L’Afrique est souveraine et n’acceptera pas d’être recolonisée
Il est utile de se rappeler que, contrairement à ce que le ministre danois pour le Développement et la coopération a déclaré, nous avons, en Afrique, la capacité de nourrir et de soutenir nos populations. Nous, Africains, assurons Christian Friis Bach et tous ceux qui pensent comme lui, que malgré le pillage actuel auquel nous sommes assujettis, nous ne permettrons jamais à l’Afrique de subir une recolonisation économique. Jamais.
A l’honorable Ambassadeur du Danemark à…
Au regard de l’interview [1] accordée au quotidien « Politiken par votre ministre pour le Développement et la Coopération, Christian Friis Bach, ce 9 juillet passé, et tenant compte du fait que la coopération danoise sur le continent d’Afrique date de longtemps avant l’indépendance de beaucoup de pays où des organisations travaillent toujours par le biais de projets différents dans plusieurs domaines du système politique, de la société et du monde du commerce, nous ne pouvons pas nous empêcher d’exprimer notre répréhension profonde face au manque de respect évident du contenu idéologique plutôt singulier de cet interview.
Franchement parlant, le ministre Christian Friis Bach n’a fait que dire ce que de nombreux hommes politiques et leaders de pays développés pensent, mais sont trop astucieux pour le dire. En fait, nous préférons Christian Friis Bach à ces autres individus douteux. Qu’il se soit emporté ou qu’il ait parlé imprudemment, votre ministre pour le Développement et la Coopération a dit exactement ce qu’il pensait, ce qui nous permet de réfuter, de contester, de lui dire que son idée du développement est surannée, que ce qu’il dit être prêt à faire est ignoble au niveau éthique, que ceux qu’il clame profiteront le plus des politiques qu’il prévoit d’imposer en seront sûrement leurs principales victimes et que, même s’il a malheureusement assez d’autorité pour influer sur les décisions prises par les organes gouvernementaux de certains pays d’Afrique,
il n’a certainement pas le droit de le faire. Et selon nous, il devrait le savoir. Nous, Africains, assurons Christian Friis Bach et tous ceux qui pensent comme lui, que malgré le pillage actuel auquel nous sommes assujettis, nous ne permettrons jamais à l’Afrique de subir une recolonisation économique. Jamais.
Il est utile de se rappeler que, contrairement à ce que le ministre Friis Bach a déclaré pendant son interview, nous avons, en Afrique, la capacité de nourrir et de soutenir nos populations. Les demandes sur l’agriculture ainsi que la demande alimentaire en Afrique ont été satisfaites au cours du temps à travers des approches durables et multidimensionnelles, un usage minimum d’éléments externes comme les engrais chimiques, les pesticides et herbicides importés et les pratiques étrangères aux contextes socioculturels de nos populations.
Le soutien dont l’Afrique a besoin aujourd’hui est un positionnement décisif pour le maintien de la diversité des graines et des cultures et la défense des cultures vivrières qui sont visées par les biotechnologies même quand il n’y a aucune demande pour des variétés modifiées ou des récoltes Gm.
En ce qui vous concerne, en tant que plus haut représentant du peuple danois dans notre pays, nous souhaitons vous demander si vous partagez les opinions de votre ministre pour le Développement et la Coopération. Si oui, nous vous demandons de bien vouloir répondre aux questions suivantes :
Pensez-vous qu’il soit juste que le continent d’Afrique soit tenu responsable, « aujourd’hui », pour les mauvaises décisions prises « hier » par les pays du premier monde comme le vôtre ? Des décisions qui ont mené à la surexploitation de la nature, de la faune et des êtres humains à cause de régimes alimentaires peu sains et destructifs ainsi qu’une consommation excessive d’énergie.
Est-ce acceptable, selon vous, que les pays du premier monde imposent à l’Afrique les modèles de développement qui ont échoué chez eux comme des modèles de réussite qui seraient la seule voie sûre vers le développement ?
