Obama 2012 : L'opération de terrain qui a fait basculer les élections américaines

L’association des technologies de l’information et des organisations de la base

La campagne pour Obama a mis en mouvement plus de 700 000 volontaires, formés pour maximiser le temps et les efforts dans le contact avec les vrais électeurs. L’association entre le ciblage du terrain et l’inspiration nationale dérivée d’Occupy Wall Street a ainsi créé une autre dynamique dans la politique des Etats-Unis. Dynamique scellée lorsque les Républicains ont intensifié leurs efforts pour empêcher le vote des Noirs et des Latinos. Le défi majeur de cette alliance est désormais d’exercer son influence en dehors des périodes électorales.

Le 6 novembre 2012 Barack Obama a été réélu président des Etats-Unis. L’organisation de sa campagne a défait le candidat républicain Mitt Romney, dans une compétition électorale lors de laquelle les citoyens des Etats-Unis votaient pour le dirigeant de leur pays. Le processus électoral pour la présidence américaine passe par une institution du 18ème siècle nommée Electoral College. Selon ce système, un candidat requiert 270 votes électoraux pour l’emporter, compte tenu que le Collège est constitué de 538 électeurs. Un candidat obtient le vote électoral d’un Etat si cet Etat vote en sa faveur à la base. Les Etats des Etats-Unis se divisent en Etats bleus pour les Républicains et en rouge pour les Démocrates. Chaque Etat se voit allouer un nombre d’électeurs égal au nombre de membre de sa délégation au Congrès : un pour chaque membre au Congrès et deux pour chaque sénateur. Ainsi la compétition pour la présidence n’est pas une véritable élection nationale parce que le candidat peut se concentrer sur les Etats prépondérants afin de gagner.

Avant le vote de mardi, le parti Démocrate était assuré de 237 votes électoraux parce que des Etats comme la Californie, New York, l’Illinois et le Massachusetts sont solidement dans le camp des Démocrates. Les Républicains étaient assurés pour environ 191 votes électoraux. Avec ce système, il est possible qu’un candidat remporte le vote populaire mais perde au niveau de l’Electoral College comme ce fût notamment le cas pour Al Gore en Floride en 2004. Cet épisode de la nature non démocratique des élections américaines a été extensivement documenté.

A l’origine, l’Electoral College a été institué afin de permettre la domination des esclavagistes des Etats du Sud qui représentaient le noyau dur au début de la République. En résumé, l’Electoral College a été établi afin de court-circuiter le processus démocratique. Au cours des deux derniers siècles, différentes forces sociales sont entrées dans l’arène politique et ont creusé le contenu des luttes pour une participation démocratique. Une guerre a été nécessaire pour que la population africaine se voie reconnaître la citoyenneté. Laquelle leur a par la suite été niée à force de ségrégation et de lynchage. Une puissante Révolution des Droits Civils a été requise pour restaurer le processus électoral. Lorsque Obama a remporté la première élection en 2008, il a reconnu être du côté des révolutionnaires comme Martin Luther King Jr et autres grands personnages de cette époque.

Les femmes, les ouvriers, les homosexuels et les immigrants ont tous contribué à creuser le contenu de la participation démocratique des Etats-Unis. Pourtant, à chaque étape franchie par les forces démocratiques et populaires, le 1% dominant cherche de nouveaux moyens pour garder le pouvoir et éroder les droits démocratiques des citoyens. Récemment, la mesure anti-démocratique a été le fait de la Cour Suprême. Le jugement connu sous le nom de Citizens United, prévoit que les grandes compagnies sont des personnes physiques (et non des personnes morales), leur donnant ainsi le droit de donner des sommes illimitées pour les campagnes électorales

De même les dès sont pipés dans l’actuel processus électoral, la participation nécessitant des sommes exorbitantes. Il a été estimé que plus de US$ 6 milliards ont été dépensés dans ces élections. Le fait que l’équipe d’Obama a gagné les élections est une preuve de sa capacité d’organisation et de l’apparition massive d’une nouvelle coalition politique aux Etats-Unis, ^l’alliance des Noirs, des Latinos, des Asiatiques, des femmes, des ouvriers, des homosexuels et des lesbiennes et des jeunes. C’est l’opinion de l’auteur que l’inspiration de cette alliance provient de l’énergie nouvelle émergeant de Occupy Wall Street de ces deux dernières années. Cette mobilisation a été soutenue par l’association d’outils technologiques et la mobilisation massive de la base qui s’est déclenchée afin de contrer les avantages financiers du Parti Républicain.

