Les propositions inopportunes de la Gambie d’amender les textes de la Cour de la CEDEAO

Le gouvernement gambien a introduit des propositions d’amendement visant à modifier la compétence et l’accès à la Cour de justice de la CEDEAO. Une demarche que des organismes de défense des droits humains dénoncent et qui pousse l’opposant gambien Halifa Sallah a poser le débat sur sa pertinence. Les propositions visent à remettre en cause le principe de la finalité des décisions de la Cour de Justice de la Communauté et pour lui, « il est difficile de ne pas voir les effets déstabilisateurs sur les institutions» qu’un tel changement pourrait apporter. Pour M. Sallah, les textes de la Cour de la CEDEAO ne ne devraient pas être retouchée «pour satisfaire aux caprices d’esprits superficiels», mais devraient faire «l’objet de réflexions approfondies avant que d’être gravées dans des traités, des chartes ou des protocoles».

Il a été porté à ma connaissance qu’une réunion du comité technique des Affaires judiciaires et légales doit avoir lieu entre le 28 septembre et le 3 octobre 2009. Il est dit que la réunion a lieu à l’initiative de la commission de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) afin de passer en revue les propositions du gouvernement de Gambie faites en 2008, pour un amendement du traité de la CEDEAO (1993) et les Protocoles Supplémentaires A/SP.1/01/05, ayant trait à Cour de Justice de la communauté. En ma qualité de dirigeant en Afrique de l’Ouest, je voudrais attirer l’attention de la Commission en particulier, et des représentants de la société civile en général, sur les défauts procéduraux qui ont été occasionnés par la façon de traiter cette proposition de la Gambie et m’interroger sur les mérites de ces propositions dans la perspective de promouvoir un débat substantiel entre toutes les parties concernées.

Permettez-moi de commencer par affirmer que la CEDEAO est fondée par un nombre de principes, d’instruments, d’institutions et de pratiques normatives qui lui ont donné une personnalité interne et externe. Un débat substantiel entre toutes les parties concernées, sur l’impact probable d’une proposition pour un amendement important des instruments de la Communauté doit considérer une telle éventualité. En résumé, les principes, objectifs, institutions et pratiques normatives de la Communauté sont interconnectés, dépendants et déterminés les uns par les autres. Un seul défaut dans l’amendement d’un instrument peut avoir un impact négatif sur la viabilité des institutions communautaires et empêcher la réalisation de ses objectifs. Raison pour laquelle les Etats membres ont la responsabilité de recevoir toutes les propositions pour des amendements et doivent avoir le droit de les recevoir en priorité, dans un laps de temps suffisant pour une consultation nationale qui prépare le terrain à un débat avec les autorités.

Les propositions dont il est allégué qu’elles ont été faites par le gouvernement de la Gambie et que la réunion d’experts proposées a mis dans le domaine public, touche au cœur même de la Communauté et requiert le plus large et le plus vigoureux des débats et dialogue avec la société civile, en particulier les membres des Barreaux et des associations des Droits de l’Homme, les parlements nationaux et le Parlement de la CEDEAO, avant qu’un consensus éclairé puisse être élaboré. Je vais prouver au-delà du moindre doute que d’amender les provisions mentionnées équivaut à réécrire tout le texte du Traité qui établit la Communauté.

Toutefois, mon but en écrivant cette lettre n’est pas juste d’émettre une opinion sur les mérites ou défauts des amendements proposés, tel qu’ils sont présentés dans le domaine public. Nous serons en consultation avec nos collègues parlementaires de la Gambie afin de poser les questions requises, pour qu’un débat pertinent soit initié dans le pays à ce propos. Ceci étant dit, je vais encore me baser sur ce qui est disponible dans le domaine public pour initier le débat au travers de cette lettre ouverte à la Commission.

Dans cette instance, il est d’importance capitale de se focaliser sur les défauts procéduraux de la commission et de demander à la réunion d’experts de ne pas délibérer sur les points de l’agenda qui concerne les amendements du Traité et des Protocoles sur les Cours de Justice de la Communauté, proposés par le gouvernement de Gambie. La commission de la CEDEAO n’est pas mandatée pour réunir une commission d’experts qui discuterait des amendements proposés avant que la question n’ait été considérée par les Etats parties. Le Traité établissant la Communauté des Pays de l’Afrique de l’Ouest et le Protocole établissant les Cours de Justice la Communauté établissent clairement et sans équivoque ce que la commission a à faire lorsqu’une proposition d’amendement est soumise.