Pouvez-vous imaginer un monde où l’Afrique adopterait vos idées sur la production, la consommation, le développement et le progrès ?
Pensez-vous que nous les Africains devrions aveuglément accepter la responsabilité d’utiliser nos ressources pour soutenir ceux qui n’ont clairement pas su gérer les leurs ?
C’est un honneur pour nous de voir que le monde se tourne vers l’Afrique et que ses leaders disent compter sur nous. Nous en Afrique sommes accueillants et prêts à aider et nous désirons depuis longtemps contribuer davantage et mieux à une voie de développement qui soutiendrait des moyens de subsistances durables. Cependant, nous ne devons pas nous sacrifier pour répondre aux caprices de ceux qui pensent que la destruction de la planète constitue le progrès. Nous aimerions pouvoir compter sur le soutien de tous ceux qui sont bien intentionnés, mais un tel soutien ne doit pas écraser notre souveraineté ou notre dignité.
Dans ce contexte, nous les organisations, mouvements et associations africains qui sommes signataires de cette lettre, réitérons que nous considérons toujours avec reconnaissance le soutien reçu par ceux qui veulent nous accompagner vers un développement :
- Qui réponde adéquatement à nos besoins et à ceux des générations à venir ;
- Qui soit juste et équitable et pas fondé sur l’exploitation, l’accaparement des ressources et le dénigrement ;
- Qui soit logique et réfléchi sans être à la recherche de qui ou de quoi que ce soit ;
- Qui ne fasse pas de nous les seuls bénéficiaires mais qui nous rapporte ce qui nous revient de droit ;
- Qui respecte non seulement la souveraineté de chaque pays d’Afrique mais aussi la diversité de nos populations ainsi que celle de nos cultures et traditions ;
- Qui soit guidé par les principes de l’honnêteté, de la transparence et de l’inclusion, essentiels au parcours démocratique de tout territoire.
- Qui respecte notre souveraineté alimentaire, construite sur les droits inaliénables des personnes de maintenir leurs diversités culturelles ainsi que celles de leurs graines. La diversité culturelle permet aux populations de maintenir et de développer leur capital de connaissances locales ; de produire, préserver et utiliser leurs graines et de contrôler leurs pratiques agricoles qui ont été développées pendant des siècles d’expérimentations et d’expérience. La souveraineté alimentaire garantit que les fermiers continuent de travailler et que les communautés ne doivent pas modifier leur régime.
Il est évident que tout projet de développement qui ignore ou ne suit pas n’importe lequel de ces principes ne serait pas dans l’intérêt de l’Afrique ni des Africains et nous rejetons et dénonçons la position adoptée par votre gouvernement à travers votre ministre pour le Développement et la Coopération.
Au nom des bons rapports que nous aimerions maintenir avec vous, nous vous demandons de bien vouloir répondre à cette lettre.
Signée par,
- Friends of the Earth Africa:
- Atpne/Friends of the Earth Tunsia
- Centre pour l'Environnement et le Développement/Friends of the Earth Cameroon
- Environmental Rights Action/Friends of the Earth Nigeria
- Friends of the Earth Ghana
- Friends of the Earth Sierra Leone
- GroundWork/Friends of the Earth South Africa
- Guamina / Friends of the Earth Mali
- Justica Ambiental (JA!) Friends of the Earth, Mozambique
- Lawyers' Environmental Action Team/Friends of the Earth Tanzania
- Les Amis de la Terre/ Friends of the Earth Togo
- Maudesco/Friends of the Earth Mauritius
- National Association of Professional Environmentalists/Friends of the Earth Uganda.