Notre propos cette semaine est d’analyser l’opération terrain qui a amené à la victoire d’Obama et d’essayer de dégager les enseignements pour les forces progressistes, alors que le fossé entre le 1% de possédants et les 99% se creuse en ce moment de l’histoire. Le Parti républicain a mené une campagne sans précédent pour empêcher le vote des Noirs, des Latinos, des pauvres et des jeunes. Tous les obstacles possibles ont été mis en travers du chemin d’une participation démocratique. Mais les travailleurs, les femmes, les Noirs et les jeunes ont réagi et ont mis en place un nouveau niveau de coordination qui s’est associé avec l’organisation d’Obama. C’est cette coalition qui met en lumière de nouvelles possibilités aux Etats-Unis, au-delà des politiques électorales.

L’avalanche des riches conservateurs et des forces racistes, qui ont inondé et pollué les ondes, s’est heurtée à des âmes nouvelles dans les bureaux de vote, découragées ni par l’ouragan ni pas le temps d’attente pour exercer leur droit de vote.

LE CONTEXTE DES ELECTIONS DE 2012 AUX ETATS-UNIS

Lorsque Barack Obama est apparu comme gagnant lors des élections de 2008 aux Etats-Unis, les politologues et les organisateurs de la campagne ont reconnu que la machine qu’il avait mise en place est la plus raffinée de l’histoire des élections américaines. Opinion partagée par Wired Magazine. Mais il avait été prédit que nombre d’outils révélés en 2008 seraient obsolètes en 2012. Il y a quatre ans, l’organisation d’Obama a perfectionné l’usage du texto tout en envoyant des messages par courrier électronique à 13 millions d’électeurs, recourrant à de nouvelles formes de levée de fond. L’utilisation des médias sociaux (Facebook, mySpace, Twitter) et d’Internet sur des plateformes comme MyBo ont fait de cette campagne une campagne à part. Elle a été menée suite à l’effondrement fatidique du système financier américain en septembre 2008 et la récession économique qui a conduit le gouvernement fédéral à intervenir dans l’économie afin de sauver des grands opérateurs dans le monde des banques, des assurances, de la construction automobile et d’autres secteurs de l’économie. Les milliards dépensés pour sauver la mise des 1% ont plombé le discours du "marché libre". Les capitalistes dominants ont été sur la défensive et Obama a organisé une campagne électorale qui a introduit une nouvelle alliance dans le système politique.

David Plouffe, l’un des principaux architectes de la campagne, a décrit la stratégie menée en 2008 dans son livre The audacity to win (L’audace de gagner). J’avais attiré l’attention sur la politique de terrain dans mon livre Barack Obama and twenty first century politics : a revolutionnary moment in the USA. Je soulignais l’attention à porter à la magie des technologies de l’information et aux opérations de terrain qui avaient été apprises lors du mouvement pour la liberté civile. Les opérations de terrain dans cette campagne électorale (comme David Plouffe et moi-même l’avons souligné) faisaient référence à la mobilisation de la base et des forces communautaires sur le terrain, qui, dans leurs communautés, enregistraient les électeurs, les envoiyaient aux bureaux de vote et activaient les citoyens en relation avec les message de la campagne d’Obama.

