Droits humains et sécurité alimentaire : améliorer le statut et le rôle femme

Afin de promouvoir l´Etat de droits, l’amélioration des conditions de vie, la réduction des inégalités sociales et la participation de qualité du plus grand nombre, plus particulièrement celle des femmes et des jeunes filles, à la gestion des affaires publiques, sont des impératifs prioritaires. Pour tous les gouvernements, c’est aussi une des clés majeures de la pratique de la bonne gouvernance.

Article Image Caption | Source
Demosh

Dans le cadre des politiques mises en place, le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP 1 & 2) notamment, il est prévu une large place à la décentralisation, à la participation des femmes, et au partenariat entre les différents acteurs sociaux. Cette nouvelle donne doit favoriser l’apprentissage de nouveaux rôles et de nouvelles postures chez chaque acteur (Etat, ONG, bailleurs, bénéficiaires, etc.). C’est pourquoi le renforcement du partenariat à la participation à la vie publique passe par la compréhension des processus de communication et de prise de décision et par l’adoption d’une attitude coopérative et d’un mode de démocratie privilégiant la participation, le contrôle citoyen et la rotation des rôles et responsabilités, pour l’émergence d’un mouvement social fort en vue d’un changement sociétal.

Il est impératif de rechercher les valeurs et les principes locaux sur lesquels un approfondissement des apprentissages à la liberté d’expression et à l’autonomie des acteurs peuvent se développer, pour la valorisation du statut et du rôle de la femme dans la société pour une mise en œuvre adéquate et efficiente du DSRP et l’atteinte des Objectifs du Millénaire de Développement (OMD). Des brèches sont ouvertes actuellement au niveau de l’Etat à travers le DSRP, et avec la SNEEG cette contribution de la société civile est reconnue, ne serait-ce que sur le principe… Reste à aller plus loin pour inscrire cela comme réalité.

La situation socio-économiques, particulièrement celles qui renforcent la position des femmes et des jeunes, sont à valoriser dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités sociales.

Au Sénégal, selon l’enquête des ménages, les femmes jouent un rôle important dans l’économie nationale. Elles représentent 39% de la population active au niveau national. Elles supportent 90% des charges domestiques et effectuent 85% des travaux agricoles. Elles constituent par ailleurs 70% de la force de travail du secteur non structuré, 15% des effectifs du secteur publique, et près de 35% des effectifs du secteur privé formel.

Les processus d’appauvrissement ont affecté plus particulièrement les femmes qui ont été amenées à prendre plus de responsabilités dans la gestion domestique et à s’investir davantage dans l’économie populaire. Les femmes assurent une grande partie de la production agroalimentaire, artisanales et des biens et services, participant ainsi à l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire, de lutte contre la pauvreté, et de croissance économique.

Pour combler ces nombreuses insuffisances, les organisations de femmes ont développé un ensemble d’initiatives ayant pour but de doter les femmes des ressources nécessaires à leur épanouissement et à leur promotion, ceci a aussi entraîné le développement d’une multitude d’activités socio-éducative, économique et culturelle pour lutter contre la pauvreté et la précarité.

La mise en réseau de ces initiatives, la capitalisation des expériences et les apprentissages croisées, les actions communes, la démultiplication et le renforcement des capacités des femmes et des jeunes sont autant d’actions transversales sur les politiques publiques qui permettent d’exercer à la fois le contrôle citoyen et un partenariat constructif avec l’Etat et collectivités locales. L’action vise la bonne gouvernance, la réduction des inégalités sociales et le renforcement des capacités professionnelles des organisations des femmes et des jeunes filles. A travers la mise à œuvre de l’action, il s’agira de répondre aux questions suivantes :
Quelles inégalités s’agit-il de réduire ?

- Le système conventionnel exclut une majorité de personnes, majoritairement les femmes et les jeunes filles, des droits fondamentaux qui sont l’éducation, la santé, l’emploi… (problème d’accès liés aux facteurs institutionnels, socioculturels, économiques, etc.), cet état de fait ne leur permet pas de prendre part activement aux jeux démocratiques et à l’exercice de la vie citoyenne.

- Le faible accès des femmes et des jeunes filles aux soins de santé de qualité ; sur 100 000 femmes qui donnent naissance à un enfant, 410 meurent (450 en zone urbaine et 950 en zone rurale). Le paludisme constitue la première cause de morbidité, avec presque 25 % des cas déclarés dans les formations sanitaires, en particulier chez les femmes enceintes et les enfants. La prévalence de la diarrhée demeure élevée chez les enfants puisqu’elle touche 26 % des enfants âgés de moins de cinq ans.

- Les femmes et les jeunes filles ont un accès à l’éducation et à la formation qui est bien plus faible que pour les hommes. Il existe deux fois plus de femmes et de filles analphabètes que d’hommes en Afrique au Sud du Sahara ou plus de 70% des femmes de moins de 25 ans sont illettrées. Bien que nous pouvons noter ces dernières années un accès assez important des filles à l’école, le problème c’est d’y rester.

- L’absence de valorisation des initiatives socio économiques et de certification des expériences des apprentissages sociaux des femmes et des jeunes filles défavorisées dans les stratégies de lutte contre la pauvreté.

- Les disparités entre le monde rural qui est souvent défavorisé au détriment des villes ; et dans les villes, entre les quartiers périurbains qui sont très mal lotis. «Nous constatons que l’amélioration des conditions de vie des populations des pays les moins avancés (PMA) ont été scandaleusement lentes et les crises climatiques, alimentaires, économiques érodent certaines avancées durement acquises – AWID)

- Le faible accès des femmes rurales à la propriété foncière.

