Kenya : les enseignements des primaires des partis dans la vallée du Rift
Avec la mobilisation politique le long de lignes ethniques dans l’actuelle campagne électorale au Kenya, il est probable que le vainqueur de l’élection présidentielle du 4 mars, âprement disputée, sera désigné par les régions où on n’enregistre pas la domination de partis politiques puissants. Les zones de contestation, avec des possibilités de violence électorale, seront principalement dans ces « swing states ».
L’expérience des primaires au niveau des partis dans la région de la vallée du Rift au Kenya, épicentre de l’orgie de violence lors des élections de 2007-08, montre le courtage et les constructions en cours, destinés à sauvegarder la coalition du Jubilé du vice Premier ministre Uhuru Kenyatta et de William Ruto. Les nominations au sein des partis dans le Rift ont déjà anticipé le résultat de la présidentielle du 4 mars dans cette partie du pays.
La façon dont nous sommes parvenus à cette conclusion peut s’avérer une analyse utile pour appréhender la prochaine expérience électorale dans d‘autres parties du pays. Une tendance à la répartition par zones a été tentée dans les sphères dominées par les Kikuyus et les Kalenjins dans le Rift. La contestation électorale à l’intérieur de Jubilee s’est déplacée vers des espaces où une représentation tant des Kikuyus et que des Kalenjin est absente : pensez Masaïland, Samburu et Trans-Nzoia
ETHNICITE ET LA REPARTITION EN ZONES
Le parti Tna de Uhuru, par exemple, n’a pas de représentation au niveau du gouvernorat, du Sénat et des représentantes féminines à Usain Gishu, Elgeyo Marakwet, Nandi, Baringo, Bomet et Kericho dans la vallée du Rift. Le parti n’a proposé que deux candidats pour tous ces comtés. Un des candidats du Tna à l’Assemblée nationale est l’insoumise Linah Jebbi Kilimo. Il y a peu de temps, elle s’était indignée de la tentative visant à l’enregistrer comme membre de l’Urp de Ruto sans son consentement. Dans ces comtés, il y avait aussi fort peu de candidats de la Tna pour la représentation au niveau national, alors que l’Urp a désigné des candidats pour presque tous les sièges. Par contre, le Tna a fourni des candidats pour la majorité des sièges dans les comtés de Nakuru, Laikipia et Nyandarua dans la vallée du Rift
Un autre regard semble nécessaire pour analyser ce qui a souvent été désigné sous le nom de mobilisation de l’élite de l’ethnicité. Cette répartition en zones a été construite aussi bien depuis le haut que depuis le bas. Depuis le haut les élites politiques ont laissé cours à un discours sur l’ethnicité et les partis politiques. A moins de défection, il était compris qu’il était futile de se présenter comme candidat du Tna dans les zones Kalenjin comme Bomet et vice-versa.
KAMATUSA ET LA PROBLEMATIQUE KALENJIN
Il est intéressant de noter que c’est seulement dans Samburu et dans le Massaïland que les répartitions par zone n’ont pas eu lieu. Ainsi les candidats Tna et Urp seront en compétition directe dans ces régions. Mais il est plus intéressant de penser aux raisons pour lesquelles le Tna, par exemple, a été assez audacieux pour proposer des candidats à Samburu. Qu’est-il arrivé à Kamatusa (l’alliance Kalenjin, Massai, Turkana et Samburu) ? L’Urp ne revendique-t-il pas le Samburu ainsi que le Potok ?
La provocation mise à part, il est possible que le Tna et l’Urp ne soient pas entrain d’aiguiser leurs couteaux. De nombreux éléments traditionnels qui ont jeté les Kalenjin et les Kikuyus les uns contre les autres seront absents à Samburu. En fait c’est le clivage entre le groupe Nandi/Kipsigis/Tugen, d’une part et le groupe expansif des Kalenjin (entendez Kamatusa) résidant principalement à Samburu et Pokot, d’autre part, qui pourrait s’avérer être plus pertinent.
