AFRICOM : Les Etats Unis viennent-ils pour faire la paix ou alimenter la guerre en Afrique ?

La politique américaine concernant l’Afrique ne fait pas souvent l’actualité. Aujourd’hui, elle ne peut plus être occultée. Avec la mise en place d’un commandement militaire pour l’Afrique, AFRICOM, sous le magistère de George Bush, les Etats Unis ont placé le continent dans le spectre des zones sensibles pour leur sécurité. Avec de nombreuses ambiguïtés quant aux missions et interventions dévolues à ce commandement opérationnel en Afrique.

Pour les analystes Daniel Volman et William Minter (in «Foreing Office in Focus») l’administration Obama a hérité d’un « monstre » à double face devant lequel il lui faudrait un choix clair : mettre l’accent sur la guerre contre le terrorisme et pour l’accès aux ressources naturelles ou donner la priorité à l’amélioration de la capacité multilatérale de l’Afrique à répondre à ses propres besoins urgents de sécurité ?

A la fin de la cérémonie d’investiture du président Barak Obama, le leader des droit civiques, le Révérend Joseph Lowery, a appelé de ses vœux le jour où ‘’ les nations ne prendront pas l’épée contre les nations, lorsque les tanks deviendront des tracteurs’’. Personne ne s’attend à ce que cette vision utopique devienne réalité dans un avenir proche. Mais tant Obama que la secrétaire d’Etat Hillary Clinton se sont exprimés avec éloquence quant à la nécessité de faire prévaloir la diplomatie plutôt qu’un agenda militaire exclusif. Lors de la cérémonie de confirmation, Mme Clinton a insisté sur la nécessité d’user d’un ‘’pouvoir intelligent’’, faisant, peut-être par inadvertance, écho à l’opposition d’Obama à la guerre en Irak qualifiée de ‘’guerre idiote’’. Même les militaires du sommet de la hiérarchie, tel le chef d’état major des Forces Armées, Mike Mullen, ont mis en garde contre la militarisation excessive de la politique étrangère américaine.

En pratique, ce changement d’orientation va certainement s’avérer plein de contradictions. A un niveau global, le défi le plus immédiat à la crédibilité du changement de politique étrangère américaine se situe en Afghanistan où l’augmentation promise de troupes a peu de chance de stabiliser le pays qui risque de devenir le ‘’Vietnam’’ d’Obama. La politique concernant l’Afrique n’est pas généralement dans le domaine public. Néanmoins, la nouvelle administration se trouve devant un choix clair. La politique de sécurité, que les Etats-Unis mènent de facto en Afrique, va-t-elle mettre l’accent sur la guerre contre le terrorisme et pour l’accès aux ressources naturelles et privilégier les relations militaires bilatérales avec des pays africains ? Ou est-ce que les Etats-Unis vont donner la priorité à l’amélioration de la capacité multilatérale de l’Afrique à répondre à ses propres besoins urgents de sécurité ?

Le choix de la première option ne ferait que miner plutôt qu’améliorer la sécurité aussi bien des Etats-Unis que de l’Afrique. Choisir la deuxième option ne sera pas facile. Il n’y a pas de solution miracle. Toutefois, il est nécessaire que les politiciens considèrent sous un angle plus large les besoins de sécurité de l’Afrique et favorisent l’approche multilatérale pour les aborder.

Le besoin d’action immédiate pour promouvoir la paix en Afrique est clair. Bien qu’une bonne partie du continent soit en paix, il y a de vastes régions en proie à la violence et à l’insécurité, très particulièrement au Soudan, en République démocratique du Congo et en Somalie. Ces crises ne nécessitent pas seulement un effort diplomatique soutenu, mais également des ressources pour établir et maintenir la paix. Pourtant, l’administration Bush a légué au nouveau président une nouvelle force militaire pour l’Afrique : The United States Africa Command, connu sous l’acronyme de AFRICOM. En même temps, Washington a privé de ressources les Nations Unies et d’autres institutions multilatérales tout en leur confiant d’énormes responsabilités de maintien de la paix.

