La Grande-Bretagne annonce des compensations pour les victimes de la guerre des Mau Mau
Le gouvernement a reconnu que les Kenyans ont été soumis à la torture et autres formes de mauvais traitements aux mains de l’administration coloniale mais refuse d’accepter toute responsabilité pour les atrocités.
Avec votre permission. Monsieur le président de la Chambre des communes, je voudrais faire une déclaration concernant l’accord légal que le gouvernement a trouvé, concernant les revendications de citoyens kényans qui ont vécu l’Etat d’urgence et l’insurrection Mau Mau d’octobre 1952 à décembre 1963.
Au cours de l’Etat d’urgence, des violences ont été commises sur une grande échelle par les deux côtés et la plupart des victimes étaient kényanes. Plusieurs milliers des insurgés Mau Mau ont été tués, pendant que les Mau Mau eux-mêmes ont été responsables de plus de 2000 morts, dont 200 membres des forces armées et de la police britanniques.
Des lois d’exception ont été introduites : les organisations politiques ont été bannies, des régions interdites ont été déclarées et des dispositions pour l’incarcération sans procès ont été appliquées.
Les autorités ont fait un usage sans précédent de la peine capitale et ont toléré de dures conditions de détention appelées " régime de réhabilitation". Nombreux sont ceux qui n’ont jamais été jugés et dont les liens avec les Mau Mau n’ont jamais été prouvés.
Il y a eu à l’époque une reconnaissance de la brutalité de ces mesures répressives et du degré choquant de violence, y compris un débat important dans ces murs sur les infâmes évènements du Camp Hola en 1959
Nous avons reconnu que le personnel britannique a été appelé à servir dans des circonstances difficiles et dangereuses. De nombreux membres du service colonial ont contribué à établir les institutions qui soutendent le Kenya d’aujourd’hui et nous reconnaissons leurs contributions.
Toutefois, je voudrais dire clairement, et pour la première fois au nom du gouvernement de sa Majesté, que nous comprenons la douleur et les griefs ressentis par ceux impliqués dans l’Etat d’urgence au Kenya.
Le gouvernement britannique reconnaît que les Kényans ont été victimes de la torture et d’autres formes de mauvais traitements aux mains de l’administration coloniale.
Le gouvernement regrette sincèrement ces abus qui ont assombri le cheminement du Kenya vers l’indépendance. La torture et les mauvais traitements sont des violations exécrables de la dignité humaine et nous les condamnons sans réserve.
En octobre 2009, des plaintes ont été déposées devant la Haute Cour par cinq individus détenus pendant l’Etat d’urgence, concernant leur traitement en détention
En 2011, la Haute cour a rejeté les arguments des plaignants selon lesquelles la responsabilité de l’administration coloniale a été transférée au gouvernement britannique au moment de l’indépendance, mais a jugé la plainte recevable sur la base d’autres arguments.
En 2012, une autre audience a eu lieu afin de déterminer si ces cas pouvaient être poursuivis. La Haute cour a statué que c’était possible pour trois des cinq cas. La Cour d’appel devait entendre notre appel contre cette décision le mois dernier.
Toutefois, je peux annoncer aujourd’hui que le gouvernement a trouvé un accord avec Leigh Day, l’avocat représentant les plaignants, pour un règlement total et définitif des revendications de ses clients.
L’accord inclut des compensations pour 5 228 plaignants, plus le paiement forfaitaire pour des frais de justice pour une somme totale de 19,9 million de livres. Le gouvernement soutiendra aussi la construction d’un mémorial à Nairobi à la mémoire des victimes de la torture et des mauvais traitements au cours de la période coloniale.
Ce mémorial viendra en complément de ceux qui sont en train d’être érigés au Kenya, pendant que le pays panse ses plaies du passé. Le Haut commissaire britannique au Kenya fera aussi aujourd’hui une déclaration publique aux membres de la Mau Mau War Veterans Association au Kenya, pour expliquer l’accord et exprimer nos regrets pour les évènements de la période de l’Etat d’urgence
Monsieur le président de la Chambre des communes, cet accord fournit la reconnaissance de la souffrance et de l’injustice qui a eu lieu au Kenya. Le gouvernement du Kenya, la Commission des Droits de l’homme kényane et la Mau Mau War Veterans Association sont depuis longtemps en faveur d’un accord et j’espère que celui que nous avons maintenant trouvé recevra un large soutien, contribuera à tirer un trait sur ces évènements et soutiendra la réconciliation.
Nous continuons à nier aujourd’hui la responsabilité du gouvernement et du contribuable britanniques pour les actions de l’administration coloniale en ce qui concerne ces revendications et en effet la justice n’a trouvé aucune responsabilité du gouvernement dans cette affaire.
Nous ne croyons pas que des plaintes concernant des évènements qui se sont déroulés outre mer, en dehors de la juridiction britannique directe voici plus de 50 ans, peuvent trouver une réponse satisfaisante des tribunaux sans le témoignage de témoins essentiels aujourd’hui disparus.
Par conséquent, la position du gouvernement depuis 2009 à ce jour est juste. C’est bien sûr le droit de ceux qui estiment avoir une cause d’être libre de porter leur affaire devant la justice. Toutefois nous continuerons à défendre notre propre droit de nous défendre contre des accusations portées contre le gouvernement. Et nous ne pensons pas que cet accord crée un précédent en ce qui concerne une autre ancienne administration coloniale.
L’accord que j’annonce aujourd’hui fait partie d’un processus de réconciliation. En décembre de cette année, le Kenya commémorera le 50ème anniversaire de son indépendance et l’avenir du pays appartient à une génération née après l’indépendance.
Nous ne voulons pas que le passé assombrisse nos relations actuelles et futures avec le Kenya. Aujourd’hui nous sommes liés par des relations commerciales, de sécurité et personnelles qui profitent à nos deux pays. Nous travaillons étroitement ensemble pour construire une région plus stable. Le commerce bilatéral entre la Grande-Bretagne et le Kenya se monte à 1 milliard de livres par an et environ 200 000 Britanniques visitent le pays chaque année.
Bien que nous ne devions jamais oublier l’histoire et en effet en tirer les enseignements, nous devons aussi regarder vers l’avenir, renforcer nos relations qui amélioreront la sécurité et la prospérité de nos deux pays.
J’ai confiance que cet accord renforcera le processus. La capacité de reconnaître les erreurs du passé, mais aussi de construire les fondations les plus solides possibles pour la coopération et l’amitié à l’avenir, sont tous deux la marque de notre démocratie.
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** Déclaration officielle du gouvernement, lue par le secrétaire britannique aux Affaires Etrangères, William Hague devant la Chambre des communes, le 6 juin 2013.
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