Lors de la campagne de 2008, une campagne massive d’enregistrements de nouveau électeurs par les organisateurs de la campagne d’Obama a amené des millions de nouveaux volontaires et des dizaines de millions de nouveaux électeurs. Dès la période de la longue saison des primaires, la campagne s’est embarquée dans la plus grande entreprise d’enregistrement d’électeurs de toute l’histoire des élections présidentielles américaines. Dès 2010, le parti Républicain a aussi élaboré ces outils technologiques et avec les finances considérables du Super PACS (Political Action Committee) a lâché les éléments du Tea Party dans le système américain afin de miner les objectifs de la démocratie en expansion aux Etats-Unis. Avec le concours des médias dominants, les forces du Tea Party se sont annoncées comme des forces contre-révolutionnaires dans le corps politique et ont augmenté leur influence dans les rangs de la délégation au Congrès du Parti r

C’est l’apparence et la vigueur du Tea Party qui a poussé des forces progressistes - en particulier les Noirs et les gens de couleurs - à s’engager dans le processus électoral. Angela Davis a résumé l’esprit du défi en avril de cette année, lors de la conférence de Manning Marable à New York : " Si les Noirs et les progressistes se sont mobilisés pour Obama en 2008, alors en 2012 nous devons nous mobiliser nous-mêmes " Elle faisait référence à la nécessité de mobiliser les progressistes contre les techniques de suppression d’électeurs qui ont été révélées dans tous les Etats-Unis. Des nouvelles lois pour l’identification des électeurs, des accusations de fraudes électorales et nombreux obstacles ont effectivement signifié un retour en arrière, avant la période du Voting Rights Act (la loi sur le droit de vote) de 1965.

Même avec les limites liées au système de l’Electoral College, les élections aux Etats-Unis sont décisives puisqu’il s’agit de choisir les gouverneurs, les sénateurs, les représentants au Congrès, les juges, les fonctionnaires du pays et d’autres officiels élus. Il y a eu en même temps des initiatives soumises au vote, allant de la légalisation de la marijuana considérée comme drogue douce au droit au mariage des homosexuels, en passant par des mesures pour augmenter ou diminuer la taxation, des mesures concernant les aliments OGM et toute une liste de questions litigieuses. En 2012, il y a eu près de 175 sujets de votation. Ces initiatives ont augmenté la participation locale des communautés dans la mesure où ces questions additionnelles les concernent directement. Parmi ces initiatives il y en a eu deux concernant la légalisation de la marijuana, alors que deux Etats ont voté en faveur du mariage homosexuel.

ASSOCIATION ENTRE L’ACTIVISME DE LA BASE ET LES TECHNOLOGIES MOBILES : OPERATION TERRAIN 2012

La saison électorale au Etats-Unis se prolonge en raison du processus appelé les primaires. Barack Obama étant le candidat démocrate en fonction, il n’y a pas eu de primaire. Mitt Romney a émergé comme candidat du parti Républicain après une fausse fête qui a poussé le parti dans une position encore plus conservatrice. C’est durant cette campagne pour les primaires que Romney a demandé aux immigrants de "s’auto-déporter". Ce mouvement vers la droite a été soutenu par les financiers majeurs du Parti républicain. Des personnes comme les frères Koch, Sheldon Adleson et de nombreux autres barons des compagnies financières prépondérantes ont décidé qu’on ne pouvait pas faire confiance au Parti démocrate pour occuper la Maison Blanche au milieu d’une crise capitaliste. Les capitalistes américains avaient demandé des mesures drastiques d’austérité pour aggraver le fardeau des travailleurs.