Le gouvernement a présenté AFRICOM comme une restructuration efficace des institutions ainsi que comme un programme bienveillant de soutien aux gouvernements africains pour des opérations humanitaires ou de sécurité. En réalité, ceci représente une institutionnalisation et une augmentation du financement du modèle de relations militaires bilatérales, une répétition des erreurs de la Guerre Froide. Ceci risque d’entraîner plus profondément les Etats-Unis dans des conflits, de renforcer ses liens avec des pouvoirs répressifs, d’excuser des violations des Droits de l’Homme plutôt que de promouvoir un multilatéralisme viable pour l’établissement et le maintien de la paix. Avec pour corollaire le détournement des maigres ressources budgétaires, il générera du ressentiment et minera les intérêts à long terme des Etats-Unis.

Façonner une nouvelle politique de sécurité des Etats-Unis requiert plus qu’un petit coup de barre vers une diplomatie plus active. Il est nécessaire de remettre en cause le cadre de référence concernant la sécurité hérité et d’en façonner un nouveau qui intègre les intérêts de sécurité des Etats Unis et de l’Afrique dans une perspective plus large, incluant la sécurité humaine. En particulier, il est requis que les Etats-Unis transforment une approche principalement bilatérale et militaire en une approche qui donne la priorité aux actions conjointes, aussi bien avec l’Afrique qu’avec des partenaires globaux.

AFRICOM, en théorie et en pratique.

A en croire leurs fréquents communiqués de presse, AFRICOM et les programmes associés tel Africa Partnership Station de la Navy sont principalement axés sur les relations communautaires et des projets de renforcement des capacités tel le sauvetage ou la lutte contre l’incendie, la formation de marins africains, la construction de cliniques et d’écoles et autres efforts de même nature.’’ Le but d’AFRICOM est d’aider les Africains à augmenter leur capacité à défendre leur propre sécurité’’, affirmait la vice-assistante du Secrétaire à la Défense, Thérésa Whelan, dans un communiqué officiel typique. Les champions d’AFRICOM poursuivent en soulignant l’importance de l’intégration de programmes humanitaires et de développement dans les programmes opérationnelles.

Les porte-parole du Pentagone décrivent AFRICOM comme une restructuration bureaucratique logique qui garantira à l’Afrique l’attention qu’elle mérite. Ils insistent qu’AFRICOM n’établira pas les priorités de la politique des Etats-Unis à l’égard de l’Afrique ou n’augmentera pas l’influence du Pentagone au détriment des institutions civiles. Témoignant devant le Comité des Affaires Etrangères du Sénat en août 2007, Whelan nie qu’AFRICOM a été créé ‘’ seulement pour lutter contre le terrorisme, ou s’assurer les ressources en pétrole ou décourager la Chine’’. Elle rétorque : ‘’ ceci n’est pas vrai’’

Mais d’autres déclarations, faites par Whelan elle-même, par le général William ‘’Kip’’ Ward, général 4 étoiles Afro-Américain qui commande l’AFRICOM, ainsi que par le vice amiral Robert Moeller, son adjoint, présentent les priorités d’AFRICOM en termes beaucoup plus conventionnels. Dans un briefing aux officiers du Commandement européen en mars 2004, Whelan a déclaré que les priorités du Pentagone en Afrique sont de ‘’ prévenir l’établissement, démanteler ou détruire les groupes terroristes ; mettre un terme à la prolifération des armes de destruction massive; assurer l’évacuation de citoyens américains en danger ; assurer l’accès à des ressources stratégiques, des réseaux de communications et des bases avancées pour le ravitaillement en carburant’’ en Afrique.

