Durban II face à l’alliance des Blancs et des sionistes

Comme Israël leur référence, les organisations sionistes ont une tendance à gagner les guerres, sauf chaque victoire les affaiblit et les perturbe davantage. La conférence Durban II (du 20 au 24 avril 2009) a été une victoire sioniste de cette nature. Cette bataille a été longue à préparer. Depuis que des ONG les ont accusés de racisme lors de la conférence de Durban du 2 au 9 septembre 2001, les organisations sionistes ont commencé à préparer méticuleusement leur assaut. Leur cible était constituée par quelques organisations des Nations Unies, des ONG ainsi que des mouvements sociaux qui ont utilisé la perte de légitimité du racisme en Occident afin de faire valoir le droit des victimes.

Pour des raisons évidentes la plupart, sinon tous ceux qui sont engagés à combattre le racisme soutiennent les droits des Palestiniens. Ceci pose problème pour le Sionisme. A Durban, en 2001, le document officiel, rédigé dans l’acrimonie, contenait quatre paragraphes inoffensifs faisant état du droit des Palestiniens et réaffirmant l’engagement en faveur de la partition de la Palestine. Le document a même affirmé le droit à la sécurité pour Israël. Il n’était aucunement fait mention de racisme bien que ce soit là le thème de la conférence. Néanmoins les Israéliens n’ont pas apprécié que l’on mentionne la souffrance des Palestiniens dans un document pourtant consacré au racisme.

Le forum concomitant des ONG, qui rassemblait plus de 2000 participants et dont la déclaration finale, écrite dans un langage plus fort (et généralement plus vrai) à propos d’Israël, a été un problème important à Durban. A n’en pas douter, le forum a vécu des difficultés internes. Mais de ça, Israël n’a rien voulu savoir. Il ne s’agissait pourtant pas d’antisémitisme. Sans doute du matériel antisémite a été distribué à Durban au cours des manifestations en ville ; peut-être, mais vraiment peut-être, y en a-t-il eu aussi dans un coin du forum des ONG. Mais combien ?

Cecilia Surasky de Muzzlewatch déclara après la conférence à Genève : « En venant ici moi-même, je me suis mise à douter pratiquement à propos de tout ce qui a été rapporté de Durban I. Déjà, je vois dans les medias des termes comme ‘’ la fête de la haine’’ et ‘’ la conférence raciste des anti-racistes’’. Je ne doute pas qu’il y ait eu des propos et de la littérature antisémite à Durban I. Mais est-ce que ceci représentait 90% de la conférence ou seulement 0,9% ? Je n’ai aucun moyen de savoir. Par contre, ce que je sais, c’est que la session de Sharansky, Voight, Dershowitz, en principe consacrée à l’antisémitisme, a été un tour de force dans la mesure où ils ont insulté et dénigré les Musulmans et les Arabes en usant de force stéréotypes teintés d’islamophobie. Et aucun media n’a appelé les choses par leur nom ». (Muzzelwatch).

Le problème c’est qu’Israël est indéniablement raciste et que la majorité des 2000 ONG rassemblées à Durban étaient prêtes à le dire malgré de fortes pressions. Ce qui a été sur le point de se perdre à Durban c’était le pouvoir de façonner le discours, en un mot, la perte d’une hégémonie. Bien qu’insuffisamment démocratique, le forum des ONG à Durban a été trop démocratique, trop ouvert aux perspectives des pays du Sud, trop représentatif de la vraie opinion publique mondiale et trop irrespectueux des puissants intérêts qui alimentent le racisme, en Palestine et ailleurs dans le monde. Ainsi, le droit international, le langage des Droits de l’Homme et la perte de légitimité du racisme pourraient devenir des instruments efficaces.

Ceci était malvenu non seulement pour Israël, mais aussi pour les pays du Nord dont l’opulence est largement le fruit de l’exploitation coloniale et du racisme. La conférence officielle à Durban a discuté de l’esclavage et a brandi le spectre de la réparation, non seulement en faveur des Afro-américains, mais aussi des Africains. Une conversation consacrée au racisme est devenue celle de la disparité de la richesse entre le Sud et le Nord. Parler de race pourrait s’avérer être l’antidote au paradigme néo-libéral qui blâme les pauvres pour la pauvreté. Ce qui est inquiétant pour les intérêts de certains, en particulier parce que le Forum social a appris à parler le langage du droit des systèmes internationaux.

