Pénurie d’eau au Sénégal : La souveraineté et l’indépendance en question

Plus d’un million de Dakarois sont restés sans eau courante potable pendant quinze jours, suite à un incident sur le réseau de distribution. Pour un secteur contrôlé à 65% par des intérêts privés français, cette crise de l’eau qui a secoué l’Etat sénégalais montre combien les abandons de souveraineté sur certains secteurs stratégiques sont graves.

Tant que notre souveraineté, notre indépendance, ne seront pas recouvrées aucun gouvernement sénégalais ne pourra solutionner les problèmes du pays. Autrement dit, tant que nous continuerons à voguer sous les voiles du bateau d’un gouvernement néocolonial de la ‘’francophonie politique’’, voire la Françafrique, notre pays continuera à végéter.

Les problèmes vécus, depuis bientôt trois semaines, par les Dakarois, consécutifs à une rupture d’un tuyau d’alimentation en eau (long de près de 300 km), l’illustrent parfaitement. Cela à la lumière des révélations au sujet des manquements, portées à la connaissance des Sénégalais par la presse. Pour amadouer l’opinion, la Première ministre, sur le site où se déroulent les travaux de réparation, s’est épanchée, à travers des déclarations politiciennes intempestives en proférant des menaces de sanction du genre : «L’Etat compte situer toutes les responsabilités et où qu’elles se trouvent. S’il s’agit de sanction ou de rupture de contrat, ce sera fait. On fera l’audit nécessaire pour que cette situation ne se reproduise plus».
‘’Audit ‘’, ‘’Partenaire stratégique’’, ces termes sont tellement rabâchés, galvaudés et vidés de leurs sens que les Sénégalais ne veulent plus en entendre parler. Mais cette ‘’tempête dans un verre d’eau’’ (ou show médiatique), a été très vite atténuée et recadrée par le président de la République, dès son retour des Etats unis, au cours de la réunion du Conseil des ministres du jeudi 26 septembre. Là où, parmi la délégation de députés, d’aucuns ont recommandé la ‘’prudence’’.

Il faut dire que tout ce discours ne tend qu’à occulter la responsabilité du concessionnaire fautif qui doit normalement payer des pénalités et non les contribuables. Car faire supporter par le budget de l’Etat les factures des consommateurs à la place du concessionnaire (Ndlr : une multinationale à capitaux français), c’est rajouter à la complaisance.

Cela dit, avant de sanctionner quelqu’un, il faut avoir une certaine plénitude des moyens pour le faire. Rappelons que le secteur de l’eau a fait l’objet d’une concession de service publique au profit du privé français qui contrôle à 65 % de la société mise en place. L’Etat n’a que 5% des 35 parts qui restent. Nos gouvernants, anciens et actuels, n’ont pas cette vision patriotique qui voudrait que des secteurs de souveraineté tels que l’eau, l’électricité, le téléphone, etc., soient contrôlés par l’Etat. Ou tout au moins par le secteur privé national patriotique. Donc tous ces messieurs ont trahi les idéaux des visionnaires et patriotes tels que le président Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop, Tidiane Baidy Ly et autres. Voila la réalité ! Ne cherchons pas à biaiser volontairement le débat, comme le font certains !

Dès lors que la souveraineté de l‘Etat ne s’exerce pas comme il se doit sur les secteurs vitaux de notre pays, tout peut nous arriver. C’est tellement vrai que depuis l’éclatement de ce énième scandale, il n’a été question que de ‘’l’expertise étrangère’’ et de ‘’partenaires stratégiques étrangers’’, avec comme faire valoir la Chine. On a comme l’impression que le Sénégal ne compte pas ou n’a pas formé d’ingénieurs hydrauliciens depuis notre indépendance, en 1960.

Devant le drame, il est question de l’usine de dessalement de l’eau de mer, pour ouvrir une autre fenêtre sur la corruption. Que faire des eaux de surface à recycler vers la nappe phréatique ? Où est ce fleuve sous terrain nommé «la mastrichienne » dont on tant a parlé vers les années 1970/80 ? Qu’en pensent nos ingénieurs de tout cela ? Que pensent les privés nationaux du dossier de l’eau ? En tout cas tout indique que le débat est totalement monopolisé par des politiciens maladroits, hantés par la sanction populaires. Ce qui fait que les hommes de l’art sont aphones.

La conséquence de tout ceci, est que l’ensemble de ce qui touche aux stipulations du contrat d’affermage, les cahiers de charges des travaux, les clauses de prescriptions techniques, allant de la réception, du contrôle et des pénalités de retard et autres, sont régentés en grande partie, par le ‘’Partenaire stratégique’’ français. Donc qui peut croire à un ‘’audit’’ qui peut déboucher à des sanctions sérieuses ?

Nous considérons que les techniciens et tous les patriotes, tenus à l’écart par les comploteurs de tout acabit, ne doivent pas baisser les bras et se laisser avoir. Remettons le métier à l’ouvrage et continuons de lutter pour recouvrer notre souveraineté sur les ressources et le patrimoine de notre pays.

Nous saluons le courage de certains journalistes, communicateurs et rares hommes politiques qui ont osé, sans fioriture montrer, du doigt là où ça fait mal. Contrairement à ces politiciens attardés et autres ‘’consultants autoproclamés’’ qui veulent se faire voire.

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** Ababacar Fall-Barros, ancien secrétaire général de la Commission nationale des contrats de l’administration

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