Au rythme du Forum Social Mondial...

Nairobi 2007 a vécu. Pendant six jours (du 20 au 25 janvier dernier), la capitale kenyane était la capitale du mouvement altermondialiste. Par dizaines de milliers, activistes de divers horizons et défendant diverses causes se sont pour la première fois dans l'histoire du Forum social mondial (Fsm) retrouvés en Afrique. En chantant, en dansant et sous la colère aussi par d'autres moments, ils ont débattu, manifesté et protesté -clouant au pilori l'ordre économique et politique mondial- au centre de sport Kenyatta de Kasarani et dans les rues de Nairobi. Tous leurs slogans convergent vers un seul but : l'avènement d'un autre monde, meilleur et égalitaire. En attendant de revenir sur le bilan de cette édition et sur l'avenir du Forum social mondial, Pambazuka News vous replonge au coeur de l'évènement avec une compilation de brèves relatant certains des points focaux de l'évènement et d'articles traitant de sujets au coeur du débat des altermondialistes.

Les brèves et articles ci-dessus ont été redigés par l'équipe de journalistes de Flamme D'Afrique (Institut Panos AO). Pambazuka News et Panos ont collaboré étroitement durant cette dernière édition du Forum social mondial dans la production et la diffusion d'informations relatives à l'évènement.

Un site à moitié plein ou à moitié vide

Le pari du comité d’organisation du 7e Fsm était d’accueillir 80 000 participants. En fin de journée dimanche, ils en étaient à 46 000. Sur le site de l’immense complexe sportif de Kasarani, cela donne une impression de vide. Surtout en comparaison avec la traditionnelle mobilisation de Porto Alegre, ou encore celle par le Forum social indien à Mumbai, en 2004. Cela crée ici ou là quelques déceptions. «Nous nous attendions à un plus grand monde parce que nous sommes en Afrique…», confient des spécialistes en économie sociale, en logement (défense et droit des locataires), en droit des femmes venus du Canada. «Nous sommes ici pour vivre, pour échanger, faire des rencontres et surtout repartir au Québec avec la passion sociale».

Pour l’heure, les manifestations devant permettre de bénéficier de telles opportunités ne sont pas réglées comme sur du papier à musique. Nombre de panels et conférences ont été annulés faute d’assistance ou simplement supprimés du calendrier sans préavis. Sur six manifestations qu’un journaliste de Flamme d’Afrique avait cochées sur son calendrier dimanche, pour les suivre, seuls deux ont pu avoir lieu.

Présences politiques : entre l’acceptable et le répréhensible

Un début de polémique commence autour d’une «politisation» du forum. Il est parti de la présence d’hommes politiques kenyans, dans des manifestions organisées dimanche. Devant ce qui est présenté comme une violation de la charte d’un mouvement altermondialiste qui se veut apolitique, le comité d’organisation du forum n’a pas reculé. Selon son président, Pr Edward Oyugi, ces derniers « n’ont pas été invités comme des leaders politiques, mais comme des personnes qui ont pris une part active dans l’indépendance du Kenya. Ce sont des résistants dont nous sommes fiers».

De même, si la présence du drapeau du Front Polisario qui flotte sur le site dérange certains, le coordinateur du Secrétarait du Forum social africain, Taoufik Ben Abdallah relève : «Plusieurs drapeaux flottent à Kasarani. C’est un parmi tant d’autres. Mais s’ils (les participants sahraouis) se présentent comme un groupe politique, nous n’hésiterons pas à les exclure du Forum social mondial.» La première participation d’éléments du Polisario au Fsm remonte au Forum social mondial polycentrique de Bamako, en janvier 2006.

La présence politique au Fsm n’est pas chose nouvelle. Au dernier Fsm de Porto Alegre les présidents Chavez du Venezuela et Lula du Brésil étaient de la partie. Encore que ces derniers ont des sensibilités qui collent au mouvement social mondial.