Karl Rove (qu’on dit avoir été le cerveau du régime Bush) a fondé une organisation appelée Crossroads GPS. Ensemble, avec les frères Koch et leur organisation Americans for Prosperity,, l’American for tax Reforms de Grover Norquist, le American Future Fund et la Chambre de commerce américaine, ils ont dépensé près de 300 millions de dollars depuis le début 2011, visant le président Obama dans une compétition des plus féroces pour le Congrès et le Sénat. Suite au jugement de la Cour Suprême, ces organisations n’ont pas eu à déclarer l’origine de leur argent à la commission électorale fédérale. Tournant en dérision la notion de non lucratif, des groupes comme Crossraods GPS se sont organisés comme des organisations de bienfaisance à but non lucratif, sous la section 501(c) (4) du code de taxation et dans le cas de la Chambre de Commerce comme association commerciale 501 (c). Parce que ces groupes sont exonérés d’impôts, ils sont aussi dispensés de fournir les noms de leurs donateurs, ce que les comités politiques doivent faire. C’est la nature douteuse de cette puissance de l’argent sur les élections qui a conduit à la formule consistant à parler d’"argent de l’ombre" dans les élections de 2012. La présence de cet "argent de l’ombre", qui a fait de la campagne de 2012 la plus coûteuse de l’histoire des Etats-Unis, avec 3 milliards de dollars déversés dans la compétition pour la présidence. A savoir un milliard pour chaque candidat et encore un milliard pour les comités pour l’action politique financés par les super riches, largement en faveur de Romney. Trois autres milliards ont été dépensés dans la compétition pour les 33 sièges au Sénat et les 435 sièges au Congrès, ainsi que de nombreux postes gouvernementaux, locaux ou au niveau des Etats.

Les finances en faveur de Romney et des Républicains, assurés par les super PACS, ont poussé les organisations médiatiques à promouvoir l’idée que la compétition était très serrée afin que les dollars de la publicité continuent d’affluer. Ce sont ces dépenses publicitaires, en particulier au niveau à la télévision, qui ont été désignées sous le nom de "guerre des ondes" au cours de cette campagne. Quant aux efforts pour mobiliser ceux qui menaient campagne sur le terrain pour obtenir des voix, ils étaient connus sous le nom de "guerre du terrain". C’est sur le terrain que des coalitions motivées de Noirs, de jeunes, de femmes, de Latinos et de travailleurs ont fait pencher la balance et permis la victoire de l’équipe d’Obama.

BRIQUES PAR BRIQUES : CONSTRUIRE UN JEU DE TERRAIN A PARTIR DE 270 AIDE-MEMOIRES DE LA CAMPAGNE D’OBAMA

L’équipe d’Obama avait une telle confiance en ses compétences que le samedi 3 novembre elle a exposé au monde les grandes lignes de son opération terrain pour obtenir les votes, afin d’instiller la confiance chez ses volontaires dans tout le pays. Face aux médias qui insinuaient que Romney gagnait du terrain, l’équipe d’Obama a divulgué des chiffres du nombre de volontaires qu’elle avait déployés dans les Etats-bascule (swing States). Comme nous l’avons noté dans l’introduction, l’essentiel de la campagne de 2012 a été confiné dans ces Etats où il les votes étaient le plus âprement disputés. On comptait entre 10 et 11 Etats de ce genre - Ohio, Iowa, New Hampshire, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie, Floride, Colorado, Wisconsin, Michigan et Virginie. Les deux partis avaient souligné l’importance de l’Ohio qu’il fallait absolument conquérir. Ainsi des millions de dollars ont été déversés dans cet Etat, en même temps que des centaines de milliers de volontaires de la base.

L’Ohio était important pour une autre raison : il mettrait à l’épreuve une nouvelle alliance en politique américaine. Après 2011, lorsque le gouverneur Républicain a lancé une initiative soumise au vote afin de diminuer le marchandage collectif, l’Ohio est devenu un nouveau terrain d’expérimentation pour l’alliance entre les travailleurs syndiqués et les Noirs opprimés aux Etats-Unis. L’aide-mémoire du 3 novembre de l’équipe d’Obama, qui devait encourager les volontaires, soulignait :

"… Alors que les dirigeants de nos volontaires de proximité ouvraient 5417 stations pour convaincre la population dans les Etats-bascule décisifs, ils commençaient à mettre en œuvre l’étape finale d’un jeu de terrain sans précédent dans la politique américaine. Ces stations sont des versions plus locales de nos bureaux de terrain, parce qu’elles sont établis dans les maisons, les bureaux de supporters ou dans n’importe quel endroit qui puisse servir de point central pour les équipes de volontaires au cours des derniers jours.