Depuis que Herzl a prononcé sa célèbre phrase (‘’… le rempart de l’Europe contre l’Asie, un avant poste de la civilisation opposée à la barbarie’’) les organisations sionistes savent qui sont leurs alliés naturels. Les puissances du Nord voulaient rabaisser le processus de Durban d’un cran. Un groupe d’organisations s’est créé dans ce dessein, dont le centre Simon Wiesenthal, UN Watch, NGO Monitor, Human Rights First, l’AJC, l’Association Juive des Juristes et des Avocats et d’autres. Leur but : couper les financements des ONG qui défendent les droits des Palestiniens, discréditer et perturber les processus des Nations Unies qui mettent en péril le droit d’Israël à être raciste et miner les exigences pour une justice globale et la nécessité de rendre des comptes, processus qui inévitablement inclurait Israël.

Le NGO Monitor a formulé les choses de la manière suivante :

Il convient d’abord de reconnaître les ‘’réussites’’ des sionistes. Les organisations anti-racistes honnêtes ont perdu beaucoup de financement au profit des sionistes. Les Nations Unies et la Fondation Ford se sont retirés de l’organisation officielle du Forum des ONG à Genève. Un effort officieux a produit une petite réunion d’environ 150 ONG. Les organisateurs ont fait tout ce qu’ils ont pu afin d’exclure la question palestinienne. Elles n’ont toujours pas d’argent. Malgré les meilleurs efforts des sionistes et des organisateurs, la déclaration finale a maintenu un ton juste. Mais les medias l’ont à peine relevé, s’étant fait embobiner par un grand spectacle concernant la Shoa avec pour vedettes Elie Wiesel, Bernard Henry- Levy, Alan Dershowitz et d’autres.

La conférence officielle a aussi été perturbée. Neuf pays, menés par ceux dont les premiers colons sont coupables de génocide (les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande) se sont joints à Israël afin de boycotter la conférence par crainte d’un antisémitisme imaginaire. Néanmoins, et afin d’éviter le désistement des pays européens, la déclaration officielle a fait l’impasse sur la question palestinienne, hormis la répétition de ce qui a été dit dans la déclaration de Durban (2001). Comme si, 8 ans plus tard, il n’y avait rien à revoir en Palestine.

Il est allégué que le document évitait de mentionner des victimes spécifiquement. En réalité, les Roms sont nommément cités, comme il se doit, ainsi que les Juifs en relation avec la Shoa et l’antisémitisme. Les populations d’origine africaine sont spécifiquement et correctement désignées, mais les musulmans ne sont mentionné que de façon incidente - en passant- dans le discours sur l’islamophobie. Cependant, ni le nouveau ni l’ancien document ne reconnaissent que les Palestiniens sont victimes du racisme. Ce qui, au vu de la situation horrible qui prévaut en Palestine et qui va s’aggravant, est franchement absurde. Pire encore, le document a été adopté tôt durant la conférence sans avoir été discuté et sans avoir intégré les contributions des milliers d’ONG qui travaillent quotidiennement sur les questions du racisme.

Avec des excuses ridicules, le secrétariat des Nations Unies a banni les manifestations en marge de la conférence aux Nations Unies pour la durée de la conférence. Sauf qu’il ne les a pas toutes bannies. Seules l’ont été celles qui voulaient représenter un point de vue palestinien anti-raciste. Les Nations Unies ont permis les manifestations de Sionistes qui avait une coloration anti-islam et anti-arabes. Pour vous donner une idée, il y a les 10 minutes de Deshowitz qui expliquent pourquoi les Palestiniens sont les ‘’héritiers de Hitler’’. Quelle ironie ! Mais le mot qui, le mieux, décrit la discrimination par les représentants des Nations Unies, des victimes du racisme qui doivent écouter des discours racistes sans droit de réponse, est ‘’racisme’’.