L’altermondialisme n’est plus gratuit

Si le site de Kasarani où se tient le 7e Fsm peine à se remplir, cela pourrait tenir à une chose : pour accéder au complexe sportif où se déroule le forum, les intéressés doivent payer. L’entrée est ainsi fixée à 50 Ks (un peu moins d’un dollar) «Sur un budget de 5 millions de dollars, nous n’avons rien reçu du gouvernement», insiste un responsable du Comité d’organisation. Il faut donc combler un budget qui a du mal à s’équilibrer (voir notre bulletin n° 2). Pour une autre membre, Miranda Moema, «chaque chose a un prix. C’est facile d’organiser quand on reçoit l’aide financière du gouvernement. Là, il faut trouver les moyens d’autofinancer les évènements.».

Des manifestants ont cependant dénoncé mardi l’aspect «mercantile» du forum. Ils ont envahi les locaux du Secrétariat du Fsm, avec, sur une pancarte, un slogan pour dénoncer le coût jugé élevé de la restauration sur le site. Les journalistes ont été aussi surpris d’avoir à payer sept dollars pour se faire accréditer.

Une autre image de l’Afrique par la chanson

En 2004 elle était à Oslo pour représenter le Kenya, lors de la remise du prix Nobel de la Paix à sa compatriote Wangari Matali. A la cérémonie d’ouverture du 7e Fsm, Suzanna Owiyo avait aussi été de la partie. Cette adhésion à la mouvance altermondialiste a bien un sens pour elle : « Je veux influencer les mentalités dans mes chansons, promouvoir une autre image de l’Afrique que celle de la pauvreté, des guerres et des famines. Je veux montrer que les gens en Afrique ont de l’énergie pour faire les choses. Et le changement dont je parle commence par moi, toi, lui…», confie-t-elle. A Uhuru Park elle a chanté dans sa langue maternelle, le «luo» (une ethnie de l’ouest du Kenya et le public a vibré avec elle. D’autres artistes africains célèbres sont aussi à Nairobi, comme le rappeur sénégalais Dj Awadi.

Plantation d’arbres : L’altermondialisme prend racine

Des femmes chantent en kikuyu, l’une des langues nationales du Kenya, en cette fin d’après-midi du mercredi 24 janvier 2007. «C’est un grand jour au Kenya, puisque nous avons reçu la visite de nombreux étrangers. C’est surtout un très grand jour parce que nous aurons la possibilité de voir Wangari Mathai», confie l’une d’elles. Elles ne savent pas encore que le Prix Nobel de la Paix 2004, empêchée, ne viendra pas assister à la cérémonie relative à la plantation d’arbres, «symbole du commencement d’un monde alternatif», selon le président du comité d’organisation du Fsm, Pr Edward Oyugi.

C’est finalement le Pr Wafulla Wa Musamia, qui a eu l’honneur de mettre le premier arbre sous terre. En tenant la bouture du «prumus africa», il a déclaré : «en honneur au Forum social mondial, je plante cet arbre». A sa suite, Gérard Cunningham du bureau des Nations unies pour l’environnement s’est également plié à cet exercice. En principe, 300 arbres doivent être plantés autour du stade de Kasarani qui a servi de site au forum.

Homosexuels et lesbiennes donnent de la voix

Parmi les manifestations qui ont marqué le 7e Fsm, mercredi, à Nairobi, on peut retenir celle des homosexuels et lesbiennes africains. Au cours d’un panel organisé sur le site du forum, ils ont réclamé une égalité de traitement et un respect des droits des personnes sans distinction de sexe en Afrique. Le panel qui portait sur le thème «Sexe, loi et droits de l’homme», a été organisé sur initiative de la coalition des homosexuelles et lesbiennes du Kenya. Un pays où l'homosexualité est jugée illégale.