Le 19 février 2008, Moeller déclarait lors d’une conférence d’AFRICOM, que protéger ‘’ la libre circulation des ressources naturelles de l’Afrique vers le marché global’’ était un des principes directeur de l’AFRICOM, citant’’ l’interruption de l’approvisionnement en pétrole’’, ‘’ le terrorisme’’ et’’ l’influence croissante de la Chine’’ comme des défis importants aux intérêts des Etats-Unis en Afrique.

Comparaissant devant le House Armed Services Committee, le 13 mars 2008, le général Ward s’est fait l’écho des mêmes propos et a identifié le combat contre le terrorisme comme étant l’objectif principal d’AFRICOM dans tous les théâtres d’opération. Ward a à peine mentionné le développement, l’aide humanitaire ou la résolution des conflits. Le discours officiel des ETATS UNIS concernant l’AFRICOM n’implique pas de discussions en parallèles avec les Nations Unies et l’Union Africaine à propos du renforcement multilatéral des capacités de maintien de la paix. D’une manière frappante, il n’y a eu aucune consultation officielle à propos de ce nouveau commandement, ni avec les Nations Unies ni avec l’Union Africaine, avant que celui-ci ne soit annoncé en 2006.

En pratique, AFRICOM, qui est devenu un commandement combattant indépendant le 1er octobre 2008, avec son quartier général à Stuttgart, Allemagne, est construit selon le schéma des commandements militaires américains tels qu’ils se présentent partout dans le monde. Bien qu’AFRICOM connaisse moins d’opérations de combats que les guerres qui tombent sous le commandement de CENTCOM en Irak et en Afghanistan, ses objectifs et ses programmes sont plus conventionnels que ce que l’image construite par leur service de relations publiques laisse entendre.

Le Pentagone a maintenant six commandements géographiquement ciblé s- chacun dirigé par une général 4 étoiles ou un amiral- : l’Afrique (AFRICOM), le Moyen Orient et l’Asie centrale (Commandement central ou CENTCOM), l’Europe et l’ancienne Union Soviétique (European Command ou EUCOM), l’océan Pacifique, l’Asie de l’Est et du Sud (Pacific Command ou PACOM), le Mexique, le Canada, les Etats-Unis (Northern command ou NORTCOM) et l’Amérique centrale et du Sud (Southern Command ou SOUTHCOM), ainsi que d’autres qui ont des responsabilités fonctionnelles comme les Forces Spéciales et les armes nucléaires.

Avant qu’AFRICOM ne soit établi, les opérations militaires américaines en Afrique se trouvaient sous trois commandements différents. EUCOM s’occupait de la majeure partie de l’Afrique ; l’Egypte et la Corne de l’Afrique restaient sous l’autorité de CENTCOM (L’Egypte reste sous l’autorité de CENTCOM plutôt que celle de l’AFRICOM) ; Madagascar et les îles de l’Océan Indien sont la responsabilité de PACOM. Les responsabilités principales de chacun de ces trois corps concernaient d’autres régions du monde qui avaient la priorité sur l’Afrique et n’avaient que peu de personnel, de rang intermédiaire, dédié à l’Afrique.

Ceci reflétait le fait que l’Afrique n’était vue que comme un théâtre régional au cours de la Guerre Froide, un appendice des relations américano-européennes ou, immédiatement après la Guerre Froide, un région sans grand intérêt pour les Etats-Unis. Mais l’importance de l’Afrique dans les affaires militaires et de sécurité américaines a pris un essor considérable au cours de l’administration Bush, en réaction tant au terrorisme global qu’à l’importance croissante des ressources pétrolières africaines

Le nouveau plan stratégique pour l’Afrique souligne l’importance, par-dessus tout, de la menace du terrorisme global, du risque posé par les systèmes étatiques faibles, ‘’ les espaces vides’’ ainsi que les pays avec une forte proportion de Musulmans, comme étant des territoires vulnérables où les terroristes pourraient trouver refuge et un soutien politiques. Ce plan est fondamentalement défectueux. Personne ne nie qu’Al Qaeda a trouvé des adhérents et des groupes alliés en Afrique, comme l’ont démontré les attentats contres les ambassades américaines à Nairobi et à Dar Es Salam en 1998. Mais l’idéologie islamiste n’a qu’un impact limité parmi les musulmans africains. Même dans des pays où les extrémistes musulmans sont au pouvoir, où l’on trouve des insurgés (comme en Algérie, au Soudan et en Somalie), la focalisation demeure sur les questions locales plutôt que sur un conflit global.