« A partir de ces super centres, les volontaires se sont engagés pour 698 799 shifts afin d’aller chercher les votes au cours des derniers jours de la campagne ; un nombre qui a augmenté à chaque instant pendant que les organisateurs continuent à donner des rôles à toute personne ayant manifesté un intérêt. Ces volontaires incarnent l’essence de la campagne depuis que nous avons commencé à nous organiser en faveur du changement en 2007. Les dirigeants des équipes de proximité qui s’efforcent de convaincre les électeurs, ont travaillé dans ces voisinages depuis des mois, parfois des années.

Depuis le lancement de la campagne pour la réélection, en avril 2011, ces équipes étaient concentrées comme des rayons laser sur trois points :

1) étendre l’électorat en enregistrant de nouveaux électeurs,
2) persuader les indécis et,
3) faire sortir nos supporters. Sur tous ces points, ces volontaires ont dépassé nos attentes les plus optimistes."

Les informations livrées à la presse ont porté sur le fait que l’équipe d’Obama a enregistré 1 million 792 261 électeurs dans les Etats-bascule, à savoir presque le double du nombre d’électeurs de la campagne de 2008. "Au début du weekend, nos volontaires ont effectué 125 646 479 appels téléphoniques personnels ou ont frappé à la porte de quelqu’un et engagé la conversation avec les électeurs. Sans compter les appels automatiques, les courriers électroniques, la distribution de brochures ou d’autres contacts non volontaires ou personnels".

Ces chiffres montrent que jusqu’au jour des élections, l’équipe de la campagne Obama a pris contact avec approximativement une personne sur 2,5 dans tout le pays depuis les élections de 2008. C’est cette quête massive des votes dans les Etats clés, organisée depuis les 5100 stations à partir desquels opéraient 700 000 volontaires, qui a garanti la victoire. De tous les Etats-bascule cités plus haut, un seul a empêché le Parti démocrate de faire prévaloir sa suprématie. C’était l’Etat de la Caroline du Nord. Tôt dans la campagne, les calculs ont montré que pour parvenir à la victoire, Barack Obama ne devait pas dépenser trop d’énergie et donc éviter dans cet Etat. Pendant que les Républicains déversaient des millions de dollars en Floride, en Virginie et dans l’Ohio, l’équipe d’Obama s’est diversifiée et a mis en place des pare-feux au sein de la classe ouvrière de l’ancienne ceinture industrielle en faillite, afin de mettre en évidence l’aspect social.. C’est ce calcul qui a permis la victoire d’Obama en Pennsylvanie, dans l’Ohio, dans l’Illinois, le Wisconsin, le Minnesota et l’Iowa

ASSOCIATION ENTRE LES TECHNOLOGIES MOBILES ET L’ORGANISATION DE LA BASE

Lorsque Jim Messina a dévoilé la stratégie pour la victoire, lors de la Convention démocrate à Charlotte, en Caroline du Nord en septembre, l’opinion générale des principaux organisateurs du parti a été que le Parti démocrate ne pouvait pas rivaliser avec les ressources des Koch Brothers et Crossroads GPS. Avec, en outre, les ressources additionnelles des compagnies gazières et pétrolières, qui avaient décidé que l’administration Obama devait être éjectée, le climat politique aux Etats-Unis était tellement tordu à la droite du centre, qu’au cours des débats aucun des deux partis n’a discuté de la question du réchauffement climatique et de la nécessité de réparer l’environnement. Mais l’Ouragan Sandy est venu se mêler de la campagne et a rappelé à la société que le réchauffement global ne pouvait être ignoré.

Plus tôt dans la campagne, l’équipe Obama a sorti le Dashboard, un programme technologique spécifiquement développé pour la campagne de 2008 et qui devait être la réplique d’un bureau de campagne permettant aux volontaires des transactions bancaires téléphoniques, l’organisation de manifestations, de parler aux dirigeants de la campagne depuis leur ordinateur portable ou leur Smartphone

C’est dans l’Ohio qu’a eu lieu cette association entre les volontaires et les nouvelles technologies mises à la disposition de 32 bureaux, avec le Dashboard fusionné à un modèle appelé "snowflakes" (flocon de neige). Plus simplement, il s’agissait d’une façon de brouiller la ligne entre les organisateurs payés et les volontaires. Chaque organisateur payé créait et collaborait avec un réseau de volontaires et était supposé recruter 5 responsables de volontaires de proximité. Ces cinq volontaires recrutaient à leur tour cinq autres volontaires. C’est ce processus qui a été désigné sous le nom de "flocons de neige". L’unité de l’organisation de ce modèle était l’équipe de proximité ou de voisinage.