L’article 90 du Traité précise la question des amendements et révisions du Traité. Il dit que :

1. Chaque Etat membre du Traité peut soumettre des propositions pour un amendement ou la révision de ce traité
2. Toute proposition doit être soumise au Secrétaire exécutif qui notifiera les autres Etats membres pas plus tard que trente (30) jours après réception de la proposition Les amendements ou révisions ne seront pas considérés par l’Autorité à moins que les Etats membre aient reçu un préavis d’au moins trois mois.
3. Les amendements et révisions seront adoptées par l’Autorité en accord avec les provisions à l’article 9 de ce Traité et seront soumis pour ratifications par les Etats membres en accord avec leurs procédures constitutionnelles respectives. Ils entrent en vigueur en accord avec l’article 89 de ce Traité.

L’article 89 ajoute : « Ce Traité et les protocoles qui en sont une partie intégrale entrent respectivement en vigueur suite à la ratification par au moins 9 Etats membres, en accord avec les procédures constitutionnelles de chaque Etat signataire »

Ce qui précède dit clairement que le rôle du Secrétariat est de recevoir et de transmettre aux Etats parties les propositions d’amendement et de les aviser. Le rôle de la commission est encore renforcé par l’article 33 du Protocole établissant la Cour de Justice de la Communauté. L’article 33 du Protocole traite des questions d’amendements.

Il dit que :

1 « Chaque Etat membre ou le Président de la Cour peut, après consultation avec les autres membres, soumettre une proposition d’amendement de ce protocole.
2. Toutes les propositions seront soumises au Secrétariat exécutif qui les transmettra aux Etats membres dans les 30 jours qui suivent réception. De telles amendements seront examinés par l’Autorité à l’expiration du délai des trente jours signifiés aux Etats membres »

Il est clair que le rôle de la Commission est simplement de transmettre les propositions aux Etats membre dans les 30 jours suivant leur réception. Selon le Traité, un délai de trois mois est accordé aux Etats membres avant de convenir d’une date pour la réunion de l’Autorité qui considérera les propositions. Le protocole accorde un délai de 30 jours à l’échéance desquelles les propositions peuvent être mises sur la table pour considération par l’Autorité. Il s’en suit, et ceci est mon premier point, qu’il n’y aucune provision pour que les experts légaux conseillent les Etats membres en ce qui concerne les propositions.

Permettez-moi maintenant d’ouvrir le débat sur les mérites et défauts sur ce qui est dit être la proposition émanant du gouvernement de Gambie qui est actuellement discuté publiquement. Il est dans le domaine public que le gouvernement de Gambie a proposé l’amendement de l’article 76 (2) du Traité révisé qui dit, entre autres, que la décision des Cours de Justice de la Communauté est finale et ne peut faire l’objet d’un recours. De même, le gouvernement de Gambie demande la création de procédures d’appel qui permettraient aux parties de faire recours contre les décisions de la Cour.

A première vue, ceci apparaît comme une proposition qui ne prête pas à controverse. Toutefois, si la proposition en question est examinée d’un point de vue global, il est difficile de ne pas voir les effets déstabilisateurs sur les institutions et les entrepreneurs, que le principe de la finalité des décisions de la Cour de Justice de la Communauté était précisément supposé éviter. En résumé, des provisions élaborées de façon adéquates sont faites pour une bonne raison. Elles ne sont pas faites pour satisfaire aux caprices d’esprits superficiels. Elles sont l’objet de réflexions approfondies avant que d’être gravées dans des traités, des chartes ou des protocoles.

Permettez-moi de regarder de plus près l’article 76. Il traite de la résolution des disputes.

