Guinée : L'élection présidentielle marque un virage pour les femmes
Le processus électoral actuel en Guinée n’a pas seulement été un triomphe pour une démocratie enfin effective dans la pluralité et l’équité entre les candidats. Mme Kaba Djakagbe souligne aussi le travail de sensibilisation et de mobilisation mené pour que les femmes y jouent un rôle citoyen actif.
En matière constitutionnelle, de même qu’au regard des lois et conventions internationales que nos Etats ont signées, des avancées notables sont enregistrées pour ce qui est des droits des femmes. Il n’empêche, l’affirmation de leur citoyenneté reste encore une question entière, surtout en milieu rural. Informer et sensibiliser reste encore une activité fondamentale pour que l’ignorance et la marginalisation soient vaincues.
En traduisant en langues nationales les dispositions de la Constitution guinéenne qui concernent les femmes et leur sont favorables, on a pu en assurer la vulgarisation. C’est encore peu par rapport aux gaps à combler. Mais les para-juristes qui ont été formés dans ce sens abattent un travail remarquable. Avec des notions de base simples, ils peuvent aller en milieu rural, trouver les femmes dans leur environnement, leur faire prendre connaissance et conscience de leurs droits, mais aussi les rapprocher de la justice en tant que justiciables.
Ce programme de citoyenneté a aussi été une bonne occasion pour faire une vulgarisation du Code électoral en prélude à l’élection présidentielle guinéenne, dont le premier tour a eu lieu en juin dernier. Un des résultats a été une forte participation des femmes au vote. En milieu rural notamment. De même qu’elles ont eu à afficher leur présence active pendant la campagne électorale, alors qu’elles étaient souvent présentes pour le décor des meetings électoraux. Elles ont articulé des messages et des revendications en direction des candidats, portant sur leurs besoins et leurs attentes. Aujourd’hui, quel que soit le candidat qui sera élu au 2e tour (Ndlr : le 19 septembre 2010), il aura à répondre des engagements que les femmes les ont amenés à prendre.
Des études ou des sondages auraient pu permettre de mesurer cette participation féminine dans ces premières électoralistes libres et démocratiques que la Guinée ait jamais connues. Mais nos observations visuelles nous ont permis d’attester que les femmes ne sont pas en marge du processus électoral actuel. Devant les bureaux de vote, au premier tour, leur présence était plus forte que celle des hommes, avec parfois des files de votants plus longues que pour ces derniers. Elles sont sorties aux premières heures pour accomplir leur devoir de citoyennes, avant d’aller vaquer à leurs occupations domestiques.
L’expérience de ces élections est d’autant plus importante que les femmes ne votaient généralement pas en Guinée. Faute de carte d’identité nationale, mais aussi faute de maîtrise du processus électoral pour savoir quand et comment s’inscrire sur les listes. Sans compter leurs activités quotidiennes qui ne leur laissaient guère du temps pour aller vers les centres d’inscription. Un travail de sensibilisation mené dans ce sens a permis de les aider à comprendre, de les pousser à aller s’inscrire au moment de la révision des listes, de le faire tôt le matin avant d’aller sacrifier à leurs obligations quotidiennes au sein ménage qui les empêchent souvent de s’impliquer dans l’espace public.
Par-delà ce travail de sensibilisation politique, l’appui que nous menons en direction des femmes vise aussi à leur donner les moyens nécessaires au développement de leurs activités, en termes d’équipements, de techniques et de technologies, pour développer leurs activités. Notamment en milieu rural. Elles sont ainsi une vingtaine d’organisations de femmes, en Guinée forestière, qui, grâce à de modiques subventions, se trouvent aujourd’hui dans les conditions de générer des revenus grâces aux banques de céréales qu’elles ont pu mettre en place.
Ce qui revient à dire que ces femmes ont pu cultiver leurs champs, ont pu produire assez pour se nourrir, pour dégager des surplus afin de subvenir aux besoins de la famille et pour enfin constituer des réserves à travers ces banques de céréales. Ce sont ces réserves qu’elles vendent pendant les périodes de soudure, quand les prix deviennent plus favorables sur le marché, pour générer des ressources leur permettant de préparer la campagne agricole suivante.
Mais aujourd’hui, un des challenges les plus importants se situe au niveau de la santé. L’installation et l’équipement de cases de santé sont devenues vitales pour réduire les distances entre les zones rurales reculées et les structures. La pyramide sanitaire en Guinée s’arrête au poste de santé qui se trouve installé dans une sous-préfecture ou un district. Quand des villages sont à 15 km de là, les femmes en travail sont évacuées sur un vélo ou portées dans un hamac. Des conditions qui mettent leur vie et celle de l’enfant qu’elles portent en danger. Au mieux, on se retrouve souvent avec des accouchements compliqués nécessitant une césarienne. Et là encore, il faut une autre évacuation vers l’hôpital, dans des conditions toujours aussi difficiles.
Avec le degré de pauvreté et la mal-gouvernance, on en est arrivé à une faillite du système de santé guinéen. Les femmes rurales en souffrent le plus. Le plus souvent le personnel de santé est insuffisant. Quand il est en place, il y a pas de médicament. Si par miracle tout cela est en place, la distance entre les agglomérations villageoises et les structures de santé les rendent difficilement accessibles. Parce que les routes aussi sont mauvaises et que la pauvreté prive les femmes des moyens financiers leur permettant de se déplacer.
Améliorer tout cela appelle une volonté politique allant dans le sens d’une distribution équitable des ressources. Il faut aussi que la société civile guinéenne développe un réseautage par champs d’action, pour qu’ensemble nous puissions coordonner les actions plutôt que de les dupliquer et parvenir ainsi à toucher de manière efficace les cibles les plus nécessiteuses. Les ressources étant rares, il faut assurer une complémentarité qui permette de toucher le maximum de cibles.
* Diakadia Kaba est présidente de l’Association guinéenne pour l’allègement des charges féminines.
* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org