Des analystes des insurrections tel Robert Berschinski et David Kilcullen ont mis en garde contre l’intégration de différentes groupes insurrectionnelles dans un tableau de terrorisme global, celle-ci faisant le jeu d’Al-Qaeda, lui permettant de plus facilement courtiser ces groupes. Des actions militaires brutales comme des attaques aériennes qui tuent des civils et collabore avec les forces contre révolutionnaires des régimes en place, loin de diminuer la menace du terrorisme, contribue à l’accroître.

Bien qu’AFRICOM soit une instance nouvelle, il y a déjà une accumulation de preuves qui montrent que l’AFRICOM est en fait en train de poursuivre une telle politique. Rien ne prouve que cette politique contribue à la sécurité des Etats-Unis ou de l’Afrique. Au contraire, il y a des indications significatives qu’elle est contre productive en aggravant l’insécurité en Afrique et en stimulant les menaces potentielles contre les intérêts américains.

L’exemple de la Somalie

L’exemple le plus significatif de l’implication militaire américaine en Afrique a été le ‘’Combined Joint Task Force-Horn of Africa’’ ( CJTF-HOA). Sans se prononcer pour une attribution lors d’une conférence au début 2008, un supérieur d’AFRICOM cite le CTJF-HA, qui avait pris la tête de l’engagement américain en Somalie, comme un modèle pour les opérations d’AFRICOM ailleurs sur le continent. En octobre 2002, CENTCOM a joué un rôle majeur dans la création de cette task force, destinée à conduire des patrouilles navales et aériennes dans la mer Rouge, le golfe d’Aden et dans l’est de l’Océan Indien, dans le but de contrer les activités de groupes terroristes dans la région. Le commandement de la CJTF-HOA a été transféré à l’AFRICOM dès le 1er octobre 2008.

Basé depuis 2002 au camp Lemonier à Djibouti, le CJTF-HOA comprend environ 1400 militaires américains- principalement des matelots, des Marines et des forces spéciales. Suite à un accord de cinq ans signé en 1997, la base s’est étendue sur 500 acres (environ 250 hectares). En plus, le CJTF-HOA a établi trois bases permanentes gérant les imprévus et les urgences qui ont servi lors des attaques en Somalie, une à la base navale de Manda Bay au Kenya et les deux autres a Hurso et Bilate en Ethiopie. Une task force de la Navy américaine, spécialisée dans les ‘’guerres spéciales’’ a été déployée récemment à Manda Bay où elle instruit les troupes kényanes dans les opérations anti-terroristes et les patrouilles côtières.

En guise de soutien à l’Ethiopie lors de son invasion de la Somalie en 2006, la CJTF-HOA lui a fourni les renseignements. En janvier 2007 et en mai 2008, cette task force a aussi utilisé les installations de Djibouti, de l’Ethiopie et du Kenya pour lancer ses attaques aériennes et ses missiles contre des membres présumés d’Al Qaeda, impliqués dans le Conseil islamique en Somalie. Des douzaines de civils somaliens au moins ont été tués lors de ces seules attaques aériennes et des centaines ont été blessés. Ce qui ne représente qu’une fraction des victimes des combats qui ont eu lieu au cours de l’invasion, lors desquels des centaines de civils ont été tués et, vers le milieu de 2007, plus de 300 000 personnes étaient déplacées.

