La Baie des cochons : Première défaite des Etats-Unis en Amérique, il y a 50 ans

Tous les gouvernements cubains, à l’exception du gouvernement castriste, ont été à la dévotion des Etats-Unis et placés sous la protection de ce pays. Seul le régime castriste a eu le courage de se soustraire à son contrôle malgré les récurrentes tentatives de corruption, d’intimidation et de déstabilisation, les menaces, complots, blocus attentats, sabotages, agressions, la « sale guerre ». etc. De guerre lasse, les Etats-Unis envahiront l’île, exaspérés dans leur arrogance et leur intolérance de grande puissance dominatrice et exploiteuse par l’orgueil et la fierté de celle-ci. Ce fut le désastre de la Baie des cochons, il y a 50 ans.

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Lauren

Il y a 48 ans, à l’aube, des populations des environs de la Havane et de Santiago de Cuba étaient brutalement tirés de leur sommeil des justes par les assourdissants vrombissements de moteurs d’une escadrille de bombardiers B-26 suivis immédiatement par de fracassants bruits d’explosions d’avions au sol, d’entrepôts, de cibles divers qu’ils venaient de bombarder. Cuba était-elle en guerre ? Si oui, contre qui, et depuis quand ?

Les dirigeants cubains en général, Fidel en particulier, n’avaient-ils pas l’habitude, avant de prendre toute décision sérieuse qui engage l’avenir de la patrie, de s’en référer d’abord au peuple ? Pourquoi donc cette guerre sans déclaration de guerre ?

Les Bombardiers B-26 qui venaient d’attaquer les aéroports et aérodromes de Cuba (la base de Campo Libertad dans les environs de La Havane, celle de San Antonio de les Banos et l’aéroport Antonio Maceo à Santiago dans la province de l’Oriente, à 700 km au Sud-est de la Havane) étaient peints aux couleurs des insignes des forces aériennes de Cuba (Fuerzas Eereas Révolutionarias – FAR) pour tromper la défense anti-aérienne cubaine. Ils étaient pilotés par d’anciens officiers de Batista installés à Miami et par des pilotes Américains.

Cette lâche agression, une attaque surprise sans déclaration de guerre préalable, ni sommation, que Fidel comparera le lendemain à l’attaque sur Pearl Harbour, venait en ce vendredi 15 avril 1961, de détruire tous les avions militaires et civils de Cuba à l’exception de 09 qui étaient en vol.

Le lendemain 16 avril, aux obsèques des sept martyrs victimes des ces bombardements, Fidel, devant 10 000 personnes, déclare : « Les Etats-Unis ont organisé cette attaque parce qu’ils ne nous pardonnent pas d’avoir fait une révolution socialiste sous leur nez.» La foule tout en colère, dépitée, scandalisée, mais galvanisée par sa foi en la révolution de scander : « Guerre ! Guerre ! Guerre ! » Pourtant Fidel venait pour la première fois de faire référence officiellement au caractère socialiste de la révolution.

Il désigne le coupable et dénonce le crime. « Les Etats-Unis ont fourni les avions, les bombes et ont entraîné les mercenaires. Les yankees essaient de tromper le monde, mais le monde entier sait bien que l’attaque a été faite par des avions yankees pilotés par des mercenaires payés par la Cia américaine. ». Après avoir lu quelques dépêches provenant de Miami, relatives aux déclarations mensongères du sinistre et odieux pilote batististe Zuniga, mercenaire de son état installé avec sa famille à Miami, auteur du bombardement de la base de San Antonio de las Banos, et qui prétendait venir de déserter pour détourner les soupçons sur la Cia, Fidel caractérise ce scénario de mensonger, parce que fait de duplicité, en ces termes : « Même Holliwood ne voudrait pas d’un tel scénario. »

Pour tous les dirigeants de la révolution cubaine, après tant d’actes de sabotages, d’attentats, de crimes, d’agressions diverses et variées, cette mission de destruction de l’aviation était prélude d’une imminente invasion de l’île. Quand ? Comment ? Où ? Ils ne le savaient pas. Toutefois de ce 15 avril, ils tirèrent une telle leçon. Serait-elle une invasion directe ou indirecte comme celle que la CIA avait opérée au Guatemala avec succès, pour mettre fin à la reforme agraire ? Nul ne pouvait encore dire la forme que revêtirait l’invasion.

Mais ils n’eurent pas longtemps à attendre pour le savoir. L’invasion eut lieu le dimanche 17 avril à l’aube. Un avion C – 6, parmi les six qui devaient larguer les parachutistes avant le débarquement, en largua 177 au Nord-Est de la tête de pont, avec pour mission de s’emparer des deux routes qui traversent les marais de Zapata, afin d’empêcher la contre-attaque et en même temps contrôler la partie supérieure de la plage.

Les marais de Zapata ! Le nom de code de l’invasion n’était elle pas « mission zapata» ? Que si !

En effet, la CIA avait choisi pour lieu de débarquement des mercenaires cette partie de l’île au Sud-Est de La Havane, de laquelle elle était distante de 202 km, région isolée avec un réseau routier pratiquement inexistant, à accès très difficile à cause des marais, donc propice pour créer une tête de pont afin d’établir un gouvernement.

Playa Giron et Playa Larga lieux exacts de débarquement des mercenaires se trouvent dans la Baie des cochons (Bahia de Cochinos) au Sud de l’île côté caraïbes à l’Est de la ville de Cienfueges et à 160 km à l’Ouest de Trinidad.