Art 76(1) dit que : « Toute dispute concernant l’interprétation ou l’application des dispositions de ce traité sera réglé à l’amiable au travers d’accord direct sans préjugés »

Art 76 (2) ajoute que : « A défaut, chaque partie ou un autre Etat membre ou l ‘Autorité peut référer la situation à la Cour de Justice de la Communauté dont le verdict sera final et ne peut être l’objet de recours »

La provision prévoit la résolution de disputes par négociations directes, à défaut, les parties peuvent en référer à la Cour de Justice de la Communauté. Il va sans dire que si les décisions de la Cour sont indécises, il ne sera jamais possible de clore un conflit. L’objectif de la Communauté est de garantir que la Cour, en ce qui concerne la résolution de conflit, remplisse les mêmes fonctions qu’une Cour de Justice Internationale en ce qui concerne l’interprétation et l’application du Traité. Toute proposition de création d’une Cour d’Appel pour les autorités d’adjudication internationales ou régionales doit être considérée comme plus cosmétique que pertinente à l’exercice d’une justice indépendante. Les cours de justice régionales et internationales sont généralement établies afin de servir de dernier recours. Elles sont, par leur nature et leur structure, des Cours d’Appel. Il est évident qu’il doit y avoir un terme aux procès et que des cours de justice doivent exister dont le verdict soit final. Sans le verdict final d’une Cour de Justice particulière, il n’y aura jamais de justice et elle ne sera jamais vue comme ayant été faite.

L’article 76 est simplement là pour garantir que les disputes qui concernent la réalisation et l’application du Traité trouvent un terme. Dans les cas où les négociations directes ont échoué, les dispositions donnent la possibilité de référer les disputes à la Cour de Justice de la Communauté. Elles sont consistantes avec l’objectif fondamental qui veut que la Cour soit l’arbitre final de toutes les affaires légales concernant la Communauté et ses membres. La décision de la cour telle que stipulée dans l’article 76 n’est pas isolée. Elle est le rejeton des articles 15 et 16 du Traité. L’article 16 prévoit des dispositions pour un tribunal d’arbitrage. Par conséquent la Cour servirait de Cour d’Appel pour le tribunal d’arbitrage. Raison pour laquelle l’article 76 la désigne comme étant la juridiction finale pour résoudre les disputes. Qu’il suffise de dire ici que l’article 15 sert à faire de la Cour de la Communauté l’instrument judiciaire principal de la CEDEAO. En résumé, la finalité des décisions de la Cour de Justice de la Communauté ne figure pas seulement dans l’article 76 mais est en fait gravée de façon déterminante dans l’article 15 du Traité.

L’article 15 qui établit la Cour de Justice de la Communauté stipule que :

1. Ainsi est établie la Cour de Justice de la Communauté
2. Les statuts, composition, pouvoirs procédures et autres sujets concernant la Cour de Justice seront détaillés dans les protocoles y relatif.
3. La Cour de Justice mènera à bien les fonctions qui lui sont assignées, indépendamment des Etats membres et des institutions de la Communauté.
4. Les jugements de la Cour de Justice seront contraignants pour les Etats membre, les institutions de la communauté et les individus et les compagnies

Il est donc très clair que les Etats membres voulaient une Cour de Justice communautaire dont le verdict soit final pour les affaires concernant la Communauté et sa population. Ceci est encore renforcé par l’article 17 qui octroie les pouvoirs suivants à la Cour de Justice de la Communauté.

3. Conformément aux provisions du paragraphe 2 de l’article :
g) lorsqu’il sera avéré qu’un des Etats membre ou institution de la Communauté a failli à son devoir d’honorer ses obligations ou qu’une institution de la Communauté aura agi au-delà de ses compétences ou s’est rendu coupable d’abus du pouvoir que lui octroie ce Traité, ou une décision de l’Autorité ou la régulation du Conseil, l’Autorité saisira la Cour de Justice de la Communauté.
h) solliciter l’avis de la Cour de Justice de la Communauté pour toute question légale

L’article 10 donne pouvoir au Conseil des ministres de recourir à la Cour de Justice de la Communauté, si nécessaire, pour obtenir son avis à propos de toute question légale. La Cour de Justice de la Communauté est donc la principale autorité légale de la CEDEAO. Une lecture correcte des articles 76, 16 et 15 révélerait que le Traité cherche à préparer le terrain pour des négociations directes afin de résoudre les disputes. A défaut, les parties auraient recours au Tribunal d’Arbitrage. Si cette démarche échoue, la dispute serait alors déférée à la Cour de la Communauté pour un verdict final. Il s’ensuit que la Cour de Justice de la Communauté a été conçue pour servir d’ultime juridiction, qui émet un jugement final sur les disputes.

