France : Brice Hortefeux ne peut être qu'antiraciste

Le 5 septembre dernier, à l’occasion de l’Université d’Eté des Jeunes UMP (Union pour la majorité présidentielle – au pouvoir en France), le ministre français de l’Intérieur français, Brice Hortefeux, se fait aborder par un militant d’origine maghrébine. Dans la discussion qui s’engage, le ministre avance des propos équivoques à l'endroit du jeune militant, pouvant avoir des connotations racistes. L’affaire a pris des proportions telles, en France, notamment dans les milieux politiques, que M. Hortefeux s’estime victime d’un lynchage médiatique. Mais pour Claude Ribbe, il y a différentes lectures possibles des propos de ce dernier.

Après plusieurs visionnages de la cassette qui aura alimenté une vive polémique contre Brice Hortefeux, il me semble évident - malgré les dénégations maladroites de certains - que les propos du ministre de l’Intérieur désignaient bien Amin, le jeune homme qui souhaitait être pris en photo avec lui lors du campus d’été de l’UMP tenu dans les Landes. Deux militants UMP insistaient avec beaucoup de lourdeur sur les origines de ce jeune homme. Comme pour les excuser.

La seule chose qui m’ait vraiment choqué, c’est d’entendre une femme s’écrier : « C’est notre petit arabe ! ». Comme s’il était nécessaire, face au ministre de l’Intérieur avec lequel ces militants cherchaient manifestement à établir une connivence raciste, d’excuser ce jeune homme de s’être engagé parmi eux, à l’UMP. Il me semble que ces militants là se sont trompés de parti et seraient mieux à leur place au Front national. C’est dans ce contexte, d’après ce que j’ai compris, que la phrase de Brice Hortefeux a été prononcée : « Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes. »

Cette phrase, selon moi, peut être interprétée de deux manières. Au premier degré, séparée du contexte, le sens peut en être le suivant : « Une personne isolée d’origine maghrébine ne pose pas de problème en France. Mais les groupes de personnes d’origine maghrébine sont à éviter.» En plein Ramadan, dans un pays dont plusieurs millions de citoyens sont d’origine maghrébine, une telle déclaration est évidemment insupportable. Beaucoup de commentateurs en sont restés à ce premier degré. Mais soyons un peu honnêtes.

La phrase peut avoir un tout autre sens si elle s’adressait précisément aux militants qui semblaient vouloir excuser ce jeune homme d’être là. Dans ce cas, le ministre de l’Intérieur leur faisait simplement remarquer que l’intégration est toujours plus facile pour une personne isolée que pour un groupe et qu’ils ne serait peut être pas aussi accueillants si Amin était accompagné de Mohamed, d’Ali et de Rachid. Il me semble en effet qu’à aucun moment, le ministre ne dit que les « problèmes » évoqués sont du fait des personnes formant groupe et non pas du fait des personnes qui ne les acceptent pas.

Ma conclusion est donc que ces propos sont ambigus, au sens ou l’on peut les interpréter de deux manières différentes : une lecture qualifiant ces propos de racistes, une lecture absolument opposée les qualifiant d’antiracistes. Je comprends parfaitement que les adversaires politiques de M. Hortefeux aient sauté sur l’occasion pour s’en tenir à la première hypothèse. J’espère qu’ils auront la même vigilance pour empêcher le raciste avéré Georges Frêche de défendre les couleurs de la gauche aux élections régionales du Languedoc.

Quant à M. Hortefeux, pris durant quelques jours dans la tourmente médiatique, je ne doute pas un instant qu’il donnera de nombreux signes qui, a posteriori, permettront d’interpréter comme antiracistes les propos aujourd’hui incriminés. On ne peut donc que se réjouir d’avoir, grâce à cet incident, un ministre de l’Intérieur qui, de toute façon, ne peut être désormais qu’un antiraciste militant.

* Claude Ribbe est un militant engagé dans la lutte contre le racisme, les discriminations et l'occultation de la mémoire de l'esclavage. Il anime un blog : www.claude-ribbe.com

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