Sénégal : Questionnement sur la parité intégrale homme-femme
Les commentaires que suscite la parité intégrale homme-femme, dans les fonctions électives, votée par l’Assemblée nationale au Sénégal, le 14 mai, doivent être remis dans leur contexte, en interpellant les valeurs, les idéologies que les Sénégalais et les Sénégalaises se font du statut de l’un et de l’autre sexe. Ce processus, écrit Ibrahima Bob, nécessite sensibilisation sur le fait que parité intégrale ne signifie pas accaparement du pouvoir par les femmes mais partage de celui-ci dans le respect des valeurs et des références culturelles de la société sénégalaise.
Pour parler de la parité intégrale au Sénégal, il faut d’abord aborder le statut secondaire de la femme sénégalaise qui trouve ses racines dans les constituants de la culture dominante qui est sous-tendue par une idéologie patriarcale. Dans les sociétés traditionnelles sénégalaises (wolof, Diola, toucouleur…..), la plus vieille femme tient un statut de respectabilité par rapport aux jeunes épouses et elle est la déléguée du mari auprès de ses coépouses. Ensuite, une autre catégorie de femmes, en particulier les femmes nobles (les linguères) (femme, sœur ou mère du souverain), ont joué un rôle politique figuratif sans pour autant avoir la possibilité de prendre des décisions engageant les destinées de leur communauté hormis, quelques-unes comme Djeumbeut Mbodji (1) et Aline sitoe Diatta (2) . Enfin l’avènement d’une société capitaliste, avec l’introduction des cultures commerciales comme l’arachide, n’a fait que renforcer la marginalisation dont les femmes sont victimes.
Aujourd’hui quand nous parlons de parité intégrale, il est certes important d’encourager le vote de la loi à l’Assemblée nationale mais pas à des fins politiques ou électoralistes. Il me semble aussi important que tous les segments de la société sénégalaise soient associées (imams, prêtres, mouvements des femmes, des jeunes, organisations non gouvernementales, syndicats, société civile….) autour de la loi sur la parité intégrale.
Les relations sociales de sexe au Sénégal sont construites et fonctionnent comme étant neutres. En réalité, il existe une relation récursive entre les relations sociales et économiques et les terrains idéologiques. Cette loi peut donner aux femmes un cadre juridique favorable leur permettant de mieux asseoir leurs revendications, mais il faut lui donner un cachet social par des opérations de sensibilisation.
Parité intégrale ne signifie pas accaparer le pouvoir, mais y être associé. Comment pouvons –nous comprendre que sur « les 52% que représentent les femmes par rapport à la population du Sénégal, seules 23% sont à l’Assemblée nationale, environ 10% dans le gouvernement, 12,97 % dans les conseils régionaux, 20,03 dans les conseils municipaux et 27 % dans les collectivités locales » (3)
Si l’imam Mbaye Niang du MRDS pense que la loi sur la parité intégrale n’est pas une émanation des réalités sénégalaises, il pose dès lors un problème récurrent. A savoir : sommes-nous dans une République où les citoyens des deux sexes doivent être libres et égaux ou à deux vitesses où les hommes commandent et les femmes subissent ?
Notes
1-Reine du Walo, une région traditionnelle du Sénégal, durant la période coloniale
2 - Reine de Cabrousse au sud de la Casamance, résistante à la domination coloniale française
3 – Journal «le Messager», Projet de loi sur la parité intégrale : les femmes prêtes à accompagner le processus ?, Mardi 10 mars 2010
4-Député du Mouvement de la Réforme pour le Développement Social
* Dr Ibrahima Bob est sociologue
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