Par conséquent toute proposition qui viserait à nier le pouvoir de la Cour comme étant autre chose que l’ultime recours, est une invitation à réécrire et à renégocier le Traité qui établit la Communauté des pays de l’Afrique de l’Ouest. Raison pour laquelle l’article 19 (3) du protocole sur la Cour de Justice de la Communauté déclare, entre autres, que les décisions de la Cour de la Communauté « …seront finales avec effet immédiat ». Il s’ensuit que demander un amendement de l’article 76 du Traité sans amender l’article 19 du protocole constitutif de la Cour de Justice, c’est introduire l’incohérence et l’ambiguïté dans les instruments ce qui n’est pas le but lorsqu’on veut amender un instrument.

La Cour de Justice de la Communauté a reçu son mandat en raison de l’intention d’établir une communauté ouest-africaine aux institutions qui fonctionnent et qui sont maintenues par les impôts des citoyens de la Communauté. La CEDEAO a l’autorité des chefs d’Etat, un Parlement qui se dirige vers l’élection directe et est en train d’être converti en une autorité législative, et une Cour de Justice de la Communauté qui devrait être pertinente pour les populations de la région. Ce qui détermine la compétence de la Cour de Justice de la Communauté comme ultime cour d’arbitrage est sa composition. Par conséquent, il est nécessaire que les Etats membres se demandent quel type de communauté ils entendaient créer lorsqu’ils ont établi le Parlement et la Cour de Justice de la Communauté. A mon avis, l’objectif est d’accorder aux institutions de la Communauté un mandat qui permet comparativement une plus grande capacité à faire justice, à protéger la liberté et la prospérité de la population d’Afrique de l’Ouest, afin de promouvoir une meilleure intégration. Le mandat donné à la Cour de Justice de la Communauté est adéquat et une cour additionnelle qui permette un recours n’est ni conforme aux standards de meilleure pratique pour des cours régionales ou internationales, tout comme elle n’est pas d’un bon rapport qualité/prix.

Je ne suis pas sûr de ce que contient le mémorandum explicatif en ce qui concerne la logique de l’amendement proposé. Les représentants de la société civile et les dirigeants politiques comme moi-même, doivent demander à pouvoir accéder aux détails. Je voudrais néanmoins suggérer que les Etats partie et leur société civile examinent objectivement les amendements proposés. De vieilles institutions ne sont pas mises aux oubliettes et de nouvelles institutions créées juste pour la convenance de l’administration. La seule façon de justifier le besoin d’une Cour d’Appel est de fournir un dossier qui détaille les pratiques et les incapacités démontrées de la Cour de la Communauté et qui nécessite une Cour supérieure. Une proposition d’amender des instruments doit démontrer les défaillances auxquelles on souhaite remédier. De surcroît, il n’est pas suffisant de mettre en évidence les défaillances. Il faut encore donner une expression concrète aux remèdes recherchés. La proposition de transfert de juridiction vers une Cour d’Appel doit être accompagnée d’une proposition de statut, de la composition et des compétences d’une telle Cour. Une simple indication de besoin d’une Cour d’Appel ne représente pas les ingrédients essentiels pour un amendement. Ceci pourrait, à la rigueur, être une opinion qui pourrait être exprimée au cours d’une réunion des organes de la Communauté.

A mon avis, ceci est la place juste pour la proposition d’amendement. Elle devrait être retirée par le gouvernement gambien et être réduite à un document conceptuel, préparé par les chambres du procureur général, pour un débat national lors d’ateliers, avant que d’être proposé comme un amendement. Ceci, afin d’éviter de s’embourber dans la controverse.

Permettez-moi de passer au point suivant. J’ai été informé que l’amendement proposé traite aussi du Protocole Supplémentaire A/SP.1/01/05 qui amende le protocole relatif à la Cour de Justice de la Communauté, en particulier l’article 9 qui traite de la juridiction de la cour et l’article 10 qui traite de l’accès à la Cour. Il est de notoriété publique que le gouvernement de Gambie a objecté à l’article 9(4) et 10(d) du Protocole Supplémentaire qui permet, en cas de violations des Droits de l’Homme, aux parties plaignantes de porter leur cas directement devant la Cour de la Communauté, sans passer par les juridictions et les moyens locaux, pour redresser les torts qui peuvent avoir été subis dans les Etats membres.

