Le monde doit réagir devant la pollution au mercure

Ce mois-ci le Forum ministériel mondial sur l’environnement à Nairobi, au Kenya, pourrait prendre la décision historique contre une menace globale qui pèse sur des centaines de millions de personnes. Une stratégie pour commencer à traiter sérieusement le mercure et ses composés toxiques sera discutée pendant la réunion du conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), qui débute le 16 février. Le «cadre politique», le résultat de sept ans d'intenses discussions menées par le PNUE, représente le premier effort mondial coordonné pour lutter contre la pollution du mercure.

Il porte sur la réduction de la demande en produits et procédés, tels que les lampes de véhicules à haute intensité ainsi que l'industrie du chlore, de même que la réduction du mercure dans le commerce international. Les autres éléments comprennent la réduction des émissions dans l'atmosphère, le stockage du mercure respectueux de l'environnement et le nettoyage des sites contaminés.

Les ministres doivent également décider comment ces actions seront réalisées - certains, comme les Etats membres de l'Union Européenne, veulent un traité international et juridiquement contraignant, tandis que d'autres veulent accélérer une approche volontaire.

Selon nos évaluations, il est grand temps de passer à l’action. Les impacts du mercure sur le système nerveux humain sont connus depuis plus d'un siècle - le Mad Hatter du livre « Alice au pays des merveilles » était ainsi nommé parce que les bonnetiers utilisaient le métal liquide pour renforcer les bords des chapeaux, faisant ainsi inspirer les vapeurs toxiques. Dans de nombreux pays, il est déconseillé aux femmes enceintes et aux bébés de manger des poissons tels que le thon.

En Suède, par exemple, environ 50.000 lacs ont des brochets contenant des niveaux de mercure dépassant les limites internationales en matière de santé. Les femmes en âge d’avoir des enfants sont conseillées de ne pas manger le brochet, la perche, la lotte et l'anguille, et, il est recommandé au reste de la population de n’en consommer qu’une seule fois par semaine. Une étude récente menée dans l'ouest du Bengale a trouvé des poissons avec des niveaux de mercure au-delà des limites de la sécurité alimentaire. Une étude aux Etats-Unis a révélé qu’environ une femme sur 12, ou presque cinq millions de femmes, ont des niveaux de mercure au-dessus du niveau considéré sain par l'Agence de Protection Environnementale des Etats-Unis. Les effets potentiels sur la population comprennent les problèmes de foie et de tyroïde, l'irritabilité, les tremblements, les troubles de la vision, la perte de mémoire et peut-être même des problèmes cardiovasculaires.

Les scientifiques et l’ONG Shark Project ont également identifié une autre cause de préoccupation : l’augmentation de la consommation de viande de requin dans certain coins du monde. Selon certaines estimations, ces aliments contiennent environ 40 fois plus de mercure que les limites de sécurité alimentaire recommandés, et peut-être encore plus.
Les niveaux de mercure dans les phoques et les bélugas de l'Arctique ont augmenté d’environ quatre fois au cours des 25 dernières années dans certaines régions du Canada et du Groenland, avec des implications pour les communautés où les mammifères marins sont consommés.
La bonne nouvelle est que l'Europe et les États-Unis ont, au cours des derniers mois, soutenu des interdictions d'exportation du mercure avec l'Union Européenne, fixant la date de 2011. Entre-temps, les gouvernements, en coopération avec le PNUE, ont découvert une variété de produits et de procédés qui, autrefois, dépendaient du mercure, et pour lesquels il exécute désormais des alternatives rentables et sûres. Ce n’est pas aussi évident dans le cas des autres produits tels que les lampes de décharge à haute intensité, les unités d'affichage à cristaux liquides et certains types de production de matières plastiques.

Il faut montrer de la flexibilité. Mais ce n'est qu’en se mettant d’accord sur un avenir avec moins de mercure que les gouvernements déclencheront l'innovation et une plus grande variété d’autres produits et procédés rentable. L’extraction artisanale et à petite échelle de l’or est probablement un cas spécial. Les victimes sont parmi les plus pauvres dans le monde. Environ 10 millions de mineurs et leurs familles pourraient souffrir du Brésil et du Venezuela à l'Inde, l'Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Zimbabwe. Sur l'île de Mindanao aux Philippines, 70 pour cent des mineurs d'or pourraient souffrir d’une intoxication chronique au mercure. Environ un tiers des personnes qui ne sont pas directement employées dans l'industrie, mais vivant dans la région, ont également montré des signes d'intoxication chronique au mercure, selon les études scientifiques. L'alternative au mercure dans les petites exploitations minières, le cyanure, n’est pas vraiment une alternative.

Les arguments économiques sont également convaincants. Nous estimons que chaque kilogramme de mercure retiré de l'environnement peut entraîner une valeur d’environ 12,500$ en bénéfices pour la société, l’environnementale et la santé. Mais il y a des signes que, plutôt que de se réduire, la pollution du mercure pourrait être à la hausse, en partie à cause de l'augmentation de la combustion du charbon en Asie. Sur 6000 tonnes de mercure qui pénètrent l'environnement chaque année, quelques 2000 tonnes proviennent des centrales électriques et des feux de charbon dans les foyers. Une fois dans l'atmosphère ou déchargée dans les réseaux fluviaux, la toxine peut voyager des centaines et des milliers de kilomètres.

Il y a également de plus en plus d’inquiétudes que, pendant que le changement climatique fait fondre l'Arctique, le mercure enfermé dans la glace et les sédiments se libèrent dans les océans et dans la chaîne alimentaire. Ainsi, il y a des liens clairs et positifs entre les décisions prises par les ministres de l'environnement au Conseil d'administration du PNUE et celles à prendre plus tard dans l'année à la réunion importante sur la Convention des Nations Unies sur le Climat à Copenhague.

L'inaction et la tergiversation sur l’enjeu mondial du mercure n'est plus une option- nous le devons aux femmes enceintes et aux enfants qui ne sont pas encore nés, ainsi qu’a tous les mineurs artisanaux et leurs familles. Nous le devons à tous ceux qui veulent un monde plus sain et moins pollué.

* Achim Steiner est Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Directeur exécutif du PNUE

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