Guinée : Les enjeux d'une élection
Les 24 candidats en lice pour la présidentielle en Guinée ont bouclé 16 jours de campagne, avant une élection qui a eu lieu ce dimanche 28 juin. Pour la première fois, depuis l’indépendance du pays en 1958, des consultations réellement démocratiques se tiennent et les enjeux sont importants pour l’avenir. Pour Mamadou Aliou Diallo, c’est l’occasion, au-delà des résultats qui peuvent sortir des urnes, de tourner le dos aux vieux démons qui ont rongé la Guinée, comme celui de l’ethnicisme.
La campagne pour l’élection présidentielle du 27 juin a suscité un réel engouement chez les Guinéens. La forte mobilisation des populations, notée depuis que les 24 candidats se sont lancés dans la bataille, le 17 mai dernier, montre qu’une page se tourne en Guinée. Pour la première fois depuis cinquante-deux ans, il n’y a pas de candidat soutenu par un parti au pouvoir. Les différents prétendants au fauteuil présidentiel sont partis avec une égalité de chance. C’est dire l’importance que revêt ce premier scrutin pluraliste et véritablement démocratique.
Au-delà de l’élection d’un nouveau président de la République, cette élection devra permettre aux Guinéens de se réconcilier avec eux-mêmes après tant de tragédies et de crimes impunis. Le premier enjeu de ce scrutin est donc, sans nul doute, de porter au pouvoir un président qui saura transcender les clivages ethniques et cimenter l’unité nationale. Malheureusement peu de candidats ont fait cas de l’unité du pays dans leurs meetings. Tous ont semblé négliger ce facteur sans lequel il ne peut y avoir de paix et de stabilité durable dans ce pays.
Les anciens présidents de la République, à commencer par Sékou Touré (1958-1984), le général Lansana Conté (1984-2008) et plus récemment encore, le capitaine Moussa Dadis Camara, avaient joué à fond la carte ethnique pour asseoir leur pouvoir. C’est pourquoi, la Guinée a besoin aujourd’hui d‘un président au-dessus de la mêlée, pour épurer cette peur de l’autre et instaurer un climat de confiance et de respect mutuel entre les fils et les filles du pays.
L’instauration de la démocratie et de l’Etat droit est perçue par les Guinéens comme la solution idéale pour une meilleure intégration des populations, afin que la diversité ethnique, culturelle et religieuse ne soit plus considérée comme une source de conflit mais une richesse à l’image des grandes nations du monde. Ce premier scrutin libre et démocratique servira aussi de baromètre pour jauger la maturité politique des Guinéens à vivre ensemble, à bannir l’exclusion, le communautarisme étroit et à mettre fin à la sempiternelle rivalité entre les différents groupes ethniques : Peuls (40%), Malinké (30%), Soussou et Diakanké (15%) et Forestiers (15%).
Cette configuration ethnique démontre, s’il en était encore besoin, qu’aucun président ne pourra désormais se faire élire sur une base ethnique. Et que le candidat qui a su le mieux briser ce cercle vicieux de l’enfermement ethnique aura certainement pris une option sérieuse pour le fauteuil présidentiel.
Les enjeux économiques ne sont pas non plus négligeables. La perspective de l’exploitation des immenses richesses minières (bauxite : 2/3 des réserves mondiales, fer : 9 milliards de tonnes, or : 1000 tonnes, diamants, luranium, le marbre, etc.) et pétrolifères du pays constitue un enjeu de taille pour cette présidentielle. De dizaines de compagnies internationales attirées par les richesses du sol guinéen ont signé, au cours de ces 16 derniers mois, d’importants contrats pour l’exploration et l’exploitation de ces énormes réserves. La gestion de l’important pactole qui sera générée par cette manne du ciel aiguise bien des appétits. Mais rien ne permet encore de penser que les populations vont y trouver leur compte.
* Mamadou Aliou Diallo est un journaliste d’origine guinéenne. Il a eu à travailler avec plusieurs agences de presse panafricaines.
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