On peut maintenant se poser une question : qu’il y a-t-il de fondamentalement faux dans le partage de la juridiction originale entre la Cour de Justice de la Communauté et les cours locales de justice qui visent à déterminer les violations des Droits de l’Homme qui ont lieu dans n’importe quel Etat membre, comme stipulé à l’article 9(4) du Protocole Supplémentaire ? Qu’y a-t-il d’essentiellement faux dans l’article 10 (d) du protocole supplémentaire ? Il dit que :

« La Cour est accessible aux individus qui demandent réparation pour la violation de leur droits humains, la soumission de la requête devra ;
i) ne pas être anonyme, ni
ii) être déposée cependant qu’une procédure est en cours devant une autre Cour de Justice pour adjudication».

Etant donné sa grammaire et sa signification ordinaire, ceci veut simplement dire que le plaignant ne peut approcher la Cour sous couvert d’anonymat nine peut faire appel à la Cour cependant que la plainte est déjà considérée par une autre Cour de Justice internationale pour adjudication. A mon avis, il n’y a rien d’essentiellement faux dans le fait que la Cour de Justice de la Communauté partage la juridiction originale avec les cours de justice nationale tel que prévu par les instruments de la Communauté. Afin de faciliter la compréhension, permettez-moi de faire référence au fait que la Cour Suprême de Gambie est la cour d’appel ultime. Toutefois, elle a juridiction originale dans des questions d’interprétation et d’application de la Constitution autres que la provision fondamentale des droits. Elle a aussi juridiction pour déterminer si les lois établies confèrent un pouvoir excessif en regard de la constitution.

La CEDEAO a aussi jugé utile de donner aux citoyens de l’Afrique de l’Ouest un accès direct à la Cour de Justice de la Communauté, afin de parer aux violations des Droits de l’homme et pour promouvoir la citoyenneté, en rendant les institutions pertinentes pour la population. La demande pour la négation de la juridiction d’institutions régionales ou nationales, là où elles ont le plus d’importance, c’est régresser dans un nationalisme étroit et renoncer à l’intégration régionale. Les instruments de la CEDEAO vont au-delà des doctrines d’un nationalisme étroit et de la non ingérence dans des affaires internes.

Aucun pays n’a été contraint de ratifier le Traité et ses protocoles. Aucun pays n’est forcé de rester membre. La CEDEAO est une communauté avec des principes. Les provisions des Protocoles Supplémentaires sont dérivées de ces principes qui ne peuvent être renégocié sans ruiner toute la construction de la Communauté. Afin d’éviter le doute, laissez-moi vous donner une preuve.

L’article 15 du Traité établit la Cour de Justice de la Communauté et ordonne que « les statuts, la composition, les compétences et d’autres éléments pertinents concernant la Cour de Justice seront détaillés dans le protocole y relatif ». Il suffit de dire que l’article 89 prescrit que le Traité et les Protocoles formeront une partie intégrale des instruments de la Communauté.

Le protocole (A/P1/7/91) concernant les Cours de Justice de la Communauté indique les compétences de la Cour dans l’article 9 et ses compétences d’expert légal dans l’article 10. Il s’ensuit que la Cour a la capacité aussi bien judiciaire que celle de conseiller.

En 2001, la Communauté a établi un protocole sur la démocratie et les Droits de l’Homme qui a été ratifié par la Gambie. L’article 1 traite de la convergence des principes constitutionnels. Le paragraphe (h) prescrit, en termes sans équivoque, que « les droits décrits dans la Charte africaine concernant les Droits de l’Homme et des Peuples et autres instruments internationaux seront garantis dans chaque pays de la CEDEAO ; chaque individu ou organisation pourra librement avoir recours à des tribunaux de droit commun ou des cours de justice civile, une cour de juridiction spéciale ou n’importe quelle autre institution nationale établie dans le cadre d’un instrument international des Droits de l’Homme, afin d’assurer la protection de ses droits. En l’absence d’une cour de juridiction spéciale, le présent Protocole Supplémentaire sera considéré comme donnant les compétences nécessaires à une cour de droit commun ou une Cour de Justice civile ».

