Bongo meurt avec une part de la Françafrique

La mort d’Omar Bongo est venue secouer le cocotier de la Françafrique. Ce réseau de relations mafieuses politico-financières entre l’Afrique et la France, le président gabonais décédé le 7 mai en était un des piliers. En quarante et un ans de pouvoir au Gabon, il avait pu tisser et consolider ses réseaux occultes entre la France et l’Afrique. Les ressources tirées du pétrole gabonais servaient à l’entretenir. Son passé d’élément des services secrets français lui permettait de se jouer avec malice des uns des autres. Avec sa mort, c’est comme si l’édifice se retrouve ébranlé. Mais les fondements avaient déjà commencé à chanceler.

Tout au long de ces dernières années, la Françafrique a subi des coups de boutoir. En Afrique comme en France, les dénonciations des organisations de la société civile et des intellectuels, ainsi que les initiatives prises pour porter devant la justice française le pillage et la prédation des ressources nationales organisés entre Paris et certaines capitales africaines, en passant par les sièges de quelques multinationales du pétrole ou de l’armement, ont porté de sérieux coups à cette nébuleuse qui s’est étendue sur des décennies.

Les derniers mois de la vie de Bongo ont été marqués par ces coups de boutoirs portés à cette Françafrique. Il est mort alors que pend devant la justice française une affaire portant sur des accusations de détournement de fonds publics pour s’offrir en France de luxueux biens, notamment immobiliers, qui le concernait autant les présidents congolais Denis Sassou Nguesso et équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema (http://tinyurl.com/raj3ta)

Bongo est mort, mais le monstre vit encore. Plusieurs réactions à la disparition du président gabonais ont porté sur cet aspect de son règne qui restera sans doute le côté le plus marquant de ses 41 ans de règne. Pambazuka vous en propose quelques-unes.

La mort d'Omar Bongo, pilier de la Françafrique

La France a perdu l'un des meilleurs analystes de sa vie politique. El Hadj Omar Bongo Ondimba connaissait mieux que personne les us et coutumes de la Ve République. Sa face lumineuse -celle des alliances et des grands rendez-vous électoraux- et sa face sombre -celle du financement occulte, des assassinats couverts et de la corruption pétrolière.

Mort de Bongo : «On ne va pas pleurer sur une crapule»

Les réactions sont de deux types en France, au lendemain de l'annonce de la mort d'Omar Bongo. Révérencieuses, comme celles de Sarkozy, Chirac ou Kouchner, qui saluent la mémoire d'un «sage», d'un «ami». Ou sans complaisance, comme chez Valéry Giscard d’Estaing qui rappelle que Bongo avait soutenu financièrement Chirac pendant la campagne présidentielle de 1981.? Plus tranchante encore, la réaction de Noël Mamère (député Verts) sur France Inter : «On ne va pas pleurer sur une crapule de plus qui disparaît de la planète. Tous ceux qui sont attachés à la démocratie ne pleureront pas la mort du président Bongo, symbole de tout ce que nous dénonçons depuis 30 ans, c’est-à-dire la Françafrique, ces relations incestueuses, mafieuses entre quelques gouvernements africains et la France, de gauche comme de droite d’ailleurs.»

Selon Eva Joly, nouvelle députée européenne et ancienne magistrate française1 qui a instruit des dossiers politico-financiers tel que l'affaire Elf, le système de la Françafrique « marchait encore récemment. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs rendu visite le 17 mars dernier au Président Bongo, juste avant son élection pour "demander des conseils.». Elle ajoute : « Si la France restituait les fonds indûment payé par Bongo pour des services imaginaires à nos hommes politiques, on pourrait construire au Gabon des hôpitaux, des maternités et faire baisser le taux de mortalité infantile".

La presse ouest-africaine commente la mort de Bongo
Dans la presse africaine, les commentaires alternent déférence et dénonciation d’un système de gouvernement d’un autre temps. Le quotidien privé malien Le Républicain titre ainsi : ‘’Décès de Oumar Bongo : La tour de contrôle ne répond plus’’. Au Burkina, le quotidien gouvernemental Sidwaya parle de ‘’la fin d’une époque’’. Fraternité du Bénin, évoque « le spécialiste de la diplomatie de coulisse qui a prodigué de très bons conseils à tous les chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête du Bénin’’.
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