Les illusions d’une fin de la françafrique
La fin de la françafrique ne se décrète pas. Elle ne découle pas d’un effet de style. Entre la question du Franc CFA, de la présence de l’armée française et du contrôle de larges secteurs stratégiques de nos économies, cette question ne peut être sérieusement abordée, dans l’intérêt bien compris de l’Afrique, qu’avec les fils dignes d’Afrique qui ont fait de la fin de la françafrique, du nouvel ordre mondial et du co-développement leur projet de société.
« Le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France, il y a l'Afrique, il y a le partenariat entre la France et l'Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité » (citation tirée du discours de François Hollande à Dakar, le 13 octobre 2012). Comme le disait Martin Luther King et je cite : « The truth beyond these words is without doubt, but the mission for which they call us is the most difficult one ». En termes français, « La vérité de ces mots ne souffre d’aucun doute, mais la mission qu’ils nous demandent est la plus difficile. »
Mission d’autant plus difficile du fait que, si le temps de la françafrique est révolu, les françafricains sont à la manœuvre sur tout le continent avec l’aide de vos prédécesseurs qui n’ont pas hésité, en 2002, à armer des rebelles contre le président Gbagbo, démocratiquement élu par le peuple de Côte d’Ivoire. Le seul, qui en son temps en Afrique de l’ouest, a exprimé ouvertement le vœu de la fin de la Françafrique. Le contexte actuel nous donne cette curieuse impression que la seule démocratie valable et la seule alternance acceptable sont celles qui portent au pouvoir un françafricain.
L’attaque de 2002, contre le régime du président Gbabo, a été organisée au Burkina Faso. Ce pays où justement un autre combattant contre la françafrique, Thomas Sanjara, a été froidement assassiné par le réseau françafricain. Ce réseau a fait de ce « pays des hommes intègres » la base d’entrainement militaire de la françafrique pour combattre tous ceux qui veulent se soustraire de la françafrique. Vous connaissez suffisamment ces faits puisque le Président du Burkina Faso vous en a sûrement fait un compte rendu exhaustif lors de son dernier séjour en France.
Mouamar al Khadafi, un autre combattant contre la françafrique, a été exécuté par votre prédécesseur avec l’accord de l’ancien Président du Sénégal, pays dans lequel, vous avez prononcé ce discours. Comme vous le dites : « L'amitié crée des devoirs, le premier d'entre eux est la sincérité. Nous devons tout nous dire, sans ingérence mais avec exigence. »
Nous allons donc être sincères avec vous : on ne se sépare pas de la françafrique sans les bénéficiaires et les maîtres d’œuvre de la françafrique, car eux n’ont d’autres projets pour l’Afrique que par et pour la françafrique et ne peuvent survivre une minute de plus au pouvoir sans la protection bienveillante de l’armée française et des ristournes faites sur les réserves de l’Afrique au trésor français distribuées sous forme d’aide.
La question du Franc CFA, de l’armée, des secteurs stratégiques de nos économies ne peut être sérieusement abordée dans l’intérêt bien compris de l’Afrique qu’avec les fils dignes d’Afrique qui ont fait de la fin de la françafrique, du nouvel ordre mondial et du co-développement leur projet de société.
Lors du dernier séjour de M. Ouattara en France, pour le 40ème anniversaire des accords monétaires entre la France et l’Afrique, il déclarait à propos de ces accords et je cite : «Les choix effectués par les Pères Fondateurs de la Zone Franc ont pleinement tenu leurs promesses ». La suite du discours nous situera sur ses promesses tenues et je cite : « La majorité des pays est confrontée à une pauvreté galopante et à une insuffisance d’infrastructures socio-économiques ». Concernant l’avenir des accords monétaires il déclare et je cite : « Leurs promesses (c'est-à-dire les promesses des accords monétaires) demeurent aujourd’hui encore parfaitement adaptées. » Pour nos chefs d’États, aujourd’hui la françafrique paraît donc parfaitement adaptée pour augmenter la pauvreté et le manque d’infrastructures socio-économiques.
Excellence Monsieur le président, l’Afrique est plus riche que le Moyen Orient en matières premières, mais avec l’OPEP boostée par Hugo Chavez, le Moyen Orient comme le Venezuela n’attendent plus aucune aide, bien au contraire. Les réserves en matières premières en Afrique suffisent à l’Afrique pour se passer de l’aide que vous promettez pour appuyer le développement et les organisations sous régionales.
Permettez-moi, Monsieur le président, de vous dire donc cette autre vérité : l’Afrique n’a pas besoin d’aide mais de justice économique et du contrôle de ses réserves monétaires, de la production et de la commercialisation des matières premières par l’Afrique contre l’abandon des privilèges faits aux négociants et autres trafiquants de toutes sortes qui sont les intermédiaires de la françafrique. Ces derniers ont pour nouveau commerce : armes contre matières premières en faisant disparaître les États et les droits de l’homme par des coups d’État et l’installation des rebellions.
Vous avez une belle illustration en Côte d’Ivoire où des militaires formés dans votre grande école Saint Cyr sont emprisonnés alors que des chasseurs traditionnels (Dozo) assurent la protection des droits de l’homme en confondant chasse à l’homme et droit de l’homme. Vous avez décidé de fermer vos portes à ces trafiquants et à ces négociants ; c’est une sage décision, mais je vous préviens : ils ont le double des clés.
Permettez-moi une dernière vérité : l’Afrique est la jeunesse du monde comme vous le dites et cela est vrai. Cependant, elle est parfaitement apte à présenter les résolutions sur l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Pour quoi, jusqu’à présent, c’est la France qui joue ce rôle ? C’était donc curieux d’affirmer dans le même discours la fin de la françafrique et la présentation par la France d’une résolution sur le Mali. Ce rôle, Mme Zuma la Présidente de l’UA (Union Africaine) peut parfaitement le jouer.
Sincèrement et avec respect, dans la clarté et la solidarité, je vous remercie.
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** Don Mello Ahoua est docteur Ingénieur de Ponts et Chaussées, ancien ministre ivoirien en exil
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