Les responsabilités du capitalisme mondial dans la crise alimentaire

La famine est une stratégie des impérialistes pour asservir les peuples et les nations. Le cynisme peut-il aller jusque-là, se diront certains. Mais c’est Henri Kissinger, qui a fait savoir en 1974, dans le Mémorandum d'études sur la sécurité nationale, que «les implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité et les intérêts étrangers des Etats-Unis (faisaient que) des famines récurrentes pourraient constituer de facto un instrument de contrôle de la population». Henry Kissinger a formulé ainsi les axes de la stratégie de puissance unilatérale pour l’impérialisme étasunien et occidental : «Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez la population.»

Le 28 mars 2007, dénonçant «l'idée sinistre - du criminel de guerre Georges Bush - de convertir les aliments en combustible», nouvelle arme de destruction massive des Yankee, Fidel Castro dénonçait que «plus de 3 milliards d'êtres humains dans le monde seront condamnés à une mort de faim et de soif prématurée». Le leader de la révolution cubaine faisait la démonstration suivante contre le projet américain de produire 132 milliards de litres de biocarburant d'ici 2017 : «Aujourd'hui, nous savons précisément qu'une tonne de maïs peut produire seulement 413 litres d'éthanol en moyenne (...). Le prix moyen du maïs dans les ports états-uniens s'élève à 167 dollars la tonne. Il faut donc 320 millions de tonnes de maïs pour produire (132 milliards de litres) d'éthanol. Selon les données de la Fao, la récolte de maïs aux Etats-Unis pour l'année 2005 s'est élevée à 280,2 millions de tonnes. Même si le président parle de produire du combustible à partir de gazon ou de copeaux de bois, n'importe qui comprend qu'il s'agit de phrases absolument dénuées de réalisme».

Fidel Castro fustigeait par la même occasion le projet de l'UE de transformer non seulement «le maïs mais également le blé, les graines de tournesol, de colza et d'autres aliments pour la production de biocarburants», en pointant du doigt l’essor de la demande, la hausse colossale des prix de ces matières premières alimentaires et la crise humanitaire aux conséquences tragiques que cela entraînerait. La généralisation des recettes colonialistes et anti-écologiques des Etats Unis et de l’UE sur le biocarburant fera qu’il «ne restera plus un seul arbre pour défendre l'humanité du changement climatique», ajoutait Fidel Castro.
Le déséquilibre climatique, provoqué par la pollution, et la destruction progressive de la couche d’ozone entraînent une succession plus fréquente et plus dévastatrice des cycles de sécheresses et d’inondations.

La famine est une stratégie des impérialistes pour asservir les peuples et les nations. Le cynisme peut-il aller jusque-là, se diront certains. Mais c’est Henri Kissinger, qui a fait savoir en 1974, dans le Mémorandum d'études sur la sécurité nationale, que «les implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité et les intérêts étrangers des Etats-Unis (faisaient que) des famines récurrentes pourraient constituer de facto un instrument de contrôle de la population». Henry Kissinger a formulé ainsi les axes de la stratégie de puissance unilatérale pour l’impérialisme étasunien et occidental : «Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez la population.»

La crise alimentaire actuelle est une conséquence à la fois des politiques libérales d’ajustement structurel (Pas) mises en place par l’impérialisme pour enfermer les peuples et les pays dans la prison infernale de la dette et en grande partie d'une manipulation du marché par la spéculation boursière qui gonfle artificiellement les prix des céréales sur les marchés boursiers de New York et de Chicago des matières premières. C’est ce qu’explique Michel Chossudovsky dans le journal québécois l’Aut’journal : «Il est intéressant de noter qu'en 2007, le Chicago Board of Trade (Cbot) a fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange, formant la plus importante entité au monde traitant le commerce des produits de base et comptant un large éventail d'instruments spéculatifs (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels, etc.).

«Des transactions spéculatives sur le blé, le riz ou le maïs, peuvent se produire sans qu'il y ait de transactions réelles de ces produits. Les institutions, qui actuellement spéculent sur le marché des céréales, ne sont pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison des grains. Les transactions peuvent se faire par fonds indiciels qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse en général de la variation des prix des marchandises. Une «option de vente» est un pari que les prix vont baisser, une «option d'achat» est un pari que les prix vont augmenter.

