L'OTAN a assassiné Khadafi !
Le 18 octobre, Hillary Clinton visite Benghazi et déclare à propos de Khadafi : « J’espère qu’il sera bientôt capturé ou tué ». Deux jours après, ce dernier est assassiné. On ne peut trouver meilleure preuve de préméditation. L’OTAN est ainsi arrivé à ses fins, mais la mort de Khadafi, pour Demba Moussa Dembélé, porte un message et une leçon pour l’Afrique. Elle annonce aussi «de sombres perspectives pour l’indépendance et la sécurité du continent».
Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne ont enfin atteint leur but en Libye : assassiner Kadhafi ! Les mensonges visant à faire croire que ce sont les « forces du CNT » qui ont commis ce crime ne tromperont personne. D’ailleurs, l’OTAN a reconnu avoir bombardé « un convoi pro-Kadhafi » le jeudi 20 octobre au matin. Et comme par hasard, quelques heures après, on annonce « la capture » ou «la mort » de celui-ci
Un assassinat de sang froid
Il ne fait donc guère de doute que c’est l’OTAN, assistée par les Forces Spéciales des pays occidentaux, qui a assassiné Kadhafi. De sang froid. On remarquera que ce crime est intervenu deux jours après la visite de la secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Mme Hillary Clinton à Tripoli, au cours de laquelle, elle a dit à propos de Kadhafi : « J’espère qu’il sera bientôt capturé ou tué ». C’est donc un crime d’Etat dont la responsabilité repose sur les épaules de Barack Obama, Nicolas Sarkozy et David Cameron, les principaux chefs de guerre de l’agression impérialiste occidentale contre un régime souverain.
On se souvient que dès le début de cette agression, l’OTAN avait cherché à plusieurs reprises à assassiner le dirigeant libyen, dont un des fils et trois des petits-enfants furent tués lors d’un bombardement sur leur résidence. Ainsi, cet assassinat de sang froid expose-t-il à la face du monde la nature barbare, tyrannique et cruelle de cette alliance impérialiste. Il faut voir le concert de discours de « satisfaction » de ses dirigeants, certains se disant même « fiers » d’avoir contribué à cet ignoble assassinat. Les dirigeants occidentaux ont ainsi montré leur nature sanguinaire, perverse et despotique. Ce sont des individus immoraux, qui n’hésiteront pas à mentir, à tuer et à massacrer pour arriver à leurs fins.
LA COMPLICITE DES NATIONS UNIES
Ce qui également saute aux yeux de l’opinion mondiale, c’est le rôle peu glorieux joué par les Nations Unies. Ban Ki-Moon, le secrétaire général, s’est empressé de lire une déclaration pour parler « d’une transition historique » pour la Libye et surtout proposer les services de l’ONU pour « aider » l’OTAN et ses mercenaire s! On sait déjà que les Nations Unies avaient été complices de l’assassinat d’un dirigeant africain, en la personne de Patrice Lumumba, au Congo, en 1961. Mais on pensait que cela ne se répéterait plus jamais. Le 20 octobre 2011 restera donc un autre jour d’infamie dans l’histoire de l’organisation onusienne.
QUEL AVENIR POUR LA LIBYE ?
L’élimination physique de Kadhafi va peut-être mettre fin –pour combien de temps ?- à la résistance à l’occupation du pays par l’OTAN et ses mercenaires. Mais on peut affirmer que l’avenir ne s’annonce pas des plus heureux pour le peuple libyen. Le pays est déjà en voie de recolonisation. Les forces de l’OTAN et les Forces Spéciales ne sont pas près de quitter la Libye. Les pays membres de l’OTAN, qui ont installé le CNT, vont imposer leurs exigences. Non seulement pour le partage et l’exploitation des ressources naturelles du pays, mais également et surtout pour l’octroi de « facilités militaires ». Autrement dit des bases militaires terrestres, navales et aériennes. Faut-il rappeler que c’est Kadhafi qui avait fermé les bases militaires opérées par les yankees après sa prise de pouvoir en 1969 ? Ainsi, la Libye risque-t-elle de se transformer en une nouvelle colonie, devenant ainsi une menace pour ses voisins.
LES LEÇONS POUR L’AFRIQUE
En osant défier la horde impérialiste de l’OTAN tout seul pendant des mois, sans le moindre soutien de la part d’un Etat africain, essuyant même des trahisons comme celle du président sénégalais Abdoulaye Wade, Kadhafi a donné une leçon magistrale aux dirigeants africains : une leçon de courage, de bravoure et de dignité dans l’épreuve. Il avait dit et répété qu’il ne quitterait jamais le pays de ses ancêtres et qu’il préférait y mourir plutôt que d’aller en exil. Il a tenu parole et est entré dans la légende. Jusqu’au bout, il a refusé d’accepter le moindre ultimatum, la moindre injonction de la part des despotes occidentaux.
Quel contraste avec le comportement de nombre de dirigeants africains, surtout parmi ceux qui ont été les premiers à le trahir, comme Abdoulaye Wade. Ils subissent quotidiennement des humiliations de la part de leurs maîtres occidentaux, recevant des avertissements, des ordres à propos de tout et de rien. Ils vivent dans l’indignité et le mépris de ces maîtres. Ce sont des individus prêts à satisfaire le moindre caprice de ces derniers. Comme le remarquait à juste titre, feu le Professeur Joseph Ki-Zerbo, des gens qui ne savent qu’imiter et obéir, ne méritent pas d’être appelés « dirigeants »
Kadhafi n’était certes pas un démocrate, loin de là. C’était un dictateur à bien des égards, un dirigeant parfois imprévisible. Mais c’était un dictateur éclairé qui aimait son pays et l’Afrique. Il se sentait africain et avait une vision et une grande ambition pour celle-ci. Aucun chef d’Etat du continent n’a fait autant pour faire avancer l’unité africaine, pour l’indépendance et la sécurité du continent.
C’est pourquoi on peut affirmer que la chute et l’assassinat de Kadhafi vont sonner le glas efforts entrepris pour former les Etats-Unis d’Afrique, du moins dans un avenir prévisible. Des avancées qui avaient été faites dans la construction de l’unité économique du continent seront sans doute mises en veilleuse, voire abandonnées. C’est le cas de la Banque centrale africaine, du Fonds monétaire africain et de la Banque africaine d’investissement. Cette dernière devait justement être établie à Tripoli ! Kadhafi était la force motrice derrière ces projets et était prêt à utiliser les réserves de change de son pays dans ce sens.
Les attitudes racistes du CNT, illustrées par les massacres contre les Libyens noirs et les ressortissants des pays d’Afrique au Sud du Sahara, montrent que les dirigeants installés par l’OTAN ont d’autres priorités que la construction de l’unité africaine.
La conquête de la Libye par les pays membres de l’OTAN annonce de sombres perspectives pour l’indépendance et la sécurité du continent. Elle risque d’ouvrir grandes les portes de celui-ci à AFRICOM – le projet de militarisation du continent par les Etats-Unis - qui, jusque-là, n’avait pas trouvé de pays d’accueil sur le sol africain. Donc, la mise sous tutelle de la Libye par les occidentaux et l’assassinat de Kadhafi risquent d’être le point de départ de la militarisation de l’Afrique et de l’accélération de sa recolonisation.
* Demba Moussa Dembélé est économiste
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