- Sustainable Development Institute (Sdi)/ Friends of the Earth Liberia
- Yonge Nawe Environmental Action Group/Friends of the Earth Swaziland
- The Alliance for food sovereignty in Africa (Afs)
- African Biodiversity network (Abn),
- Coalition for the Protection of African Genetic Heritage (Copagen)
- Comparing and Supporting Endogenous Development (Compas) Africa,
- Friends of the Earth- Africa
- Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee (Ipacc)
- Participatory Ecological Land Use Management (Pelum)
- Eastern and Southern African Small Scale Farmers‟ Forum (Essaff),
- La Via Campesina Africa ,
- Fahamu,
- World Neighbours
- Network of Farmers' and Agricultural Producers' Organizations of West Africa (Roppa)
- Community Knowledge Systems (Cks)
- Plate forme sous-régionale des organisations paysannes d'Afrique centrale (Propac).
- Laurent Alex Badji Copagen Senegal
- The Green Belt Movement Kenya
- Health of Mother Earth Foundation, ((Homef) Nigeria
- Commitee on Vital Environment Resources (Cover) Nigeria
- The Young Environment Network (Tyen) Nigeria
- Institute for Research and Promotion of Alternatives in Development (Irpad/Afrque), Mali
- Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique africain Mali (Copagen-Mali)
- Actions pour le développement durable. Republic of Benin
- Kenya Debt Relief Network – (Kendren) Kenya
- Coecoceiba-FoE Costa Rica,
- African Centre for Biosafety (Acb)
NOUS VOUS PROPOSONS L’INTERVIEW, « FRIIS BACH IS UP FOR A MATCH AGAINST THE AFRICAN CHIEFS », REALISEE PAR JENS BOSTRUP
FRIIS BACH IS UP FOR A MATCH AGAINST THE AFRICAN CHIEFS
Africa must be developed in a rush in order to avoid global food crisis. It requires huge changes, including a confrontation with chiefs, the role of women and the view upon collective property, says Danish Minister for Development Cooperation, Christian Friis Bach.
Denmark will use its political influence in large parts of Africa to get rid of local cultures and traditions that hinder the development of African agriculture, says Minister for Development Cooperation Christian Friis Bach.
"It is certain that Africans will have to develop their agriculture.For their own sake. And for the entire world", says Christian Friis Bach."The good news is that it can be done. Africa has a huge growth potential, and within a generation, we can transform Africa from being dependent on others for food to become the world's breadbasket.It requires massive investment, especially from abroad. And we're going to see very quick and very harsh structural changes, which large parts of the continent are not prepared for", he says.
The confrontationmust address fundamental issues in the African societies: gender relations, land ownership and the power structure.
"Some have a rather romantic belief that traditional cultures have a value in themselves, and they want to sit down with the chief and fix things.I do not share this belief", says Christian Friis Bach."For the poor farmers, who are the majority in the village, collective ownership, which is in practice administered by the chief,is usually of no value.They would be much better off if they owned their land. For women, the traditional norms has no value either. It prevents them from the equality they deserve. It is an ongoing local power struggle, and we must engage in this struggle”.
This is not just words. The Danish Minister for Development Cooperation actually plays a role in African politics. Most countries on the continent are dependent on Western aid, and donor countries often conspireto make demands that local governments have to acknowledge.
Denmark has prioritized 12 countries in Africa, where we "are present with a long-term perspective and with political and financial weight” as Danida puts it. This applies amongst others Uganda, Niger, Ghana, Kenya, Tanzania and Mozambique.
"One of the things weparticularly insist on is that women should be able to own and inherit land.This can increase agricultural production by 5-10 percent because women are far more productive and innovative in agriculture", says Christian Friis Bach.
[Q] But this is also completely contrary toancestral traditions and values on which people build their identity. Can you as a donor allow yourself to change that?
"Yes, because not all values are equally worthy. For me it is fundamental to give women equal rights to the land.Both human and political - and because it is the way to boost agricultural production", says Friis Bach.
THE RIGHT OVER HER OWN BODY
Women must not only have the right to land, but also the right to decide over their own bodies. This is another fundamental principle that at the same time will contribute to the economic development, he continues.
"Women have the right to decide when and how often they will bear children. This is crucial in order to allow them to get through school and complete their education. And population growth in Africa is so high that it seriously undermines their ability to solve the structural problems", says Christian Friis Bach.
