Le Congo renoue avec les pratiques staliniennes contre la presse
La première chaîne du réseau des Radios Télévisions consacrées aux droits de l'homme est victime des méthodes staliniennes au Congo. Comble de l'ironie : La Voix des sans voix est bâillonnée. Le régime ordonne sa suspension pour deux mois. Massengo-tiassé Maurice dénonce une telle dérive des autorités de Brazzaville ne saurait prospérer.
Par lettre n°127/CSLC/B/P/Cab du 27 mai 2010 relative à la notification des conclusions de la délibération du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication, j'exprime mon regret suite à cette décision préjudiciable à l'organe FRTDH, aux auditeurs et aux télespectateurs. Nous nous interrogeons sur le bien fondé de cette décision.
En date du 15 avril 2010, la direction du FRTDH était conviée à une séance de travail pour discuter du flash info sur la demande de retrait de l'agenda officiel 2010, édité par le service de communication de la présidence de la République. Cette séance de travail à valeur de conseil, donc d'avertissement, se transforme soudain en sanction de suspension plus d'un mois après.
S'il fallait prendre un exemple sur le code du travail, nous pourrions dire "que la preuve de la faute lourde doit être apportée par l'employeur qui devra, dès sa découverte, prendre une décision, car la faute même lourde sanctionnée tardivement aura perdu son caractère de gravité". D'où mon interrogation. Pourquoi cette sanction tardive, alors que le Choc et le Trottoir l'ont été immédiatement? Qu'est-ce qui a motivé la suspension de tout le groupe de FRTDH alors que le support demandé pour examen par le CSLC était le CD consacré à l'agenda officiel 2010. Cet agenda a été critiqué par les auditeurs et les proches parents de l'ancien Président de la République.
Le Forum résistera aux pressions des censeurs. La liberté d'expression est notre résistance civile qui, du reste, est un outil de communication à prendre comme tel dans toute stratégie de l'épanouissement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Puisqu'on n’a pas retiré cet agenda qui pue la haine contre l'ancien président Fulbert Youlou, nous allons nous plaindre aux tribunaux de la place, même si la décision est déjà connue d'avance. Au moins nous aurons enrichi le dossier que nous comptons présenter au Conseil des Droits de l'homme des Nations unies à l'encontre du Congo, au titre de la procédure universelle qui couvre tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales.
En réalité, trois raisons non dévoilées par les censeurs de la liberté de communication sont à l'origine de cette décision intervenue le 25 mai 2010.
L'objet du litige est la diffusion des émissions consacrées à l'expression directe des citoyens et des associations et le programme de formation sur le statut et les échos de la force publique. Il s'agit d'abord de la demande de retrait de l'agenda officiel 2010, qui traite le premier président l'Abbé Fulbert Youlou de prélat défroqué, ensuite de la campagne pour la restitution du patrimoine national spolié par les dirigeants congolais depuis l'indépendance et de la diffusion d'un témoignage accablant d'une personne torturée qui met en cause nommément certaines autorités de la force publique et particulièrement de la police politique.
La liberté de la presse est sérieusement ménacée au Congo.
Le Conseil d'Administration du Réseau Forum Radio Télévision des Droits de l'homme à Brazzaville dénonce la suspension pendant deux mois des programmes de Forum FM et de Forum TV par le Conseil Supérieur de la Liberté de Communication (CSLC).
Nous considérons que la suspension des émissions de la première chaîne du réseau FRTDH est une situation de violations flagrantes et systématiques des Droits de l'homme au Congo.
Le Forum, en accordant la parole aux Sans Voix, défend les droits intangibles prévus par de nombreux instruments internationaux ratifiés par le Congo, il s'agit :
- du droit à la vie;
- de la protection contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
- de la liberté d'expression, de pensée, de conscience et de religion;
- le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique.
Tout ce que les Congolais expriment au Forum ne représente nullement une incitation à la haine, ni un danger menaçant l'existence de la Nation.
Il y a de la gabegie au Congo. Les populations s'exprimant sur la chaîne Forum exigent uniquement le droit fondamental à un niveau de vie suffisant. Celui ci est un droit individuel, universel et justiciable à la satisfaction des besoins humains matériels élémentaires, tels que l'eau potable, la nourriture, les soins médicaux de base, l'électricité, l'enseignement fondamental gratuit, l'hébergement et l'habillement.
Cinquante ans après l'indépendance, 80% des Congolais sont des personnes en situation d'extrême pauvreté. Ils le font savoir pacifiquement sans incitation à la violence ni à la haine imaginée par les censeurs.
Les autorités songent-elles à l'amélioration constante des conditions d'existence de leurs concitoyens ? Non! Violent-ils les principes énoncés par l'article 11 du pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels ? Oui ! En entérinant cette censure dite " incitation à la haine'", le Conseil Supérieur de la Liberté de Communication consacre la banalisation de la misère du peuple congolais. Les membres du CSLC ignorent-ils, que les crimes qui font le plus de victimes au Congo, sont les crimes économiques?
Le CSLC peut-il ignorer la revendication des Congolais qui s'appuient sur l'article 21 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ? A savoir :
"1- Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.
2- En cas de spoliation ; le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi qu'à une indemnisation adéquate...."
Si l'Etat congolais était fondé sur le droit, il aurait pu satisfaire les besoins élémentaires des Congolais qui dénoncent les dépenses somptuaires prévues pour les 50 ans d'indépendance. La misère et l'exclusion entretenues et voulues par les dirigeants portent atteintes à la dignité des Congolais. Ces derniers disent tout haut aux médias leur refus de s'associer à un évènement. Quel est donc le crime du Forum, l'expression des Sans Voix ? La ligne éditoriale de notre média n'obéit qu'à son cahier de charge qui précise, entre autres : "La Télévision et la Radio sont des outils distingués des sans voix. Ces deux principaux moyens d'information sont des lieux de civilisation, d'identité culturelle, de convergence des individualités débattant librement des affaires politiques de la cité.
La création d'une Radio Télévision éducative, populaire, culturelle, sportive, participative et associative, par son originalité à valeur de modèle pour de futures émissions radiotélévisées en Afrique. Cela représente une réponse à cette demande d'information tendant à promouvoir et mieux défendre les Droits de l'homme dans notre continent et dans le monde.
La Radio Télévision des Droits de l'Homme sera un cadre d'expression pour différentes couches socioculturelles. Elle donne aux auditeurs et téléspectateurs les moyens de faire valoir leurs droits, de connaître les infractions et les peines encourues, de comprendre leurs devoirs envers leur famille et la société, de connaître le fonctionnement des institutions démocratiques, et comment chaque personne peut contribuer à une véritable société de droit dans laquelle tous les citoyens, responsables ou non, sont soumis aux mêmes lois et aux mêmes sanctions. Nous allons développer la vigilance sociale et la responsabilité citoyenne.
Une action urgente doit être menée face aux dérapages du régime de Brazzaville. En l'espace de deux mois trois médias soucieux de faire échec à la désinformation ont été suspendus sur instruction du pouvoir. Si la suspension n'est pas rapidement levée, le FRTDH compte présenter une requête au Conseil des Droits de l'homme de l'ONU à l'encontre du Congo, au titre de la procédure universelle qui couvre tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales.
Nous lançons cet appel à la communauté internationale de soutenir l'action du Forum pour la promotion et la protection des droits de l'homme en Afrique.
* Massengo-tiassé Maurice est président du Réseau Forum Radio Télévision des Droits de l'homme
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