Mais si l’accès difficile - lequel, empêche toute intervention rapide des forces cubaines - était un atout pour les envahisseurs, Bahia de Cochinos, en retour, avec ses marais de Zapata et son éloignement des zones éventuelles de repli, notamment dans les montagnes, s’avérait être un mauvais choix si d’aventure l’opération ne se déroulait pas tout à fait comme prévue…

C’était donc sans compter sur la détermination du peuple Cubain de vivre libre, sur sa haute conscience patriotique. Or la CIA n’avait pas tenu compte de cet aspect, elle qui disait appuyer son invasion sur 2500 à 3000 Cubains dans l’île, militants des organisations de résistance, et sur 20 000 sympathisants ; et elle s’était convaincue que dès l’installation de la brigade, le quart de la population soutiendrait l’invasion à cause de l’insuffisance des produits alimentaires de base et de produits de première nécessité.

Castro avait immédiatement compris le danger : il fallait agir vite, mais demeurer vigilants, être sur ses gardes : la Baie des Cochons pouvait être une fausse alerte, une manœuvre de diversion. Mais lorsqu’un peu plus tard il fut mis au courant du largage des parachutistes, il eut la certitude que le débarquement est fixé en ces lieux. Il ne fallait donc pas permettre à l’ennemi de réaliser son plan.

De sorte que parmi ses tout premiers ordres, ceux en l’occurrence à l’intention de Ramon José Fernandez, responsable de l’entraînement de la milice à Managua près de la Havane, et au pilote le capitaine Enrique Carreras commandant de la base de San Antonio à quelque 30 km à l’Ouest de la Havane, ont été, au premier, d’aller sans tarder à l’école des cadets de Matanzas, à 100 km à l’Est de la Havane, et d’emmener un bataillon jusqu’aux plages, d’écraser la tête de pont et d’arrêter l’invasion ennemie . Au second, Enrique Carreras, qui, à la nouvelle de l’invasion, s’était du coup souvenu qu’une semaine seulement avant, Fidel en visite dans la base avait demandé de disperser les avions pour permettre un rapide décollage en cas d’attaque, il donnait l’ordre de couler les navires avant qu’ils ne déchargent leurs cargaisons et leurs ravitaillements, de ne pas les laisser libres de leurs mouvements.

Il lui demandait en outre d’éviter d’attaquer les navires et avions américains, sauf en cas d’attaques de ces derniers. En effet, à quelques milles seulement de la côte, des navires de guerre américains, des destroyers et le porte-avions USS Essex avec l’infanterie de marine attendaient l’établissement de la tête de pont et sa consolidation, pour permettre l’installation d’un prétendu gouvernement provisoire dont les membres, à leur tête Cardana (Miro), devaient être acheminés par avion à Giron. Ce gouvernement provisoire autoproclamé demanderait alors immédiatement assistance et aide, dès son annonce, au gouvernement américain qui l’aurait déjà reconnu comme légitime représentant du peuple cubain. Ainsi serait donné l’ordre à l’armée américaine d’envahir l’île.

Pour l’instant il fallait assurer le débarquement des 1500 mercenaires de la Brigade 2506 sur la plage bleue à Giron et sur la plage rouge à Playa Larga soit au fond et à l’entrée orientale de la Baie des Cochons.

Les mercenaires avaient été recrutés, regroupés dans les camps au Guatemala, Porto Rico, Nicaragua, Miami, entraînés et formés. Ils étaient répartis en sept bataillons de 200 hommes, sur cinq navires de transport escortés par la marine et l’aviation américaine. Les populations civiles ont été les premières, avant l’arrivée des milices puis des troupes, à résister vaillamment et à s’opposer contre l’invasion, alors que Carrecas coulait les navires et se battait dans les airs contre les pilotes de l’invasion, aidé, soutenu par les siens.

Fidel arriva sur les lieux avant les troupes et prit en charge l’organisation de la défense, exposant sa vie, notamment à Palpite, point stratégique, à l’annonce de la prise de laquelle il fut assuré de la victoire certaine et de la défaite des Etats-Unis et de leurs mercenaires. Après de rudes combats ininterrompus de l’aube du 17 avril au 19 avril à 10 h, les mercenaires furent vaincus ; l’invasion indirecte, avec participation et appui directs des Etats-Unis, avait échoué.

A l’issue de ces 60 heures de combat sans répit, 161 cubains ont trouvé la mort et dans les rangs des envahisseurs on dénotait 107 morts et 1189 prisonniers . Les Etats Unis venaient de vivre leur première défaite sur le continent américain.

Il est légitime de se demander pourquoi une si grande puissance que sont les Etats-Unis, la première puissance économique et militaire du monde, a cru devoir et de manière aussi lâche et fourbe attaquer un si petit pays. Castro l’a dit : le programme économique, social, éducatif, culturel de cuba apeurait et continue d’apeurer les Etats-Unis. Ce programme était en voie de réalisation dans « l’Histoire m’absoudra », dans les « Manifestes de la Sierra », dans la « Déclaration du 26 Octobre 1959 » de Fidel devant le peuple : suppression de la corruption, des pots de vin dans l’administration publique, du jeu et de la contre bande ; confiscation des biens des auteurs de malversations financières qui se sont enrichis pendant la tyrannie de Batista ; condamnation des auteurs de crimes. Conversion du Bureau d’investigation en parc, la cité militaire en centre d’études, des casernes en cités scolaires ; révision et annulation de la concession accordée à la compagnie du Téléphone, baisse des prix du téléphone, des médicaments, de l’électricité, de l’eau,du loyer ; création de 10 000 postes d’instituteurs ruraux ; création d’un Institut d’Epargne et de construction qui avait déjà cours.

* Bécaye Diop

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