A la fin de 2008, il était estimé que plus de 3,2 millions de personnes ( 43% de la population somalienne), y compris 1,3 millions de personnes déplacée par le conflit, avaient besoin d’assistance alimentaire. Les attaques aériennes des Etats-Unis ont donné une grande visibilité au soutien américain à l’invasion.

Ces actions militaires représentent seulement un fragment de cette stratégie contre productive, façonnée par des considérations anti-terroristes étriquées. En 2005 et 2006, la CIA a fourni des ressources à des seigneurs de la guerre, choisis pour s’opposer aux milices islamistes. Les Etats-Unis ont collaboré avec l’Ethiopie afin d’envahir la Somalie et de renverser le Conseil islamique qui avait crée des mois de stabilité sans précédent à Mogadishu et ses environs. L’invasion a été un succès militaire conventionnel. Mais loin de réduire la menace de la part des groupes extrémistes, ele a isolé les modérés, provoqué des déplacements internes qui, à leur tour, ont généré une des pires crises humanitaires, et alimenté l’anti-américanisme qui a abouti à des attaques sur des opérations humanitaires locales et internationales.

En bref, la Somalie a été un cas école en ce qui concerne les résultats négatifs lorsqu’on amalgame des menaces locales avec un concept mal défini de terrorisme global. En conséquence de quoi, la nouvelle administration Obama hérite de ce qu’un expert académique, Ken Menkhaus, a nommé un ‘’cauchemar politique’’.

L’exemple du Sahel

Bien que défrayant moins la chronique, mais tout aussi perturbant en raison du nombre de pays impliqués, aussi bien en Afrique du Nord qu’en Afrique de l’Ouest, il y a l’implication militaire américaine dans le Sahara et dans la région du Sahel. Sous le commandement de l’AFRICOM,. ‘’ Operation Enduring Freedom Trans Sahara’’ (OEF-TS) fournit un soutien militaire au programme Trans Sahara Counter terrorism Partnership ‘’ (TSCTP) qui comprend les Etats-Unis et onze pays africains : l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Maroc, la Tunisie, le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et le Sénégal. Ses buts sont ainsi définis sur le site web de l’AFRICOM : assister les gouvernements traditionnels musulmans modérés et les populations des régions trans-sahariennes pour combattre l’extension des idéologies extrémistes et le terrorisme dans la région. Il est basé sur l’ancienne Initiative Pan Sahélienne, qui a été opérationnelle de 2002 à 2004, et tire ses ressources du Département d’Etat et de l’USAID ainsi que du Département de la Défense.

Le soutien opérationnel provient d’une autre task force, la Joint Task Force Aztec Silence (JTFAS), créée en décembre 2003 sous EUCOM. La JTFAS a été spécifiquement chargée de conduire les opérations de renseignement et de partager l’information obtenue, ainsi que celle récoltée par d’autres agences de renseignements américaines, avec les forces militaires locales, utilisant les moyens de la Sixième flotte américaine. Parmi d’autres ressources, elle déploie un escadron maritime de patrouilles aériennes de l’US Navy P-3 Orion basé à Sigonella, en Sicile.

En mars 2004, des avions P-3 de cet escadron, opérant depuis la base sud algérienne de Tamanrasset, ont été déployés afin de surveiller et de rassembler des renseignements sur les mouvements de la guérilla salafiste algérienne opérant au Tchad, les informations devant être transmises aux forces tchadiennes engagées dans un combat contre la guérilla. En septembre 2007, dans le cadre des exercices Flintlock 2007, un avion cargo américain Hercules C-130 basé à Bamako, la capitale du Mali, qui avait pour mission de ravitailler les unités contre révolutionnaires maliennes, occupée à combattre les forces Touaregs, a été pris pour cible par les Touaregs. Il n’y a eu aucun blessé et l’avion est retourné à Bamako sans autre problème. Mais l’incident donne la mesure du rôle américain dans les guerres contre- révolutionnaires de la région.