Mobilisation contre les APE

Les manifestants sont sortis mercredi du site du Fsm, pour porter leurs revendications dans les rues de Nairobi. Plusieurs dizaines d’activistes se sont ainsi retrouvés devant la représentation de l’Union européenne au Kenya. Ils entendaient protester contre les accords de partenariat économiques (Ape) qui, selon les manifestants, pourraient aggraver la situation économique des pays en voie de développement.

Marche des femmes pour un autre monde

Les femmes se sont signalées le mercredi 24 janvier sur le site du Fsm, par une marche pour un monde meilleur. Elles étaient quelques centaines, derrière des banderoles affichant «Gender equality to end poverty», «Africa is not for sale! Our world is not for sale, the gender and trade Network in Africa, Putting women and men first not profit”, etc. Le plus visible était cependant ces visières découpées en formes de lèvres aux couleurs rouge-vif, qu’elles portaient au front. Une bouche pour revendiquer et ne plus se taire.

La marche a épousé le pourtour du stade de Kasarani, se terminant par quelques discours et une mêlée joyeuse sur les airs de la célèbre chanson «I will survive».

Le comité d’organisation essuie colère sur colère

Du 24 au 26 janvier, l’accès au site du Forum social mondial a été gratuit. Les nombreuses protestations ont poussé les membres du comité d’organisation à supprimer la décision de faire payer 50 Kenyan Shillings aux personnes désireuses d’accéder au stade de Kasarani, où se tient le forum. Pour eux, la journée a été difficile.

Leur point de presse quotidien a été perturbé par des manifestants qui exigeaient la gratuité de l’entrée. Par la suite, ils ont dû entendre les cris de colère d’un groupe de personnes manifestant contre la cherté des prix pour la restauration sur le site. De même, l’opérateur de téléphonie mobile Celtel, principal sponsor du Fsm 2007, a été pris à partie, sa présence étant jugée contraire à l’esprit d’un mouvement altermondialiste opposé à l’emprise des multinationales.

Ce mercredi matin, des dizaines de jeunes ont encore occupé pendant plusieurs minutes l’un des principaux restaurant du site, pour protester une nouvelle fois contre les tarifs jugés élevés pour la restauration. Après la manifestation, les restaurateurs se sont empressés de vider les lieux.

Mouvement des jeunes : les exclus du forum

Pour les jeunes du mouvement social mondial, les organisateurs du Fsm devraient revoir leur copie. Installé dans un coin reculé de l’immense complexe sportif de Kasarani, ils disent sentir le forum se passer en les excluant de tout. Qui plus est, le camp est payant, réduisant ainsi les possibilités de brassage avec les populations locales et d’animation.

Pour le coordinateur du mouvement des jeunes au sein du Forum social africain, la faute revient au comité d’organisation local qui «a décidé unilatéralement, sans se concerter avec le conseil mondial, sans consulter la commission de la jeunesse d’en faire un camp payant. C’est du jamais vu. Demander aux jeunes de payer 10 dollars, soit près de 700 shillings par jour, c’est exorbitant», se plaint Diakalia Ouattara.

Le camp des jeunes est constitué de cent tentes, dont soixante-dix pour les hommes et trente pour les femmes. Chez les premiers, moins de dix tentes accueillent du monde. Chez les secondes, vingt-huit des trente tentes sont vides. Mille participants étaient attendus, mais on est loin du compte. Le camp est loin de son caractère coloré, joyeux, offrant un brassage de multiples nationalités. Les rares jeunes qu’on rencontre sont Vénézuéliens, Brésiliens, Italiens, Tanzaniens, Ougandais et Kenyans.

Hommage à Ki Zerbo : Celui qui voulait que les Africains dorment sur leur propre natte

A l’occasion de la 7é édition du forum social mondial de Nairobi, le Réseau international des groupes du Sud, a tenu à rendre un hommage posthume au professeur Joseph Ki Zerbo, disparu en décembre. Le panel intitulé « Africans on Africa », organisé mardi et présidé par le premier président zambien, Dr Kenneth Kaunda, a ainsi vu la participation de l’épouse du défunt professeur, Mme Jacqueline Ki Zerbo, ainsi que de nombreuses personnalités du forum social. Pour un panel, l’essentiel s’est dit dans une succession de témoignages sur l’homme, sa vie et une œuvre qu’il a entièrement consacrées à l’Afrique, pour la cause de laquelle il s’est d’ailleurs dépensé jusqu’à son dernier souffle.

