RD Congo : La nécessité d’une Commission vérité et réconciliation
A la fin du gouvernement de transition en République démocratique du Congo (Ndlr : en juillet 2006) alors que ses deux institutions soeurs issues des Accords de Sun City (Ndlr : signés le 19 avril 2002), à savoir la Commission électorale indépendante et la Haute autorité des médias étaient reconduites sous une autre forme, sous la Troisième République, la Commission vérité et Réconciliation, elle, n’avait pas fait objet d’une reconduction. Et quand le président de cette commission, Mgr Kuyendundu, plaidant pour sa reconduction, avait été reçu par le président de l’Assemblée nationale, d’aucuns se posaient la question de la pertinence d’une telle démarche, alors que la RD Congo a déjà ses institutions démocratiquement élues et installées. A cette préocupation il y a lieu de préciser que la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation est une nécessité et une urgence pour une paix durable et une réconciliation sincère en RD Congo.
Lors des assises de Sun City ayant réuni les Congolais en Afrique du Sud, en vue de mettre fin au conflit armé qui a endeuillé le pays pendant plus de quatre ans, avec un bilan macabre de plus des quatre million de morts, des centaines des déplacés ou refugiés, sans compter d’autres atrocités et destructions, il avait été décidé la création d’une structure consacrée à la «vérité et reconciliation», parmi les cinq institutions d’appui à la démocratie. A savoir la Commission vérité et réconciliation, la Haute autorité des média, l’Observatoire national des Droits de l’homme, la Commission éthique et lutte contre la corruption et la Commission électorale Indépendante. Parmi tous les objectifs poursuivis par ces structures, l’impératif de vérité et de réconciliation était une urgente nécessité.
Une nécessité
La RD Congo, en tant que pays indépendant et souverain traîne derrière elle des années de dictatures et de guerres. Durant ces deux périodes de son histoire beaucoup d’injustices, d’assassinats politiques et des violations des Droits de l’homme ont été commis. Toutes ces injustices ou violations ont divisé le peuple Congolais tandis que d’autres portent un deuil jamais levé, car ne sachant pas si les leurs sont réellement mort ou non. Il devient donc impérieux que toutes ces injustices soient corrigées et que l’histoire de la RD Congo soit réécrite.
Ce souci de réécrire l’histoire de la RD Congo a été perçu dans la décision du président du Sénat, Léon Kengo wa Dondon de répertorier tous les sénateurs de la RD Congo ayant oeuvré pendant les deux premières législatures (1960-1965 et 1965-1997). La tentative de la correction des injustices et de la relecture de l’histoire fut aussi observée lors de la Conférence nationale souveraine, mais cela n’aboutit pas à un résultat concret suite à la fin brutale desdites assises, au point que la commission, dite sensible, n’eut pas le temps de lire son rapport.
Pendant les périodes troubles, plusieurs familles ont déploré non seulement la mort de leurs, mais aussi les disparitions, à telle enseigne qu’ils continuent à porter le deuil jusqu’à la confirmation de la mort. Connaître la vérité sur le passé est un remède pour ceux dont les coeurs sont blessés par l’incertitude, alors que d’autres n’attendent que la reconnaissance du préjudice subi pour se guérir de leurs blessures intérieures. Plusieurs communautés qui ont connu des conflits ethniques à cause des frustrations dues aux injustices du passé continuent de se regarder en chien de faïence. Ces communautés trouveront là un cadre idéal pour se parler, se pardoner et se réconcilier.
Une urgence
Un pays qui oublie son passé risque de répéter ses erreurs. Après des régimes dictatoriaux et des guerres meurtrières, la RD Congo qui se veut un pays de paix et de justice a besoin de connaître son passé pour non seulement corriger les erreurs commises, mais aussi éviter pour de les répéter.
Etant donné qu’il est irréaliste de remonter le temps jusqu’à l’avènement de l’Etat indépendant du Congo, il est important que le Congolais sache son histoire même celle allant de l’accession du pays à l’indépendance. Or, après quarante-sept ans de souveraineté nationale, il y a plus de chances qu’un bon nombre d’acteurs et témoins de l’accession de notre pays à l’indépendance soient déjà morts. Alors que ceux qui le sont pour le reste de l’histoire de la RD Congo, de 1960 jusqu’à nos jours, continuent à prendre de l’âge.
Ce cadre donnera aux survivants des années 1960, qui sont des bibliothèques vivantes, l’opportunité d’édifier les Congolais sur beaucoup de zones sombres qui jonchent l’histoire de leur pays. La restitution de l’histoire permettra de repartir sur des bonnes bases.
L’urgence se justifie aussi à cause des victimes des violations des Droits de l’homme et diverses injustices qui attendant une réparation pour les préjudices subis. En effet, les injustices des régimes dictatoriaux, les affres des conflits ethniques et des guerres ont causé des préjudices incalculables dans la population congolaise. Des communautés se sont séparées, des personnes physiques ont vu leurs biens expropriés ou détruits, des villages entiers ont été brûlés, des femmes et filles de tout âge violées, mutilées, infectées délibérément par le virus de sida, des villages entiers déplacés, des personnes tuées, disparues ou torturées. Tout ce bilan macabre a laissé des milliers de victimes qui crient nuit et jour pour une réparation.
Les propositions de réparation équitable ne peuvent venir que d’une commission constituée des personnes éprises de justice et de paix et dont l’intégrité morale n’est sujet à aucun doute.
Conclusion
Lors des assises de Sun City, une structure fut établie pour réconcilier le peuple congolais déchiré par les guerres et les dictatures. Mais vue les failles qui l’ont caractérisée, il est inapproprié d’en parler comme d’une commission vérité et réconciliation comme le soutient aussi Roberto Garretton . Il est donc temps d’instaurer ladite structure. En effet, si les participants aux assises de Sun City n’étaient pas l’émanation du peuple congolais pour comprendre ses profondes aspirations, les institutions démocratiquement élues, elles, le sont. Et parce qu’elles sont l’émanation de la volonté du peuple congolais, qui leur a confié un mandat, elles sont habilitées, en particulier le Parlement, pour établir une Commission pour la vérité et la réconciliation. Car il s’agit là d’une urgence pour une paix durable et une vraie réconciliation en RD Congo.
* Dieu-Donné Wedi DJAMBA est avocat au barreau de Lubumbashi, en RD Congo, consultant indépendant en Justice transitionnelle, activiste des Droits de l’homme, Assistant à l’Institut supérieur d’étude juridique appliquée de Lubumbash et écrivain.
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