Quelle dynamique de la paix en RDC pour le Conseil de sécurité ?
En tournée comme d'habitude dans quelques pays africains, les membres d'une délégation du Conseil de sécurité ont fait une escale de 48 heures en RDC. D'abord à Goma lundi (Ndlr : 18 mai), ensuite mardi à Kinshasa. Selon leur programme communiqué à la presse mercredi passé par le porte-parole de la Monuc, Madnodje Mounoubai, les ambassadeurs de l'Onu devaient :
1/ prendre la température de la situation en RDC ;
2/ évaluer le processus de paix dans la région des Grands Lacs ;
3/ explorer les voies et moyens pour renforcer la dynamique de la paix ;
4/ s'informer des opérations militaires menées à l'Est ;
5/ renforcer l'Etat de droit.
Ils étaient conduits par le représentant de France, Maurice Rippert.
Un programme séduisant selon toute vraisemblance, mais le contenu contraste étrangement avec les réalités que vit la RDC depuis que ce pays est doté de nouvelles institutions issues du processus électoral financé et supervisé du début à la fin par la Communauté internationale, en l'occurrence le Conseil de sécurité et l'Union européenne. Les animateurs de ces institutions eux-mêmes n'en disconviennent pas, puisqu'ils sont parfaitement conscients des problèmes politiques, économiques, sociaux, sécuritaires, diplomatiques, judiciaires, très complexes auxquels ils sont confrontés.
Tous ces problèmes menacent sérieusement l'indépendance du pays, sa souveraineté, son intégrité territoriale, ainsi que la sécurité des personnes et de leurs biens. Les diplomates de l'Onu aussi les connaissent et en sont conscients. Les rapports de la Monuc dont le Secrétaire général de l'Onu fait régulièrement la synthèse au Conseil de sécurité, et ceux parallèles des organisations internationales de défense des droits de l'homme, sont accablants et horribles concernant la situation générale en RDC.
L'indépendance du pays, la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale pâtissent des caprices de certains pays voisins avides d'étendre leur espace vital ; des aventures guerrières des groupes rebelles étrangers ; de l'envahissement des parties du territoire par des pasteurs étrangers avec leurs troupeaux en quête de pâturages. Les libertés et droits civiques sont en régression selon des rapports des Ong tant internationales que nationales. La séparation des pouvoirs dans le fonctionnement des institutions tarde à se révéler palpable.
La reconstruction et le développement sont toujours sur le papier. La récession mondiale due à la crise financière qui frappe de plein fouet les pays nantis du système capitaliste a bon dos et sert d'alibi pour déguiser les déficiences chroniques en matière de gestion des ressources nationales. Les dirigeants ne sont guère pressés de se comporter en bons pères de famille, en considération de leurs charges publiques qu'ils sont censés assumer dans l'intérêt du commun des citoyens. Sur les 178 pays les plus pauvres de la planète, la RDC est classée la lanterne rouge. Le transport, l'eau et le courant sont devenus des problèmes sociaux insolubles quotidiennement à Kinshasa. Que dire de l'intérieur devenu pareil à un ensemble d'agglomérations rurales anachroniques, ou de villages d'une époque paléontologique ? Un pays qui n'existerait plus que de nom. Sans vie normale, condamné à basculer dans un gouffre insondable.
On est fondé, finalement, à se demander quel modèle de démocratie et quel chef-d'oeuvre d'Etat de droit ont-ils été instaurés après plus de 40 ans considérés comme de ténèbres de la dictature obscurantiste et abrutissante du peuple, par la communauté internationale représentée par le Conseil de sécurité et l'Union européenne ? Ce n'est pas par hasard que les diplomates de l'Onu ont atterri d'abord à Goma plutôt qu'à Kinshasa, la capitale et le siège des institutions.
Le Nord-Kivu est l'échantillon illustratif du contraste frappant et dramatique de l'absence de paix et de sécurité en RDC. Ils en ont sans doute pris la température.
Echec d'un processus
L'évaluation qui s'imposait et à laquelle ils devraient procéder était celle des conséquences fâcheuses ou heureuses du processus électoral, par rapport aux années antérieures à ce processus. Jamais ce pays n'a été aussi affaibli, tourné en dérision et proche du néant qu'aujourd'hui. On s'interroge sur la dynamique de la paix que la délégation du Conseil de sécurité était tenue renforcer. On s'interroge sur la nature réelle de l'Etat de droit qu'elle était venue renforcer.
Cette situation pénible et indescriptible que connaît le pays, n'est pas le contraire du sort que lui réservait un agenda caché des commanditaires du processus politique et électoral, dont les travaux d'approche amorcés avec le dialogue intercongolais en Afrique du Sud, étaient entrés dans leur première phase de mise en train dans la transition avec la formule 1+4. Le Comité international d'accompagnement de la transition (C.I.A.T.), composé en majorité d'ambassadeurs occidentaux et présidé par W. Swing patron de la Monuc, qui représentait la Communauté internationale, en l'occurrence le Conseil de sécurité et de l'Union européenne, avait mission de garantir le respect de l'Accord global et inclusif, ainsi que la concrétisation des 5 objectifs essentiels assignés à la transition pour déblayer le terrain.
Ces objectifs fondamentaux assignés à la transition étaient notamment :
1/ la pacification du pays et le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national ;
2/ la réconciliation nationale ;
3/ la formation d'une armée nationale restructurée et intégrée ;
4/ l'organisation des élections libres et transparentes à tous les niveaux, permettant la mise en place d'un régime constitutionnellement démocratique, etc.
Le Conseil de sécurité et l'Union européenne avaient préféré et encouragé, par le truchement des diplomates du Comité international d'accompagnement de la transition (C.I.A.T.), l'organisation des élections vaille que vaille sans que les objectifs essentiels aient été réalisés alors qu'ils en avaient le pouvoir et les moyens. Des objectifs dont la matérialisation devait jeter les fondements d'une démocratie et d'un Etat de droit dont le pays était en panne depuis plusieurs décennies.
Tous les problèmes qui surgissent et se compliquent, de nature à compromettre la cohésion nationale et l'intégrité territoriale, sont dus à la mauvaise volonté qu'on avait affichée pour s'acquitter des objectifs primordiaux qui étaient assignés à la transition. Les élections sont finalement apparues comme le remède pire que le mal. On était étonné que les membres du Conseil de sécurité aient fait une escale en RDC de 48 heures, soi-disant pour explorer les voies et moyens susceptibles de renforcer la dynamique de la paix et l'Etat de droit.
Comment pouvaient-ils trouver, selon le contenu de leur programme, que la paix et l'Etat de droit qui devaient être pourtant des résultats concrets et manifestes du modèle et du chef-d'oeuvre du processus politique et électoral qu'ils avaient assumé, seraient encore chancelants et mériteraient d'être consolidés, alors que le système est à mi-chemin de son mandat ? Ils étaient de passage en RDC pour prendre la température du gâchis découlant d'un travail bâclé sous leurs auspices. Et ils sont répartis comme ils étaient venus.
Quels voies et moyens peut-on encore imaginer pour réaliser ce qu'on avait sciemment négligé de faire pendant la transition, si ce n'est le retour à la case départ ? Mais ils n'ont pas le courage de faire amende honorable et réparer le mal qu'ils ont fait.
* Jean N'Saka wa N'Saka est un journaliste indépendant - cette analyse est publiée dans le quotidien Le Phare.
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