De Demba Moussa Dembelé, à Aminata Traoré Ki Zerbo est apparu à tous comme un précurseur. « Panafricaniste jusqu’au bout des ongles, resté hostile toute sa vie durant aux plans de développement imposés à l’Afrique par l’extérieur, il a toujours défendu les valeurs africaines et estimé que le développement du continent ne se fera pas par l’extérieur. Mais par les Africains eux-mêmes en qui il avait foi », a témoigné Aminta Traoré, rappelant une des nombres phrases-culte laissées par l’histoirien : « Dormir sur la natte de quelqu’un, c’est dormir par terre ».

Il n’y avait sans doute pas mieux que Jacqueline Ki Zerbo pour parler de son défunt mari, et son témoigné à remonté la vie de ce dernier pour la dérouler sous tous ses aspects. « Trois traits caractérisent sa personnalité : d’abord l’intellectuel organique qui a toujours demandé aux Africains de penser par eux-mêmes et de chercher les solutions endogènes aux problèmes de l’Afrique au lieu d’accepter docilement les injonctions étrangères pour un hypothétique développement clé en main (…) Ensuite le patriote passionnément et concrètement engagé dans les luttes de libération de son pays (…). Enfin le patriotisme du professeur Joseph Ki Zerbo va bien au-delà de son Burkina Faso natal. Pour lui, aucun des Etats délimités par les frontières coloniales ne saurait se développer sans l’intégration africaine », a dit Jacqueline Ki Zerbo de son défunt mari, exprimant sa reconnaissance à toutes les organisations et les personnalités qui ont voulu lui rendre hommage, à l’occasion de ce forum de Nairobi.

L’émotion a atteint à son paroxysme au moment où elle a voulu partager avec l’assistance une lettre de condoléances de l’écrivain et cinéaste sénégalais, Sembène Ousmane. Elle n’a pas pu contenir ses larmes et a dû arrêter sa lecture de la lettre, plongeant la salle dans un état second.

Mais de Ki Zerbo il reste l’avenir. Demba Moussa Dembelé s’est penché sur sa vie, son militantisme et son œuvre de feu Ki Zerbo, pour montrer en quoi son parcours et ses enseignements doivent continuer d’inspirer les intellectuels africains et tous ceux qui luttent pour la libération de ce continent. Pour Dr Kenneth Kaunda, le défunt professeur était un combattant modèle de la cause africaine qui ne peut jamais être oublié. Il est parti mais vit toujours parmi nous à travers son œuvre monumentale sur l’histoire de l’Afrique et ses multiples essais aussi bien en politique que dans le domaine social et culturel, dira-t-il.

Selon lui, l’Afrique recèle d’importantes potentialités tant humaines qu’en ressources qui peuvent lui permettre d’amorcer son décollage socioéconomique sans compter sur l’extérieur. Mais, il revient aux Africains d’en pendre conscience et de se battre eux-mêmes pour assurer le développement de leur continent.

Accès à l’eau en milieu rural : Salée et amère, mais de l’eau quand même
Le désastre a commencé avec la sécheresse des années 70. La nappe phréatique s’est asséchée et l’eau de mer a pollué les puits. Les forages n’ont guère permis d’améliorer la situation, et à Mbane, village sénégalais, cette eau indispensable à la vie, bien que disponible, n’est pas sans effet sur la santé des populations.

Par une déviation, la 4X4 quitte la Nationale I, à la sortie de Fatick, à quelque 150 km de Dakar. Le goudron a fait place à la latérite. Mbane est au bout 5 km. Une atmosphère inhabituelle règne dans le village. Des ouvriers d’une société de construction mettent un tapis de goudron à la nouvelle route qui doit déboucher sur la ville de Bambey, distante de 40 km. Il y a dix ans, c’est un forage qui sortait Mbane de ses crises de soif répétées.