Il apparaît donc clairement que tous les signataires des Protocoles Supplémentaires ont accepté l’applicabilité des instruments des Droits de l’Homme régionaux et internationaux, qu’ils les aient formellement ratifiés ou non. Par conséquent les Cours de Justice de la Communauté devraient s’inspirer de ces instruments. En fait la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a traité la question en formulant les principes applicables concernant l’adjudication des Droits de l’Homme. Il dit :

« La Commission s’inspirera du droit international, du Droit de l’Homme et des Peuples, en particulier les dispositions des différents instruments africains sur les Droits de l’Homme et des Peuples, la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation de l’Union Africaine, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et d’autres instruments adoptés par les Nations Unies et par des pays africains dans le domaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi que des dispositions des différents instruments légaux adoptés par les agences spécialisées des Nations Unies desquels les membres de Charte sont parties ».

Tirer son inspiration des instruments internationaux des Droits de l’Homme dans l’adjudication de cas de Droits de l’Homme ne devrait pas être une préoccupation justifiant l’amendement des instruments de la Communauté. Au mieux, ils devraient former la base de la soumission des litiges devant la Cour, afin d’améliorer l’équité du verdict délivré par la Cour de la Communauté. Leurs discussions dans l’abstrait n’amélioreront pas la clarté de la juridiction légitime des Cours de Justice.

Enfin, la motivation clé pour proposer un amendement des Protocoles Supplémentaires traitant de la juridiction de la Cour est la question de l’admissibilité des cas relevant des Droits de l’Homme, avant que les moyens locaux aient été épuisés. La question simple à poser est : qui détermine si les moyens locaux ont été épuisés ? La réponse est évidente. Ce doit être la Cour de Justice de la Communauté. Tâche qu’elle ne peut accomplir que si elle a une juridiction parallèle pour auditionner les cas. Raison pour laquelle les Protocoles Supplémentaires n’ont pas lié les mains de la Cour, l’empêchant d’entendre des cas sous prétexte que les moyens locaux n’ont pas été épuisés. Ceci doit être soulevé et prouvé (ou non) par le plaignant, compte tenu que le désir d’épuiser d’abord les moyens locaux est déjà exprimé dans d’autres protocoles. Néanmoins, ils ne servent pas à empêcher à en référer à la Cour.

L’article 39 des Protocoles Supplémentaires sur la démocratie et la bonne gouvernance indique la nécessité de tout faire pour résoudre les problèmes de Droits de l’Homme localement. Toutefois, ils proposent un amendement qui confère la juridiction d’auditionner des cas de violations des Droits de l’Homme à la Cour de Justice de la Communauté.

« Le Protocole AP1791, adopté à Abuja le 6 juillet 1991, relatif à la Cour de Justice de la Communauté, doit être revu afin de donner à la Cour les compétences d’auditionner, inter alia, les cas relatifs à la violations des Droits de l’Homme, après que toutes les tentatives pour résoudre la question au niveau national ont échoué ».

Ceci est explicite. Le but de la Communauté est de conférer les compétences à la Cour de la Communauté pour auditionner les cas relatifs à la violation des Droits de l’Homme, après que toutes tentatives de résoudre la question localement ont échoué ». Ceci signifie que c’est la Cour de la Communauté qui décide sur la base des faits présentés, si toutes les tentatives de présenter le cas au niveau national ont échoué ou non.

En 2005, le Protocole Supplémentaire ASP.10105 prescrit à l’article 4 que « la Cour a juridiction pour déterminer les cas de violation des Droits de l’Homme qui se serait produit dans un Etat membre ».