Quelles capacités professionnelles s’agit-il de renforcer ?

- L’intérêt stratégique des réseaux à travers les programmes et projets dans la lutte contre la pauvreté, qui traduit la vision selon laquelle les acteurs doivent vivre leur citoyenneté à partir de l’entrée filière en valorisant leur expérience à leurs yeux et aux yeux des autres ; ce qui suppose la mise à leur disposition d’un cadre de dialogue politique qui fait des acteurs des sujets et non des bénéficiaires.

- Faire de la politique agricole et agroalimentaire une réalité, avec une agriculture performante et sécurisante qui offre des débouchés, et pas seulement une politique d’offre à travers ses programmes développés au Sénégal.

- Les dynamiques communautaires, plus particulièrement celles portées par les femmes, sont sources d’un changement social, c’est en valorisant les compétences à l’origine de ces initiatives et les actrices dans le domaine de l’échange et de la formation qu’on pourra les encourager pour construire une société avec plus de démocratie et plus de justice sociale.

- Le renforcement des capacités d’action des femmes facilite la prise de conscience de leurs compétences et favorise une meilleure implication de celles-ci dans les cadres de concertation, de coopératives rurales et instances de décision et gestion du pouvoir.

- L’accompagnement des groupes cibles pour mieux les outiller en compétences/ capacités techniques pour une professionnalisation de leurs activités socio-économiques, une démarche qui permettra de toucher directement les groupes cibles et les bénéficiaires à travers des rencontres organisées entre des organisations, des personnes ressources en vue d’échanges d’expériences de services et de savoir.

Au Sénégal, plus particulièrement en milieu rural, en plus du sous-emploi, du faible taux de scolarisation et de productivité, les problèmes fonciers, ceux relatifs au manque d’eau, à l’énergie alternative et aux infrastructures, ont un effet déstructurant sur l’organisation sociale des communautés. Ainsi, les besoins dans le domaine de cette action sont notamment :

- L’accès au crédit : il s’agit d’une contrainte des Organisations Communautaires de Base (OCB) qui n’ont pas souvent les garanties exigées par les banques classiques pour accéder au crédit et financer les activités des membres à la base. Le développement communautaire est effectif à partir du moment où les OCB sont techniquement performantes dans leur rôle de cadre de promotion des activités de leurs membres, mais aussi quand elles s’émancipent sur le plan financier pour prendre en charge le financement des activités.

- La performance technique et d’action des organisations des femmes et des jeunes filles : elle traduit une capacité d’être un cadre de planification des activités, de gestion, de formation des membres, de recherche de financement et d’incitation à l’épargne qui garantit progressivement l’autonomie financière et une professionnalisation des activités socio économiques.

- Le renforcement des dynamiques sociales des OCB des femmes qui sont devenues des réalités sociales à travers lesquelles des individus interfèrent en vue d’une aptitude technique et d’une autonomie financière dans le cadre de la micro-finance (les programmes d’épargne et de crédit). En tant que telles, elles constituent des cadres où s’exercent un auto apprentissage collectif et par le fait même un cadre d’expression d’une citoyenneté à travers le vécue des membres.

- L’accès aux services sociaux de base : le secteur de la santé qui se caractérise par une insuffisance notable des infrastructures sanitaires et sociales, avec un personnel de santé insuffisant et peu formé, de plus en plus mal réparti. Selon le DSRP 1, une proportion de 50,4 % (EPPS , 2001) des ménages sénégalais ont accès à un dispensaire (moins d’un km). Toutefois, ce taux est inférieur ou comparable à 35 % dans les régions de Kolda (23,2 %), Diourbel (25,5 %), Fatick (35,3 %) et Louga (35,6 %). Par ailleurs, seuls 39,0 % des ménages ont accès à une maternité et 31,8 % à une case de santé. Ces faibles résultats sont également confirmés par les données du Quid (2001) où le taux d’accessibilité aux services médicaux (moins de 30 mn) est estimé à 57,6% avec un niveau de satisfaction de 59,4%. Cet assez faible niveau relève des coûts (d’après 60,7% des non satisfaits).
Recommandations
Il faut :
- Amener l’état à respecter certains engagements pris dans la loi agro sylvopastorale, les conventions ratifiées et leurs application ; réorganiser le secteur agricole et agroalimentaire, améliorer ses performances et sécuriser la production et les actrices et acteurs des différentes filières et avec comme stratégie la décentralisation et les responsabilisations des organisations paysannes.

- Développer des mécanismes pour des services sociaux de base de proximité, équipée avec un personnel compétent.

- Mobiliser tous les acteurs pour une sensibilisation et une vulgarisation des bonnes pratiques afin d éradiquer le sida et la mortalité maternelle.

- prendre en compte de l’approche genre à travers le respect des droits humains par l’Etat. Elle permet d’équilibrer les relations sociales et s’intéresse non seulement aux femmes mais tient compte des facteurs économiques sociaux et culturels qui déterminent les rôles et responsabilités des hommes et des femmes afin d’accompagner toutes les parties prenantes à la mise en œuvre de politique d’interventions pertinentes pour l’accès et le contrôle des ressources indispensables au développement.

* Hélène Diouf est secrétaire générale de la Convergence Nationale pour la Valorisation des Activités des Femmes au Sénégal

* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org