La route, l’eau, on aurait dit un paradis dans ce milieu rural sénégalais où de telles commodités ne courent pas les villages. « C’est grâce à l’entregent d’un ministre, fils du terroir, qu’on a pu avoir un forage en 1996 », révèle le directeur de l’école du village. Doublé de sa casquette d’agent releveur et de percepteur au sein de l’Association des usagers du forage de Mbane (Asufor), M. Wagane Faye loue l’arrivée de ce château d’eau d’une capacité de 100 m3. « Les trois puits disponibles dans le village sont presque à sec à cause du manque de pluies durant ces dernières années », dit-il. Pour le millier d’habitants de Mbane, ce fut donc une aubaine… même si elle est fort salée.

Mbane a de l’eau, mais une mauvaise eau, avec une forte teneur en sel. Chef de la Division régionale de l’Hydraulique de Fatick, Babacar Sarr ajoute que « la concentration de fluor (3 mg/l) est presque trois supérieure à la norme admise par l’Organisation mondiale de la santé (0,7 à 1,5mg/l) ». Depuis la sécheresse des années 70, les Mbanois se sont habitués à cette boisson. Faute de mieux. Le goût n’est pas des meilleurs, mais la qualité est au moins assurée, se satisfait M. Faye. Mais le risque de fluorose est présent à cause de la coloration marbrée des dents et des maladies osseuses. « Cette affection des dents le fluor est un moindre mal, avoue M. Sarr. Dans certaines zones comme Fimela, les gens vieillissent très rapidement à cause de la fluorose ».

Cultivateur de son état, Emile Faye, pense qu’il s’agit d’un moindre mal. « Il y a quelques années, les femmes se réveillaient tôt le matin pour aller puiser de l’eau loin des concessions, mais la présence du forage a relégué ces problèmes loin derrière nous ». Désormais les bornes fontaines desservies par le château d’eau allègent les travaux domestiques. « Nous avons construit, avec l’aide des pouvoirs publics, quarante-sept bornes fontaines dont huit relèvent du domaine privé, c’est-à-dire installées dans des maisons », explique le directeur de l’école.

Pour la gestion efficiente de ces ressources en eau, l’Asufor joue un rôle de contrôle et de percepteur. « A chaque fin de mois, je parcours le village pour relever la consommation d’eau au niveau des bornes fontaines et pour mobiliser les sommes générées par la vente d’eau ». En effet, selon une tarification fixée par l’association, l’eau est cédée aux populations à des prix qui sont diversement appréciés. En chœur, Fatou Faye et Amy Diouf, qui partagent la même concession jugent les prix de la bassine et du seau d’eau hors de portée de leur maigre bourse. Une bassine à ras bord revient à 10 F Cfa et un seau à 5 F. « Pour notre consommation quotidienne, il nous faut en moyenne treize bassines d’eau », explique Fatou Faye qui s’empresse d’ajouter : « Faites le calcul ! », comme pour montrer que pour une famille de 8 personnes, l’eau devient chère.

Qui plus est, pour des chefs de ménages sans revenus fixes. Voire inexistants.
Mais pour le secrétaire général du Comité de gestion du forage, l’eau est à son « juste prix », en rapport avec les charges de fonctionnement. « L’argent collecté sert à payer les salaires du conducteur du forage et des fontaniers, à résoudre les ennuis mécaniques en cas de fuite d’eau et à prendre en charge le fonctionnement de l’association », fait-il remarquer. Mais pour l’Asufor, l’eau a moins ouvert de nouvelles pistes. « Nous allons bientôt tenir une réunion au cours de laquelle il sera question de l’installation d’un télécentre, d’une boutique voire d’un moulin à mil électrique », décline M. Faye.

