Madagascar, pays minier

Les mines à Madagascar ne concernent plus les pierres, elles sont industrielles. Les dimensions sont plus grandes, les enjeux différents et les opportunités extraordinaires. Mais sommes-nous au rendez-vous ? Notre nationalisme latent, les vestiges de la colonisation et nos tendances économiques rentières et socialistes font que nous voyons d’un mauvais oeil cette production minière, et ratons en conséquent, cette porte d’ouverture vers le monde moderne.

Jusqu’à récemment, dans mon imagination, un projet minier portait sur la production de roches ou produits rochers (style Hazovato) ou de pierres précieuses et semi-précieuses ainsi que de l’or. J’imaginais, comme sûrement beaucoup, qu’il s’agissait d’excaver de longs tunnels dans le sous-sol et dans les montagnes. Une fois trouvé, le minerai en question était poli et vendu plus ou moins comme tel.

Dans mon imagination, il n’existait aucun lien entre ces projets miniers et l’industrie lourde qui a transformé non seulement l’Occident mais aussi les pays de l’Asie, comme la Corée du Sud, devenue une puissance industrielle en une génération par la détermination du dictateur éclairé (et donc toujours controversé), Park Chung Hee, de moderniser son pays par le biais d’une industrialisation chimique lourde (heavy chemical industrialization ou HCI). C’était ce qui avait fait la puissance du Japon et il voulait, à tout prix, égaler ce géant industriel (la Chine fera de même sous Deng Xiaoping 20 ans plus tard). Ce HCI contribue à la production des Hyundai ix35 qui peuplent notre capitale, des Samsung Galaxy S3 smartphone qui se vendent en plus grand nombre que les iphone, mais aussi de choses plus banales comme tous les produits en acier inoxydable qui nous entourent (cuillères, bouts de portables, téléphones, cadres photos, meubles, lustres, etc...). Ou comme on dit, tout court, en argot malgache « Inox».

L’inox est produit à l’aide du nickel, et le nickel est produit par processus industriel HCI. De même la couleur blanche que vous trouvez dans votre dentifrice, les plastiques et tissus blancs, la peinture blanche, tout le blanc qui nous entoure, vient de la transformation de l’ilménite. Le premier, nous le savons, est maintenant exporté par Ambatovy, le deuxième par Rio Tinto. Le troisième qui est prévu concerne le fer, l’ingrédient principal de l’acier. Les mines à Madagascar ne concernent plus les pierres, elles sont industrielles. Les dimensions sont plus grandes, les enjeux différents et les opportunités extraordinaires. Mais sommes-nous au rendez-vous ?

Notre nationalisme latent, les vestiges de la colonisation et nos tendances économiques rentières et socialistes font que nous voyons d’un mauvais oeil cette production minière, et ratons en conséquent, cette porte d’ouverture vers le monde moderne. Au contraire, nous attirons l’attention du monde sur l’extrême difficulté de faire quoi que ce soit à Madagascar. A commencer par le coût phénoménal de devoir tout faire soi-même (électricité, routes, formation), puis l’extrême lourdeur du système politico-bureaucratique prédateur plutôt que facilitateur, et enfin le sabotage par rumeurs et manipulation de l’opinion, quelque part attribuable à l’ignorance, mais aussi à la malveillance. Le nationalisme, la haine des autres, plutôt que le patriotisme, l’amour des siens, semble toujours l’emporter.

C’est effectivement dommage que nos premières expéditions de minerais aient eu lieu en période de crise, sous un régime prédateur et corrompu et avec des dirigeants sans vision. Certainement pas des Park Chung Hee ou Deng Xiaoping, qui prônaient une transformation de leurs pays par l’industrie massive. Tous deux ont importé la technologie et le savoir-faire du Japon et se sont acharnés à le comprendre et maîtriser, plutôt que de le saboter. Ils ont consacré d’importantes ressources à la préparation des générations futures pour la relève, en investissant massivement dans leurs universités et écoles techniques. Ils ne se sont pas plaints de ce qu’ils n’avaient pas, ils ont plutôt élaboré des plans de travail pour en avoir. Les récoltes pour ces efforts ne sont visibles que dans la Chine de ces dernières années et la Corée du Sud des années 80, bien après la mort de ces pionniers.

La porte vers la modernisation nous est ouverte, mais sommes-nous à la hauteur ? Il est temps de se dire, de s’admettre, que les fruits de quelconque transformation ou modernisation de Madagascar ne seront pas pour notre génération, mais celle de nos enfants (et encore !), et que nous devrions nous sacrifier à la préparer. Pour celà, soyons un pays minier moderne et modèle, et pas, à l’image de certains voisins africains, archaïque, prédateur, saboteur.

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** Sahondra Rabenarivo est juriste

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