Guinée-Bissau : Crise au sommet de l’Etat
En mars 2009, un double assassinat intervenait en Guinée-Bissau emportant le président de la République et le chef d’Etat major des armées. Aujourd’hui, la Commission nationale d’enquête s’apprête à rendre ses conclusions qui, selon le président Malam Bacai Sanha, éclaboussent des hautes personnalités politiques. Une situation lourde de danger pour le pays, explique Mamadou Aliou Diallo.
Plus de seize mois après l’assassinat du président Joao Bernardo Nino Vieira, le 2 mars 2009, la tension couve de nouveau en Guinée-Bissau. A l’origine, la récente déclaration, du président Malam Bacai Sanha, dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, faisant état de l’implication des hautes personnalités politiques dans le double meurtre de l’ancien chef de l’Etat et de son chef d’état-major général de l’armée, le général Batista Tagmé Na Waie. Il se baserait sur le rapport préliminaire de la Commission nationale d’enquête mise en place, au lendemain de ces assassinats, par le gouvernement, pour faire la lumière sur cette ténébreuse affaire.
Malgré les multiples entraves créées à différents niveaux par les assassins et leurs commanditaires, pour empêcher la manifestation de la vérité, la commission d’enquête s’apprête à rendre ses conclusions. Celles-ci pourraient, si l’on en croit le président Sanha, éclabousser des hautes personnalités politiques dont il s’est abstenu de citer les noms. Mais, le Premier ministre, Carlos Gomis junior, qui se serait senti visé par une telle déclaration et aurait accusé le chef de l’Etat bissau-guinéen d’implication dans le trafic de drogue.
Cette guéguerre entre les deux têtes de l’exécutif qui, faut-il le rappeler, appartiennent, tous les deux, au Parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap vert (Paigc au pouvoir) est perçue par nombre d’observateurs comme une menace sérieuse pour la paix et la stabilité dans ce pays où le culte de l’intolérance est érigé en règle.
Ces échanges de propos acerbes par médias interposés pourrait en effet, déboucher sur un conflit ouvert au sommet de l’Etat. Ce qui risque ainsi de plonger la Guinée-Bissau dans un nouveau spiral de violence à l’image de ce qui s’était passé pendant la mutinerie d’une partie de l’armée en juin 1998. Un conflit avait alors éclaté à la suite des accusations de trafic d’armes à destination de la Casamance, portées contre l’ancien chef d’Etat-major général des forces armées, le général Ansumane Mané, par le président Nino Vieira. Le général Mané avait été blanchi en 1999 par une commission d’enquête parlementaire.
Tous les ingrédients d’un cocktail explosif semblent aujourd’hui réunis pour faire de la Guinée-Bissau une nouvelle poudrière. Et comme un malheur ne vient jamais seul, cette crise au sommet de l’Etat vient se greffer à un lourd contentieux qui oppose deux groupes rivaux au sein de l’armée. Il y a, d’un côté, les partisans de l’actuel chef d’Etat-major général des forces armée, le général Antonio Indjai et de l’autre, les proches de son prédécesseur, le général José Zamora Induta. Ce dernier avait succédé, en 2009, au général Tagmé Na Waie avant d’être arrêté, le 1er avril dernier, avec le chef des renseignements militaires, le Colonel Samba Djalo, et incarcérés dans des conditions inhumaines à la caserne de Mansoa, une petite ville située à une soixantaine de Km à l’est de Bissau.
D’aucuns pensent que le général Tagmé Na Waie a été assassiné à cause de son implication dans la lutte contre les narcotrafiquants notamment dans l’armée. Il avait, par exemple, accusé le chef d’Etat-major de la marine, le contre-amiral Americo Bubo Na Tchut, d’implication dans le trafic de drogue et la tentative de putsch contre le défunt président Nino Vieira, en août 2008. Au lieu d’affronter la justice de son pays pour laver son honneur, Bubo Na Tchut avait préféré, à l’époque, s’enfuir en Gambie avant de rentrer au bercail au mois de décembre dernier, pour se réfugier aussitôt dans les locaux des Nations unies à Bissau. Il n’en est sorti que le jour de l’arrestation du général Induta. Jugé le 13 mai dernier par la justice militaire, il a été blanchi des faits qui lui sont reprochés. Mais l’Administration Obama ne semble guère convaincue de son innocence et a décidé de saisir ses avoirs aux Etats-Unis comme l’autorise la loi américaine.
* Mamadou Aliou Diallo est un ancien correspondant d’une agence panafricaine en Guinée-Bissau.
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