Accès à l’énergie : Dormir sur de l’uranium dans l’obscurité

Leur pays est quatrième producteur mondial d’uranium. Un minerai exporté pour alimenter les centrales électriques en Occident et fournir de l’énergie à ses populations. De cette richesse qui vient de leur pays, les Nigériens ne voient rien.

A cette 7e édition du forum social mondial de Nairobi, plusieurs panels ont été consacrés à la question de l’accès à l’énergie, qui se pose avec acuité dans les pays du Sud, en particulier en Afrique. D’un panel à l’autre, la préoccupation a été débattue tantôt sous l’angle de la souveraineté alimentaire, tantôt sous celui de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement, tantôt sous celui de l’exploitation des ressources minières comme l’uranium, par exemple, qui sert à faire tourner les centrales nucléaires en Occident et satisfaire la demande en énergie électrique des populations, alors que dans certains pays africains où le minerai est extrait l’accès à l’électricité continue d’être un luxe.

Le débat est d’actualité au Niger, 4e pays producteur mondial d’uranium, où seuls 9% de la population ont accès à l’énergie électrique. Alternative espace citoyen, organisation nigérienne, a saisi l’opportunité offerte par ce forum pour poser ce paradoxe qui a valeur de scandale pour certains. Depuis l’accession du Niger à l’indépendance, son uranium est sous coupe réglée, contrôlée par Areva, une compagnie française qui dispose du monopole pour l’exploitation de ce minerai avec des partenaires japonais et canadiens.

Depuis la fin des années 60 que l’exploitation de l’uranium a commencé, le Niger ne recevait que 30% des recettes générées par la vente du minerai, contre 70% pour les compagnies exploitantes. De tout cela les Nigériens n’en savaient rien. Ce qui est visible, c’est la dégradation de l’environnement et les maladies auxquelles l’exploitation de l’uranium exposait les populations de la région minière. C’est au cours de ces deux dernières années que le mystère a commencé à se lever, grâce à l’action de certaines Ong locales, qui ont décidé de dénoncer le « drame silencieux » et d’interpeller les décideurs politiques par rapport à leur silence complice.

Mamane Sani Adamou, le premier conférencier du panel d’hier, a souligné que le gouvernement nigérien ne décide ni du tonnage à extraire, ni de son prix de vente encore moins de ce qui doit lui revenir dans l’exploitation de l’uranium. « Il se compte des miettes qui lui sont versées ». Selon le conférencier, le premier président nigérien, feu Diori Hamani, a été débarqué de son fauteuil à travers un putsch militaire, parce qu’il a osé poser le problème de l’uranium dont il trouvait dérisoire le revenu pour le pays. C’était un crime de lèse majesté et ça continue encore d’être perçu comme tel par les dirigeants en poste. « Mais le plus choquant dans l’affaire, c’est que ces habitants de la zone où s’exploite l’uranium n’ont pas accès dans leur écrasante majorité à l’énergie électrique », déplore Moustapha Kadi, président de Sos Kandadji, une Ong nigérienne qui lutte pour l’accès à l’énergie pour tous au Niger.

Seuls 9% de la population nigérienne, mais au niveau mondial « la situation touche environ 2 milliards de personnes », selon le président de Droit à l’énergie Sos Futur, Pierre Jean Coulon, qui introduisait un autre panel sur la question, mardi. Pour lui, l’accès à l’énergie est une question d’importance qui conditionne l’atteinte d’au moins six des huit objectifs de développement du millénaire.

Pour l’heure, les Africains n’enregistrent que les effets néfastes. Le Nigérien Moustapha Kadi parle ainsi de la déforestation qui engendre la désertification. Le souhait est de voir les Ong occidentales partenaires prendre la question en charge et la poser à l’occasion de la prochaine élection présidentielle en France. Il est aussi demandé aux Nations Unies de s’impliquer davantage dans le combat pour l’accès à l’énergie pour le plus grand nombre.

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