Ancré dans l’histoire récente plutôt que dans l’histoire ancienne, Pokot et Marakwet ont toujours été amenés à soupçonner les efforts des Kalenjin. Leur rébellion contre la domination du groupe Nandi-Kipsigis-Tugen contribue à secouer l’intégrité de leur alliance. Occasionnellement, ils ont eu à rejetée leur identité kalenjin pour être amenés à donner des significations et des valeurs contrastées qui soulignent leur différence.
Il est peut-être utile de se souvenir de la rébellion de Pokot contre le président Moi, incarnée par le fougueux ministre du cabinet, le défunt Francis Lotodo. Depuis lors, la rébellion a été tacitement reflétée par Ms Linah Jebii Kilimo, une Marakwet et par M. Samuel Poghisio, un Pokot et protégé de feu Francis Lotodo. Il est intéressant de noter que Jebii se sent plus à l’aise dans le Tna alors que le parti des Kalenjin est l’Urp.
Lors des élections de 2007, Jebbii a gagné sans peine le siège parlementaire pour le Marakwwet east, comme candidate du parti Kenda, tout en soutenant la réélection de Kibaki, pendant que les Kalenjin ont fortement soutenu la candidature de Raila Odinga. De même, à Pokot, Samuel Poghisio a facilement remporté le siège de Kacheliba East tout en soutenant la candidature de Kalonzo Musyoka. De façon générale on peut comprendre cela comme un rejet du discours dominateur de William Ruto qui prône l’unité des Kalenjins. Il s’en suit que la problématique Kalenjin et l’apparente stérilité de la logique de Kamatusa peuvent s’expliquer par la faiblesse apparente de Ruto dans le Massailand.
Le Tna a proposé des candidats pour le gouvernorat, le Sénat et des femmes représentantes à Narok et à Kajiado. Il est utile de se souvenir des sentiments exprimés par les chefs massais locaux, pour qui les Kikuyus devraient s’abstenir de se porter candidats pour des sièges importants dans les comtés. Dès lors, les candidats du Tna et de l’Urp dans le Massailand émanent de la communauté massai, une tendance qui n’a été altérée que dans le district de Kajiado North, à la périphérie de Nairobi
UNE ALLIANCE OPPORTUNISTE OU UN UNE ALLIANCE POUR UN ENGAGEMENT ?
Même s’il apparaît que la confrontation électorale directe qui sous-tend le conflit entre les" autochtones" et les"immigrés" dans la vallée du Rift semble avoir été écarté pour les prochaines élections, il n’a pas été clairement résolu. L’Odm d’Odinga, un parti qui lors des précédentes élections dans la vallée du Rift s’est renforcé sur la base du discours portant sur les biais perçus par les Kikuyus et de griefs communautaires concernant des injustices historiques sur les revendications des terres, pourrait toujours avoir une certaine pertinence. Il pourrait être relativement facile pour l’Odm de mobiliser des jeunes désabusés autour de cette idée. Ce qui pourrait offrir une couverture à toute personne souhaitant entraver les revendications auprès des Kalenjin.
Les dénis ne doivent pas être sur-interprétés ou sous-estimés. Il est clair que l‘opposition à Raila, exprimée lors des discussions sur la moralité du Tpi en ce qui concerne les quatre accusés kényans, l’ingérence de la communauté internationale dans les affaires kényanes et le plan confus de conservation de la Mau Forest, entre autres thèmes, constitueront des outils de mobilisation plus puissants que la vieille histoire sur les injustices concernant la propriété de la terre dans la vallée du Rift. Les tentatives de répartitions par zone par la Jubilee Coalition pourraient contribuer à la survie d’une alliance inorganique et apparemment problématique, une alliance de complaisance entre MM Ruto et Kenyatta. Il sera intéressant de voir si cette coalition survivra au lendemain des élections en mars.
La conclusion, découlant de cette analyse des nominations dans la Vallée du Rift, est qu’une bonne partie de la Vallée du Rift, ainsi que Nyanza, Central et Lower Upper Eastern, avec des partis localement dominants nous ont déjà, dans une large mesure, fourni les résultats du 4 mars. Il s’en suit que les zones de contestation et les possiblités de violence électorale seront principalement dans les swing states : Coast, N. Eastern Nairobi et Western.
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** Ngala Chome et Muthoni Kiguru sont tous deux étudiants en politique africaine – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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