La presse s’est faite l’écho des points de vue des Ssonistes. Obama lui-même a décrit le document originel de Durban comme inacceptable. Les éditeurs du « New York Times », d’une ignorance aussi profonde que honteuse, ont écrit qu’‘’ Israël était le seul pays montré du doigt dans le communiqué final de la conférence’’ (NYT, 20 avril 2009). En effet, dans cette déclaration finale, Israël a été le seul pays nommément cité comme ayant droit à la sécurité. Le discours d’Ahmedinejad a largement alimenté les journaux qui ont adopté les points de vue des sionistes pour qualifier la conférence de Durban II de ‘’fête de la haine’’ et ont refusé les corrections les plus élémentaires qui auraient contré la campagne de désinformation des sionistes. C’était en effet une fête de la haine, une fête de la haine dirigée contre les Palestiniens et les Musulmans en général.

Je reviendrai sur la question du discours d’Ahmedinejad plus tard ; je veux me focaliser d’abord sur d’autres résultats de la conférence.

Tout n’a pas été négatif dans cette conférence.

Premièrement, à cause du sabotage des sionistes, la lutte importante et concrète contre le racisme dans le monde entier, que cette conférence devait promouvoir, a été laissée dans l’ombre et ignorée. Personne n’y a prêté attention et hormis une référence diluée à la persécution religieuse peu d’avancée a été accomplie. Le texte de la déclaration a aussi été considérablement dilué. Ce résultat, soutenu par les gouvernements et les médias occidentaux, est honteux. Mais, par ailleurs, rien n’a été rejeté. La déclaration de Durban a été réaffirmée et les différents mécanismes des Nations Unies vont continuer à y travailler et à promouvoir des recommandations spécifiques, ce qui est l’essentiel.

Deuxièmement, les organisations sionistes se sont exprimées comme jamais auparavant dans leur animosité, non seulement envers les Palestiniens, mais aussi envers le Sud dans sa globalité et les victimes du racisme partout dans le monde. Leur sabotage de la conférence, leur mépris pour le travail qu’elle représente, pour les principes qu’elle incarne et les buts qu’elle s’efforce d’atteindre, a laissé un goût amer dans la bouche de toutes les organisations et de tous les militants pour les Droits de l’Homme qui étaient venus dans un but honnête.

Navil Pillay, le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme, qui présidait la conférence, a parlé d’une ‘’ d’une large campagne de désinformation très organisée… déterminée à tuer la conférence’’ Les militants sionistes ont envahi, perturbé les sessions, manipulé des groupes d’Africains non avertis et exploité le Darfour et le Rwanda (où ils ont échoué) dans le but de semer la discorde et d’empêcher l’adoption de résolutions. Leur malhonnêteté et leur volonté de détruire les Nations Unies et tout l’édifice des Droits de l’Homme, sans aucun scrupule, resteront dans les mémoires. On pourrait souhaiter que ce souvenir génère une certaine réaction. Mais il y a peu de chance. Comme le disait Malaak Shabazz, la fille de Malcolm X qui avait été physiquement attaqué par des sionistes imbéciles ‘’ Les sionistes engendrent la haine du Juif…Je ne connaissais pas les tactiques des sionistes. Mais là, j’ai eu droit à un cours intensif’’ (JTA, le 28 avril)

La tentative de perturbation orchestrée par les sionistes la plus remarquée a été l’organisation d’une table ronde par UN Watch, en marge de la conférence, qui incluait deux survivants de génocide du Darfour et du Rwanda ainsi qu’un cinéaste indien homosexuel, Parvez Sharma. Sharma a rapidement compris qu’il était instrumentalisé dans une démarche islamophobe et devait tenir le rôle de la victime de l’Islam. Et il a explosé ! Plus tard, deux délégués israéliens lui ont craché dessus. Son compte rendu des évènements mérite d’être lu.

