Manifeste du cinquantenaire des indépendances africaines
Au moment où les dix pays d’Afrique subsaharienne bouclent la célébration du cinquantenaire des indépendances acquises en 1960, le Bénin ouvre le débat. Du 16 au 20 novembre 2010 est prévu, à Cotonou, un symposium qui se veut « de vérité et d’espérance » pour discuter des défis et réalisations qui devront faire le futur d’une nouvelle Afrique. Jean-Marie Tchaptchet évoque la légitimité historique du Bénin à poser un tel débat et parle de ses contours.
“L’audace, unique défi pour une Afrique nouvelle”. Tel est le grand thème du symposium qui se tiendra à Cotonou du 16 au 20 novembre 2010 à l’initiative de Boni Yayi, président de la République du Bénin. Il a mis sur pied une Commission Indépendante de Réflexion sur le Cinquantenaire des Indépendances Africaines pour concevoir et organiser cette rencontre.
Piloté par le Professeur Albert Tévoédjrè, Médiateur de la République du Bénin, ce forum se veut être « de vérité et d’espérance ». Des personnalités, hommes et femmes, le président de l’Union Africaine, ainsi que des chefs d’Etat en provenance de tous les continents et en particulier d’Afrique, participeront à cette rencontre internationale. Un « Manifeste du cinquantenaire » qui sera proclamé le 20 Novembre 2010 à 13 heures en sera l’Acte final.
Que faut-il attendre de ce Symposium? Certainement des propositions qui ne manqueront pas de marquer l’évolution politique du continent, car le Bénin jouit d’une tradition de rencontres politiques historiques. Je veux en rappeler deux.
Le Parti du Regroupement africain
Les 25-27 juillet 1958 se tint à Cotonou une rencontre des principaux dirigeants politiques des colonies françaises d’Afrique noire. La question majeure qui se posait alors à ces responsables fut de définir une position commune qu’ils allaient défendre devant le Conseil Constitutionnel français chargé de réformer l’Union française comme s’appelait alors l’Empire colonial français.
Dans l’atmosphère anticolonialiste et panafricaniste de l’époque, la réunion de Cotonou se transforma en un congrès constitutif d’un Parti du Regroupement africain (PRA) dont les positions indépendantistes surprirent tout le monde. En effet, la résolution de politique générale votée à l’unanimité à cette rencontre stipula que le congrès : «… adopte le mot d’ordre d’indépendance immédiate et décide de prendre toutes les mesures nécessaires pour mobiliser les masses africaines autour de ce mot d’ordre et traduire dans les faits cette volonté d’indépendance ;
« opte pour la création d’une Communauté africaine solide et progressiste avant la libre et égalitaire coopération politique avec toute autre communauté ;
« demande à la France et à son peuple de contribuer à faciliter la réunion rapide de la Constituante Nationale d’Afrique Noire, que décident les assises africaines de Cotonou, pour organiser la nation nouvelle, fédération sur la base de l’égalité et d’abandons volontaires de souveraineté des territoires actuels, qui doivent, immédiatement et sans délais, être dotés de l’autonomie interne, destinée uniquement à la préparation rapide de cette Constituante Nationale. » (Cité dans L’émergence du néocolonialisme au Sénégal, Abdoulaye Ly, Editions Xamle, Dakar).
Il n’y a aucun doute que les résolutions adoptées à Cotonou en 1958, sous l’impact des développements politiques en cours à la même période au Ghana et en Guinée indépendants, jouèrent un rôle important dans le processus qui aboutit en 1960 à l’accession des autres colonies françaises d’Afrique à l’indépendance. L’aspiration à l’intégration politique exprimée avec force en 1958 ne fut malheureusement pas réalisée. Mais ces pays se joignirent en 1963, puis en 2001 aux autres pays indépendants d’Afrique pour créer successivement l’Organisation de l’Unité Africaine et l’Union Africaine. Et en juillet 2007, ils firent partie de l’unanimité qui a adopté la Déclaration d’Accra concernant les Etats-Unis d’Afrique.
La Conférence Nationale du Bénin
Un autre antécédent qui mérite d’être mentionné est la conférence nationale du Bénin qui siégea les 19-28 février 1990. A cette date, le peuple béninois eut l’audace et le courage de reprendre en mains son destin. Ses représentants résolurent pacifiquement leur crise en choisissant librement de nouveaux repères. Les répercussions de cette Conférence nationale du Bénin firent tache d’huile. Dans les faits comme dans les esprits, elles sonnèrent le glas des régimes autoritaires de parti unique en Afrique.
Les thèmes du Symposium de 2010
Le Symposium de Cotonou s’inscrit nécessairement dans la logique de ces antécédents du Bénin, mais aussi d’autres antécédents intervenus ailleurs en Afrique. Ses résultats dépendront du caractère bâtisseur de ses participants et de la volonté politique des acteurs de son suivi. La Commission Indépendante de Réflexion sur le Cinquantenaire des Indépendances Africaines a libellé les thèmes des quatre panels au sein desquels se dérouleront les travaux de la rencontre.
Panel 1: « Des politiques, des intérêts, des comportements, des mécanismes et des méthodes de gestion des affaires publiques ont conduit à de graves impasses, à des conflits générant des millions de victimes et à l’aggravation de la misère de multitudes d’Africains. Comment les appréhender ? Comment les maitriser ?
L’audace de l’aveu et de la rupture. »
Panel 2 : « L’absence de politiques concertées dans la maîtrise du savoir et des techniques constitue un frein redoutable au progrès et au développement. Il faut un changement radical :
L’audace de la science et de ses multiples applications. »
Panel 3 : « S’organiser pour créer des espaces porteurs de développement et pour mettre à l’oeuvre des acteurs éclairés et déterminés, cela devient urgent et cela tarde à venir.
L’audace du sursaut et de la conquête. »
Panel 4 : « La coopération n’est ni une forme déguisée d’assistance sociale ni un système organisé de mendicité et d’imposture entremêlées. Elle se doit d’être une « mutualité » d’intérêts légitimes, un effort commun d’entraide pour un « Contrat de Solidarité » qui permet la conquête ensemble de moyens efficaces pour une condition humaine plus digne et toujours plus créatrice.
Le triomphe des victoires partagées.»
Conclusion : l’espoir des jeunes d’Afrique
Aujourd’hui, les jeunes Africains en sont à se demander si ce sont les maux dont souffre leur continent qui sont incurables ou bien si ce sont les multiples thérapies appliquées jusqu’à ce jour qui ne marchent pas. Le Symposium de Cotonou nous proposera certainement des réponses à cette interrogation. Il est à espérer qu’elles porteront aussi bien sur les priorités tel que le rêve salvateur et incontournable de l’édification de la Fédération des Etats-Unis d’Afrique, que sur l’urgence de changements d’attitudes relatives aux questions d’organisation et de méthodes (la fixation des objectifs des programmes et des projets aux niveaux national et continental et leur mise en œuvre dans le respect des prévisions, la rigueur par les individus et les dirigeants dans la gestion du temps, le respect du bien public, …etc.).
Faudrait-il ouvrir par ailleurs de véritables négociations pour conclure des compromis historiques africains ?
Ha ! Quand les Jeunes Africains créaient l’Histoire.
* Jean-Martin Tchaptchet, écrivain et conseiller en coopération internationale
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