrique".
LA CHINE ET RHODES SONT-ELLES ALLIEES EN AFRIQUE ?
"Ceci est un répétition de 1885", a déclaré Bond, accusant les Brics d’organiser une nouvelle ruée sur l’Afrique dans leur hâte d’extraire les ressources naturelles du continent. La construction d’infrastructures majeures par la Chine sur le continent - saluée largement par l’Afrique du Sud et d’autres gouvernements africains ainsi que par des économistes du développement- devient, du point de vue de Bond, juste un instrument de Beijing et de son entreprise néocoloniale.
Ces constructions sont surtout liées au transports des minerais vers les ports pour être convoyés jusqu’en Chine, constate-t-il, ajoutant que le nouveau président chinois, Xi Jinping, qui participe au sommet de Durban, serait tout à fait en phase avec le point de vue du grand colonialiste Cecil John Rhodes sur l’Afrique.
Lui et Shabodien ont posé certaines questions familières qui n’émanent d’aucune direction idéologique particulière. Par exemple : Si les partenaires de l’Afrique du Sud au sein des Brics sont de si bons amis pourquoi ni la Russie ni la Chine n’ont soutenu sa candidature pour un siège au Conseil de Sécurité ? Pourquoi les Brics n’ont pas soutenu le candidat africain pour prendre la tête de la Banque mondiale et pourquoi la Chine a-t-elle mis l’Afrique du Sud sous pression pour qu’elle refuse un visa au Dalaï Lama ?
Le vice-ministre des Affaires internationales et de la coopération, Ebrahim Ebrahim, qui représentait le gouvernement à ce débat, semblait surpris par l’attaque de Bond. Il aurait dû s’y attendre, Bond exprimant régulièrement son communisme à l’ancienne.
VERS UN MONDE MULTIPOLAIRE ?
Il a proposé la réponse standard. A savoir que l’émergence des Brics représente un changement fondamental dans la puissance économique, un départ de l’Occident vers un monde nouveau, multipolaire ou "plurilatéral". Le rôle de l’Afrique du Sud dans le sein des Brics doit être vu comme contribuant au changement dans cette direction. Mais ceci ne répondait pas à la question de Shabodien, de savoir si les Brics offraient " un changement idéologique fondamental" ou constituent juste une redistribution des cartes aux joueurs du même jeu ?
Ebrahim a trouvé un certain soutien dans le "sous-fifre" des Brics, Anil Sooklal, vice-directeur général pour le Moyen orient et l’Asie, pour répondre à certaines des questions. Sooklal a semblé surpris par les attaques frontales de Bond et de la Gauche, insinuant qu’ils étaient arrogants. Cela rappelait l’attitude aussi bien des "enseignants de l’Apartheid" à l’Université indienne ségréguée, qu’il a dû fréquenter dans l’ancienne Afrique du Sud, que les intellectuels de l’Union européenne "qui ont réponse à tout". Bond a rendu un mauvais service à l’académie, a-t-il ajouté.
Sooklal avait probablement raison de rappeler son temps à l’université, comme il devait - d’un point de vue purement rhétorique - réfuter les attaques de Bond comme étant de la politique estudiantine. Il est certain que Bond a tiré à boulets rouges sur ce que la Gauche considère comme la trahison de l’Anc, qui se vend au capital international et au néolibéralisme, etc., et pas seulement aux Brics.
Toutefois, une question obsédante posée par Shabodien et Bond demeure : qu’est-ce que les Brics ont véritablement à offrir de différent à l’Afrique du Sud, en dehors d’un œil au beurre noir à l’Occident ? Sooklal a juste effleuré la question lorsqu’il a dit que la définition faite par Bond pour les infrastructures était trop étroite et que les Brics ont à l’esprit une définition beaucoup plus large. A savoir : aborder la question de la pauvreté, du sous-développement et du chômage- dans leur politique d’investissement pour les infrastructures.
Ceci fait évidemment référence à la croyance au fait que les Brics vont investir en Afrique du Sud - et le reste du continent - afin de mettre sur pied une industrie de transformation qui donnerait une valeur ajoutée aux matières premières, créant localement de l’emploi et une plus grande croissance locale, plutôt que de se limiter à l’extraction de minerai pour l’exportation.
ZUMA DEFIE L’OCCIDENT AVEC LA CHINE
Le président Zuma l’exprime plus directement dans un entretien accordé au Financial Times, lorsqu’il met en garde les compagnies occidentales, les avertissant qu’elles allaient devoir traiter l’Afrique différemment, non plus comme une ancienne colonie, ou "l’Afrique se tournerait vers de nouveaux partenaires qui la traiteront différemment".
Il a particulièrement accusé les compagnies minières de se contenter d’extraire le minerai sans promouvoir, dans les pays hôtes, les industries liées au secteur, comme le polissage du diamant. Il a toutefois reconnu que l’Afrique avait conscience que sa nouvelle amie, la Chine, pourrait faire de même.
Zuma formulait ce que son gouvernement estime probablement être la différence entre Xi Jinping et Cecil John Rhodes. Il est révélateur que pour lui, la question ne semble pas entièrement réglée.
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** Peter Fabricius est le rédacteur du service étranger de journaux indépendants - Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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