Alors que M. Ahmedinejad, comparé à quelque chose d’analogue à Hitler, venait de commencer son discours, les délégations de l’UE, toutes caucasiennes (23 membres), ont quitté la salle cérémonieusement. Mais, au même moment, les représentants africains et asiatiques ont applaudi. Je me demande si les discussions sur la race en terme de couleur de peau, et plus particulièrement le racisme institutionnalisé dans nombre de pays européens, est même perçu par le Club des Blancs qui généralement représentent les nations européennes aux Nations Unies…

Lorsque M. Ahmedinejad s’est rendu à sa conférence de presse, il a été confronté à un groupe hétéroclite de protestataires d’une vingtaine de personnes, tous Blancs, qui l’ont sifflé en brandissant des pancartes fabriquées à la hâte, insistant sur le sifflement (comme un serpent) ‘’ Racccissst’’. Un citoyen britannique d’origine pakistanaise et moi-même avons été les seuls à leur demander s’ils avaient fait l’expérience du racisme comme nous en faisons l’expérience dans la plupart des pays occidentaux, simplement en raison de nos peaux foncées ou de nos noms musulmans.

La conférence de Durban II et les organisations sionistes, totalement soutenu par les par les pays du Nord, ont orchestré la ‘’fête de la haine’’ et ont mis en évidence les limites de la conversation consensuelle, amicale et globale sur les questions raciales. Les Etats de colonisateurs blancs ont boycotté la conférence dès le départ. La sortie théâtrale, planifiée à l’avance, des Européens blancs ,a souligné encore un peu plus la force globale du racisme et sa présence dans les institutions de gouvernance globale dont la tâche est pourtant de l’éliminer. Les divisions selon la couleur étaient en évidence à Genève. La presse des Blancs occidentaux et de la cohorte des experts n’ont, pour la plupart, pas remarqué que la majorité des gens de couleur sont restés dans la salle à applaudir. Quant ils disent ‘’ le monde’’ ils veulent vraiment dire l’Europe.

Le diplomate russe, qui a négocié la plus grande part de la déclaration de Durban II, a accusé les Etats européens qui ont quitté la salle lors du discours d’Ahmedinejad de vouloir affaiblir intentionnellement la conférence. En cela, les Etats européens ont continué le travail destructeur commencé par l’administration de Obama. Le prof Vernellia R. Randall décrit précisément la position d’Obama lors des négociations. Il a obtenu ce qu’il voulait et malgré tout, il a boycotté la conférence.

Malheureusement, la conférence Durban II a été prise en otage par les gouvernements et des membres de la société civile, y inclus l’administration Obama, pour qui l’élimination du racisme et de la discrimination raciale - en particulier pour les Africains et ceux d’origine africaine- n’est nullement une priorité. En effet, dans la semaine précédent la conférence et en réponse à l’ultimatum de l’Administration Obama, le comité de préparation a :

- enlevé toute référence à des réparations
- retiré le paragraphe qui proposait de faire de la traite des esclaves un crime contre l’humanité
- supprimé le paragraphe qui demandait un renforcement du groupe d’experts pour la question des populations d’origine africaine
- et ont généralement dilué les efforts qui ont trait aux populations d’origine africaine

Ceci est dévastateur.

Il ne fait aucun doute qu’il y a un consensus officiel et global contre le racisme et ceci ne devrait pas être minimisé. C’est une victoire durement acquise. Le Nord participe et soutient des institutions internationales et les instruments des Droits de l’Homme. L’engagement anti-raciste n’est pas complètement fallacieux. Aujourd’hui, la majorité des Blancs voit le racisme primaire avec détestation et, au moins dans le discours, souhaite l’élimination de la discrimination raciale. Ceci est précisément la raison pour laquelle l’Administration Obama, les sionistes et les Européens, bref les Blancs voulaient camoufler leur soutien au racisme sous un vernis anti-raciste. Mais cet engagement a des limites et le processus de Durban les a mise en évidence. Réparation, redistribution, en effet n’importe quelle démarche qui porterait atteinte aux coupables et bénéficiaires du racisme n’a aucune chance d’aboutir ni en Palestine ni, certainement aux Etats-Unis.

La conférence de Durban II a donc été un moment de vérité. Les masques sont tombés et les principales lignes de fractures sont réapparues.

* Gabriel Ash, un ex-Israélien né en Roumanie, co-édite le blog anti-sioniste ‘’ jewssanfrontières’’

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