L’article 10(d) ajoute que la Cour est accessible aux individus qui demandent compensation pour des violations de leurs droits humains, la requête ne devant pas :
i. être anonyme
ii. être présentée cependant que le cas est considéré pour adjudication par un autre tribunal international

« La Commission s’inspirera du droit international, des Droits de l’Homme et des Peuples, en particulier les dispositions des différents instruments africain sur les Droits de l’Homme et des Peuples, la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Organisation de l’Union Africaine, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et d’autres instruments adoptés par les Nations Unies et par des pays africains dans le domaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi que des dispositions des différents instruments légaux adoptés par les agences spécialisées des Nations Unies desquels les membres de Charte sont parties ». Tirer son inspiration des instruments internationaux des Droits de l’Homme dans l’adjudication de cas de Droits de l’homme ne devrait pas être une préoccupation justifiant l’amendement des instruments de la Communauté. Au mieux, ils devraient former la base de la soumission des litiges devant la cour afin d’améliore l’équité du verdict délivré la cour de la Communauté. Leurs discussions dans l’abstrait n’amélioreront pas la clarté de la juridiction légitime des cours de justice.

Enfin, la motivation clé pour proposer un amendement des Protocoles Supplémentaires traitant de la juridiction de la Cour est la question de l’admissibilité des cas relevant des Droits de l’Homme avant que les moyens locaux aient été épuisés. La question de l’épuisement des moyens locaux a été l’objet de débats dans la jurisprudence des Droits de l’Homme. L’article 56 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est tout à fait explicite sur ce point. Elle prescrit que les communications reçues seront considérées « si elles sont envoyées après épuisement des moyens locaux, le cas échéant, à moins qu’il soit évident que cette procédure se prolonge indûment. »

Il est évident que la Cour de Justice de la Communauté a les compétences requises pour déterminer l’admissibilité et peut considérer les preuves qui traitent de la possibilité d’épuiser les moyens locaux. Ce que la Communauté a fait, c’est de ne pas rendre obligatoire, pour les Cours de Justice, d’attendre l’épuisement des moyens locaux, aussi longtemps qu’un cas particulier n’est pas déjà soumis à une autorité locale d’adjudication. Ceci est cohérent avec l’article 34 du Protocole Supplémentaire sur la démocratie et la bonne gouvernance qui prescrit que « les Etats membre et le Secrétariat exécutif s’efforceront d’adopter au niveau national et régional, des modalités pratiques pour le renforcement de l’autorité de la loi, des Droits de l’Homme, de la justice et de la bonne gouvernance ».

Inutile de dire qu’en créant les Protocoles Supplémentaires, afin de donner à la Cour de Justice de la Communauté les compétences pour auditionner les cas relatifs à des violations des Droits de l’Homme, le dernier instrument qui est celui applicable ne restreint pas la juridiction de la Cour en faisant référence à l’épuisement des moyens locaux, notion dont la nature et forme sont trop vagues. De ce point de vue, toute proposition d’amendement des Protocoles Supplémentaires ne seraient rien de plus qu’un exercice futile.

Permettez moi de rappeler que le gouvernement de Gambie est signataire du Protocole Supplémentaire ASP. 10105 de 2005. Il prescrit à l’article 9(4) que « la Cour a juridiction pour déterminer les cas de violations des Droits de l’Homme commises dans n’importe lequel des Etats membres»

L’article 10(d) ajoute que la Cour est accessible aux individus qui demandent compensation pour des violations de leurs droits humains, la requête ne devant pas :
iii. être anonyme
iv. être présentée cependant que le cas est considéré pour adjudication par un autre tribunal international

Ceci est la volonté de la Communauté des pays d’Afrique de l’Ouest. Ces dispositions ne devraient pas être amendées à moins qu’il soit démontré que la Cour de Justice a abusé de son pouvoir.

Pour conclure permettez-moi de réitérer que si un gouvernement est mécontent d’une décision de la Cour de Justice , il devrait s’adresser à temps à la cour pour une révision. J’espère que les vues exprimées ici ouvriront le débat sur le futur de la Communauté des pays d’Afrique de l’Ouest et restaureront les vues panafricanistes : un gouvernement existe pour le peuple et non le peuple pour le gouvernement. Tout amendement d’instruments de la Communauté devrait se faire dans la perspective des intérêts des peuples d’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique en particulier et du monde en général.
L’Histoire enregistre les évènements et la postérité jugera

* Halifa Sallah est un homme politique gambien, parlementaire, membre de l'Organisation démocratique du peuple pour l’indépendance et le socialisme.

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 (texte traduit par Elisabeth Nyffenegger)