«Grâce à la manipulation concertée, les opérateurs institutionnels et les institutions financières font augmenter les prix. Ils placent alors leurs paris sur la hausse du prix d'un produit en particulier. La spéculation génère la volatilité du marché. A son tour, l'instabilité qui en résulte encourage la poursuite de l'activité spéculative. Les bénéfices sont réalisés lorsque le prix monte. En revanche, si le spéculateur est un short-selling, le bénéfice sera réalisé lorsque le prix diminuera. Cette récente flambée spéculative des prix des denrées alimentaires a engendré un processus mondial de création de la famine à une échelle sans précédent».

La contradiction fondamentale entre production sociale et propriété privée mine le capitalisme

Dans son dernier livre «L’Empire de la honte», Jean Ziegler note : «Les nouvelles féodalités capitaliste ne cessent de prospérer. Le Roe (rendement des fonds propres) des 500 plus puissantes sociétés transcontinentales du monde a été de 15 % par an depuis 2001 aux Etats-Unis et de 12 % en France. Les moyens financiers de ces sociétés excèdent, et de loin, leurs besoins en investissement : c’est ainsi que le taux d’autofinancement s’élève à 130 % au Japon, 115 % aux Etats-Unis et 110 % en Allemagne. (…) Les 374 plus grandes sociétés transcontinentales inventoriées par l’indice Standard and Poor’s détiennent aujourd’hui ensemble, plus de 600 milliards de dollars de réserve. Cette somme a plus que doublé depuis 1999. Elle a augmenté de 13 % en 2003. (…)

«En 2003, le nombre des millionnaires en dollars, tous pays confondus, s’élevait à 7,7 millions de personnes. Par rapport à 2002, ce chiffe signale une progression de 8 %. En d’autres termes, 500 000 nouveaux millionnaires en dollars ont émergé en l’espace d’un an. La progression était encore plus forte de 2004 à 2005 et de 2005 à 2006. Le nombre des millionnaires en dollars dépasse en 2007 les 12 millions de personnes». Sur ces 12 millions, Jean Ziegler précise qu’ «en une année (de 2002 à 2003), le nombre des millionnaires en dollars originaires de l’un ou de l’autre des 52 pays d’Afrique a augmenté de 15 %. Ils sont aujourd’hui plus de 100 000. C’est ainsi que les Africains riches détiennent aujourd’hui, en cumul, des avoirs privés s’élevant à 600 milliards de dollars, contre 500 milliards en 2002».

Ce processus montre une accélération au plan mondial de l’appropriation privée de la richesse produite par une chaîne mondiale des actionnaires du capital financier, notamment en raison des délocalisations, de la socialisation de la production industrielle, agricole et des services, jamais égalée en six siècles d’existence du capitalisme, du 15e au 21e siècle.

Production de plus en plus sociale et appropriation privée, telle est la contradiction qui est à la base de la paupérisation générale des peuples et des travailleurs tant dans les pays impérialistes que dans les pays «émergents» et les pays dominés.

(…) Pour dévoyer les prises de consciences des peuples et des travailleurs, victimes des prédateurs capitalistes, comme le constate Michel Chossudovsky : «Les médias ont induit en erreur l'opinion publique sur les causes de ces hausses de prix, en se concentrant presque exclusivement sur la question des coûts de production, le climat et d'autres facteurs qui ont pour effet de réduire l'offre et qui pourraient contribuer à gonfler les prix des aliments de base. Bien que ces facteurs puissent entrer en jeu, ils ne peuvent expliquer à eux seuls l'impressionnante et spectaculaire hausse des prix des produits de base» (idem).

En fait, l’humanité est tout simplement en train de re-découvrir ce que K. Marx expliquait au 19e siècle dans son ouvrage magistral le Capital : «Le capital a horreur de l'absence du profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le capital devient hardi. A 20 % il devient enthousiaste ; à 50 % il est téméraire ; à 100 % il foule au pied toutes les lois humaines et à 300 % il ne recule devant aucun crime...» (Le Capital).

Les peuples et les travailleurs expérimentent dans la douleur l’enseignement de Lénine, au 20e siècle, selon lequel le capitalisme «mondialisé», débarrassé pour l’instant du socialisme vainqueur dans un pays ou un groupe de pays et miné par ses propres contradictions, est condamné au «maintien artificiel du capitalisme à l’aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d’oppression nationale de toute nature». Le capitalisme, à son stade suprême l’impérialisme, n’a plus rien à offrir à l’humanité. Le capitalisme porte en son sein la guerre, la misère, la maladie et la famine comme la nuée porte l’orage.*(Fin)

Fodé Roland Diagne est membre du Secrétariat politique de Ferñent/ Mouvement des travailleurs panafricains-Sénégal

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