Ces opérations illustrent l’inadéquation des efforts de renforcement des capacités contre- révolutionnaires pour régler des questions de sécurité de l’Afrique, soit qu’ils sont contre- productifs, soit sans pertinence, Il est évidemment possible que les problèmes de sécurité dérivent de liens avec des réseaux de terrorisme global, mais le plus souvent il s’agit de questions purement nationales ou locales.. A l’échelle internationale, l’impact de la violence de l’extrémisme islamique en Amérique du Nord a des répercussions directes en Europe. Mais ses racines se trouvent dans les communautés urbaines et la diaspora nord africaine en Europe, plutôt que dans l’arrière pays du Sahara et du Sahel. Les insurrections dans la région du Sahara, du Sahel, au Niger, au Mali et au Tchad, reflètent des réalités ethniques et régionales plutôt qu’une extension du terrorisme global.

Les régimes nord africains dotés d’une puissance militaire, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, ont une expérience particulière de l’extrémisme islamique. Mais aucun de ces pays n’a une histoire de stabilité basée sur un système démocratique qui rende des comptes à la société civile. Et assimiler toutes les menaces de sécurité au Nigeria avec les menaces de l’extrémisme musulman est un stéréotype bizarre qui ignore les problèmes réels du pays.

Dans son document sur l’AFRICOM, précédemment cité, Berschinski notait que les Etats- Unis et l’Algérie avaient exagéré la menace des petits groupes de rebelles GSPC ( Groupe salafiste pour le prêche et le combat), officiellement allié de Al Qaeda. Un titre inquiétant dans Air Force Magazine en novembre 2004, même si géographiquement inadapté, annonçait une menace à partir ‘’ d’un marécage de terreur au Sahara’’. Beschinski argumente que l’emphase mis sur les activités contre révolutionnaires a perturbé les réseaux commerciaux traditionnels et a permis aux gouvernement locaux d’éviter d’avoir à chercher des solutions négociées en ce qui concerne les régions occupés par les Touaregs et d’autres régions négligées.

Dans le cas du Mali, Robert Pringle, ancien ambassadeur dans ce pays, a noté que mettre l’accent sur le contre terrorisme et le radicalisme islamique, c’était ignorer tant la réalité historique de ce pays que la perception malienne de ce qui constitue actuellement une menace de sécurité. Les spécificités des pays divergent, mais la réalité commune est que le bénéfice, résultant de la collaboration des Etats Unis avec les militaires locaux dans le but de générer des capacités anti-révolutionnaires, n’est nulle part en évidence.

Cependant, les cas qui démontrent le contraire ne sont pas difficiles à trouver. En Mauritanie, le général Mohamed Ould Abdelaziz a renversé un gouvernement élu en août 2008, entraînant des sanctions de l’Union Africaine et la suspension de toute aide - hormis l’aide humanitaire - de la part de la France et des Etats-Unis. L’aide américaine, pour l’année fiscale 2008, qui a été suspendue, incluait $15 millions en assistance militaire et $4 millions pour la formation au maintien de la paix et seulement $3 million en assistance au développement. Plus généralement, l’argument souvent avancé que l’aide militaire américaine contribue à la promotion du respect pour la démocratie est décidément contredit par les résultats en Amérique Latine où des officiers de la région ont été formés durant des décennies par les Américains. A moins que les institutions démocratiques ne soient solides, renforcer les forces militaires augmentent les risques d’immiscions des militaires dans les affaires politiques

* Daniel Volman, directeur de l’African Research Project est un membre du Conseil d’administration de l’Association of Concerned Africa Scholars.
William Minter est l’éditeur de AfricaFocus Bulletin et co-éditeur, avec Gail Hovey et Charles Cobb Jr, de No easy victory : African liberation and American activist over half a century, 1950-2000 (Africa world press, 2007)

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