DE L’ORGANISATION DE LA PERIODE DES DROITS CIVILS A LA CAMPAGNE DE 2012

Marshal Ganz a introduit le concept de Camp Obama pour la campagne de 2008. Certains lecteurs se souviendront qu’il a acquis ses compétences d’organisateurs lorsqu’il travaillait avec le SNCC dans le Sud au cours des années 1960’. Il a ainsi étudié l’organisation de cette structure dans la région du Mississipi à l’époque de la ségrégation et du lynchage. Après les élections de 2008, David Plouffe, Jim Messina et Stephanie Cutter ont mené une campagne plus proche de la pensée de Steve Jobs (Apple), de Schmidt, (Google) et Steven Spielberg. Marshal Ganz déplorait alors les aspects "du haut vers le bas" et l’influence des grandes compagnies qui sortent les campagnes électorales de l’arène politique. Pour lui, l’équipe de campagne aurait dû rester mobilisée lors de la crise des banques de 2009. Un article instructif à ce propos a été publié dans le Bloomsberg News, qui explique comment Jim Messina a approché Steven Spielberg à Hollywood (Messina Consults Jobs to Spielberg in crafting Obama’s campaign).

D’un point de vue de l’analyse classique, on pourrait dire que la compétition de 2012 a été une bataille entre le capital de la technologie de l’information et du divertissement d’une part et, d’autre part, des forces de l’argent de Wall Street. Depuis la sécurité d’un centre de média britannique, un auteur a aussi écrit que les élections de 2012 consacraient "le triomphe du conservatisme". La distinction n’était pas si claire. Mais la campagne d’Obama, afin de séduire l’électorat des classes des travailleurs, a mis en évidence que Mitt Romney appartenait à la classe des bandits des grandes compagnies. Elle a utilisé avec succès le rôle de Romney dans le capital "Bain", afin de le décrire à son électorat.

LES EQUIPES DE VOISINAGE

Dans l’aide-mémoire publié le 3 novembre, l’équipe d’Obama notait : "Les dirigeants des équipes de voisinage ont ouvert leur bureau ce matin. Elles ont commencé à alimenter notre système improvisé d’informations, entamant ainsi leur travail. A la différence de campagnes précédentes, nos volontaires ne doivent pas se rendre dans des bureaux à grande distance de leur domicile pour recevoir un coup de fil et des instructions. Ceux qui sont impliqués vont aller frapper aux portes des électeurs qu’ils ont enregistré, à qui ils ont parlé depuis des mois et qu’ils connaissent personnellement. Ils vont les diriger vers des bureaux de votes dans leur communauté - les écoles où vont leurs enfants, leur église où ils se rendent tous les dimanches, les centres communautaires qu’ils connaissent bien".

L’association du ciblage de terrain et du volontariat décentralisé en ligne a été visible en Ohio, en Floride, en Virginie et au Colorado. La campagne Obama a mis en mouvement plus de 700 000 volontaires. La formation de ces volontaires était focalisée sur les compétences nécessaires pour maximiser le temps et les efforts dans le contact avec les vrais électeurs. Ils pouvaient se connecter au Dashboard et faire usage d’un programme d’appel téléphonique qui ciblait les gens selon leur vote précédent. Dans des Etats comme l’Ohio, où la compétition a été féroce, les équipes de voisinage se sont focalisées sur la mobilisation des forces ouvrières actives dans leur opposition à la restriction des syndicats. La bataille autour de cette restriction a été l’antidote majeur contre la politique du Tea Party aux Etats-Unis. Dès le début de la période de l’enregistrement, les dirigeants des équipes ont travaillé d’arrache-pied pour conquérir des électeurs et assurer le barrage des votes anticipés. C’est dans ce processus électoral qu’il y a eu un test de résilience et de ténacité des Noirs et des pauvres contre les conservateurs qui voulaient empêcher leur vote.