[Q] By what right can you insist that our concept of equality should apply in Africa?
"Fortunately, it is not just our values.It is universal human rights, as developed by all countries worldwide through two hundred years. So we can allow ourselves to insist on these rights".Similarly, he perceives the inviolability of property as an important part of the civil and political rights."And that is not a Western invention either”, says Christian Friis Bach.
Helle Munk Ravnborg, newly elected president of Danish ActionAidand senior researcher in poverty at the Danish Institute for International Studies, recently appealed in Politiken [the newspaper in which this interview is also published] that the government recognizes the reality that the majority of the land in Africa is collectively owned.
Christian Friis Bach would very much like to offer Danish assistance to register thecollectively owned landto avoid that uncertainty about ownership is misused by corrupt officials and foreign investors.
"But I will insist that land ownership becomes private and individual.It is a fundamental condition for us to develop agriculture. Otherwise there is no incentive to invest in the land. Noone builds terrasses, plants shade trees or buy fertilizers, if the harvest is not theirs”.
Unclear and collective ownership also slows down a key part of the transition: much larger and more effective farms based on foreign capital.
"In the long term there are very many people who need to move away from the agricultural sector and into the cities. But without ownership to the land, they cannot sell it.They cannot take money with them, which can be used to start a life in the city. Therefore, lack of land rights is in all ways a very large barrier to development”.
[Q] But the African societies have lived with the collective ownership inmillennia, it is a fundamental part of their culture and tradition. Can you without further ado establish that it needs to change?
"Yes, I am relatively clear on that point. We just have to recognize that the system is not functioning".
[Q] Are you absolutely sure that the Western, market-oriented model works for Africa?
"I do not know if the market economy is a Western invention, I think it israther universal and global. But yes, I am sure that the market economy functions for Africa. I have seen great many examples of this. Especially the African women farmers are very innovative when they get the chance".
[Q] You recognize that there will be swift and harsh structural changes. Can you allow yourself to impose a model onto African societies that large parts of the continent are not ready for?
"We must not impose anything on them. That is precisely why the individual land ownership is crucial.It gives poor farmers - and the women - a voice and a strength to resist changes that conflict with their interests".
[Q] But you insist on changing the gender relations, the land ownership rights and the power structures of societies.It took Europe several hundred years and fierce fighting to get through a similar development – can we expect and demand that Africans readily jumps to where we are today?
"The world cannot wait for Africans to spend as much time to build up capacity as we have used in our part of the world. There is enormous pressure on the global food supply. The 9 billion, we expect in 2050, will eat as if they were 12 billion because they live in the cities and eat more meat". "This happens whileat the same time up to 25 percent of the agricultural land will be adversely affected by climate change. And while we must halve greenhouse gas emissions from agriculture. It is a phenomenal task. It is going to happen very quickly, and it will give resistance from the local population”.
But it would be wrong to see it as a battle between the rich investors in the North and the traditional societies in Africa, he adds. "If Africa does not develop and increase the production of food, it will not only hit the poor in Africa, but also the poor in the rest of the world where the food crisis also may be very harsh". "What is encouraging is that it can be done. I have just returned from a region in Ethiopia that previously was almost desert, but where massive investment has changed it into a green oasis, where you can harvest three times a year. There is now less poverty, more jobs and higher growth", says the minister.
Other texts in the article:
Photo text: Bound by tradition: AntonioLongok, chief of the Jie tripe inUganda, does not welcome the idea of cultivating the land. His men are warriors who muststealing cattle from neighboring tribes anddefend it against enemies. (Photo: Jens Bostrup)
Figure text:Use of fertilizers:While the rest of the world has embraced fertilizers, the consumption in Africa is more or less steady. This is one of the main reasons for the very low yields. (Source the World Bank)
Map text:Danish influence: Denmark has prioritized 12 countriesinAfrica, where we "are present with along-term perspective and with political and financial weight', asDanidaputs it. (Source: Danida JBM13224)
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