L’association entre le ciblage du terrain et l’inspiration nationale dérivée d’Occupy Wall Street a créé une autre dynamique dans la politique des Etats-Unis. Cette dynamique a été scellée lorsque les Républicains ont intensifié leurs efforts pour empêcher le vote des Noirs et des Latinos.

MOTIVATION DES NOIRS ET DES PEUPLES DE COULEUR AUX ETATS-UNIS

Tout au long de la campagne, les médias dominants ont annoncé avec fracas que les Noirs étaient déçus de la présidence Obama et ne s’enthousiasmaient guère pour les élections. Ces propos ont rapidement été balayés au cours de la période d’enregistrement et plus encore après le vote anticipé, lorsque la mobilisation indépendante des Noirs s’est manifestée une fois de plus dans le système politique américain. Les églises des Noirs sont devenues une fois de plus des centres de mobilisation politique. Il fallait entendre les stations de radio des communautés noires pour comprendre combien les outils médiatiques étaient mis en œuvre pour renforcer la résolution des électeurs dans certains districts.

Lorsque les électeurs attendaient entre 6 et 8 heures pour voter, des volontaires apportaient des chaises et de l’eau pour les vieilles personnes. Le jour de l’élection, 93% des électeurs noirs avaient voté pour Obama. La classe des travailleurs noirs avait estimé correctement que la tentative des Républicains de les empêcher de voter n’était qu’une première manifestation d’une nouvelle forme de répression, si ces derniers devaient parvenir à la Maison Blanche. Quelque 70% des Latino ont voté en faveur d’Obama. La combinaison des voix des jeunes, des homosexuels et des lesbiennes, des travailleurs et des femmes, au cours des élections de 2012, a forgé une alliance croissante aux Etats-Unis.

Le défi majeur de cette alliance est d’exercer son influence en dehors des périodes électorales. Les progressistes devront s’engager afin que les grandes compagnies impliquées dans la campagne ne violent pas la sphère privée de millions de citoyens dont les données ont été stockées pour les besoins de l’élection. L’exploitation des données par les grandes compagnies représente une grande menace pour les consommateurs. Savoir si l’administration Obama sera tenue pour responsable, en raison de son discours sur la défense de la classe moyenne, ne dépendra pas des politiciens mais d’un nouvelle conscience citoyenne.

Ceci est le nouveau test de la politique d’Obama dès le 7 novembre, au lendemain de sa victoire. Une indication des nouvelles luttes à venir a été, le 7 novembre, la chute de plus de 300 points du Dow Jones Industrial Index à la bourse américaine. Au cours de la campagne, Wall Street avait menacé d’une grève du capital. Cette menace doit maintenant être comprise par l’alliance qui a voté pour Obama. Elle devra aussi comprendre que la campagne Obama n’a pas le monopole de l’organisation ou de la technologie.

Ces élections ont des conséquences. Le mouvement pour la paix peut beaucoup en apprendre pour élaborer une conscience politique et bâtir les réseaux qui ont été mis en mouvement afin d’amener la défaite des Super PACS. Un mouvement clair et déterminé pour la paix et la justice peut se bâtir sur la nouvelle coalition afin de donner une nouvelle direction à la politique aux Etats-Unis. Il n’y a pas de calendrier pour une révolution. En attendant, à chaque fois qu’une équipe du National Endowment for Democracy (NED) des Etats-Unis se rend dans un autre Etat pour superviser des élections, les citoyens devraient lui demander ce qu’il a l’intention de faire quant aux suppressions d’électeurs aux Etats-Unis.

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** Horace Campbell est professeur d’études afro-américaines à l’université de Syracuse. Il est l’auteur d’un livre à paraître "Global NATO and the catastrophic failure in Libya", publié par le Monthly Review Press. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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