Vingt ans de vaines tentatives pour camoufler la vérité au Rwanda

Au cours des vingt dernières années, Kagame et Museweni, ainsi que leurs acolytes et leurs maîtres étrangers qui les arment, se sont enrichis par des guerres prédatrices pour les ressources naturelles et minérales du Congo. Le soi-disant "progrès économique post-génocide au Rwanda" est le résultat de telles guerres.

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Pour paraphraser un passage biblique, je voudrais commencer cet article en écrivant que "pour l’amour du Congo, je ne me tairais pas, pour l’amour de Kinshasa je ne resterais pas silencieux jusqu’à ce que la justice pour la République démocratique du Congo brille au firmament et que son salut soit comme une étoile lumineuse ". Jour et nuit, je ferais usage de nombreuses tribunes, y compris Pambazuka, pour mettre en évidence le génocide que les Tutsis, même"s’ils sont victimes de génocide", ont commis dans mon pays, la République démocratique du Congo et je continuerais ainsi jusqu’à mon souffle dernier.

Je ne suis pas le seul. Carla del Ponte et Paul Kagame se sont graduellement brouillés. Del Ponte, ancien procureur général de deux des Tribunaux spéciaux internationaux des Nations Unies, celui pour l’ancienne Yougoslavie et celui pour le Rwanda, s’est brouillée avec Kagame après avoir insisté que les crimes commis par les Tutsis au cours du génocide devaient également être investigués. Le journaliste d’investigation franco-camerounais Charles Onana a publié de nombreux livres sur les vrais coupables de l’assassinat du président Juvenal Habyarimana qui sont toujours protégés et, selon lui, ce ne sont pas ceux qui ont été officiellement accusés. Pierre Péan et Keith Harmon Snow, tous deux des journalistes d’investigation réputés, ont démontré que dans les faits, le Front patriotique du Rwanda (Fpr) et Paul Kagame sont responsables de l’assassinat de Juvénal Habyarimana et ont, par conséquent, été à l’origine du facteur déclenchant les massacres interethniques en 1994 ! La liste est longue !

Suite à l’appel de Pambazuka pour des articles concernant "le Rwanda : 20 ans après le génocide", je voudrais saisir cette occasion pour mettre en évidence et fournir et partager avec les lecteurs les faits nouveaux concernant Kagame et son régime qui ont émergé récemment et qui montrent que les 20 dernières années ont été celles des vains efforts de Kagame et du régime de Museweni pour cacher la vérité sur ce qui s’est passé en 1994 ! Ils ont été aidés dans leurs efforts par de puissants amis en haut lieu en Occident, y compris l’ancien président américain Bill Clinton, Susan Rice, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, Bono, Howard Buffet, le pasteur évangélique Rick Warren, le rabbin Shmuley Boteach, Bill Gates et ainsi de suite (voir "Paul Kagame’s trips not worth the headache" de Judi Rever in Digital Journal, 17 oct. 2013.)

Premièrement, du point de vue congolais, des faits nouveaux sont apparus après avril 1994. Le principal chef de l’opposition en République démocratique du Congo (Rdc), Etienne Tshisekedi, a envoyé un télégramme à Paul Kagame alors vice-président, le félicitant "pour avoir chassé du pouvoir Juvénal Habyarimana" (voir lettre ouverte envoyée par 13 intellectuels du Grand Kasaï (Rdc) à M. Etienne Tshisekedi wa Mulumba, président national de Udps, en prévision de l’échéance du 30 juin 2006). Pour nous autres Congolais, Etienne Tshisekedi, un politicien congolais populaire, qui a répondu a de nombreuses invitations du président Kagame et qui est sorti deuxième lors des élections présidentielles de 2011, devait savoir ce qu’il disait. Ce n’est pas juste un homme de la rue. Il a découvert la vérité selon laquelle ce qui se passait au Rwanda était une guerre civile : un mouvement rebelle tutsi soutenu par l’Ouganda et les puissances anglo-saxonnes qui a renversé un régime dominé par les Hutus, sans oublier les vagues de meurtres interethniques qui ont suivi et qui ont été déclanchés par cette élimination !

Deuxièmement, Kagame est maintenant mis sous pression par ses puissants alliés occidentaux, qui ont fini par réaliser que lorsque Kagame se vantait lors d’une interview au Financial Times de Londres, en date du 19 août 2010, que "la démocratie rwandaise était toujours un modèle pour l’Afrique", que le "modèle" ne signifie pas respects des droits humains sans parler de la démocratie. Ils le pressent maintenant de mettre un terme au harcèlement, à l’incarcération et à l’assassinat des chefs de l’opposition rwandaise, y compris la dirigeante de l’opposition Victoire Ingabire qui a été condamnée à 8 ans de prison le 30 octobre 2012, pour avoir dit que "des Hutus aussi ont été tués au moment du génocide", suite à quoi sa sentence a été augmentée à 15 ans de prison le 1er décembre 2013.

L’ancien chef du renseignement rwandais Patrick Karegeya, qui est passé à l’opposition, a été trouvé mort dans une chambre d’hôtel en Afrique du Sud, après avoir été étranglé et pendu par ses meurtriers envoyés du Rwanda. Quatre personnes ont été arrêtées au Mozambique voisin (voir Chimp Investigation Team "Karegeya’s murder suspects arrested in Mozmabique" Chimpreports.com 7 janvier 2014). L’ancien chef d’état major rwandais, Kayumba Nyamwasa, qui est passé à l’opposition, a été abattu par un bandit solitaire en Afrique du Sud. Les alliés occidentaux de Kagame lui conseillent discrètement d’ouvrir un dialogue politique avec le Fdlr, les combattants hutus qui circulent dans les collines du Congo oriental et qui ont récemment annoncé avoir posé les armes et sont prêts à retourner au Rwanda à la condition que le régime soit prêt à entrer dans un dialogue politique.

De fait, en Irlande du Nord, les Anglais, qui soutiennent Kagame, ont eu des négociations pour la paix avec l’Ira , le régime afghan, soutenu par les Etats-Unis, est encouragé à négocier avec les terroristes talibans, Nelson Mandela a négocié avec les Blancs, chefs de l’Apartheid, le gouvernement congolais a discuté avec les " rebelles tutsis congolais", dont la plupart sont ougandais ou rwandais dépêchés au Congo pour tuer, violer et piller et Kinshasa ira jusqu’à les intégrer dans l’armée nationale congolaise (…) Alors pourquoi le régime de Kagame serait-il une exception ? Un dialogue entre tous les Ougandais, y compris avec les Lra, un dialogue entre tous les Rwandais, y compris avec le Fdlr est la façon de progresser vers une paix durable dans la région.

Mais Kagame ne veut rien entendre. Ainsi la soi-disant stabilité du Rwanda a été réalisée au détriment du Congo où Kagame continue d’alimenter le feu et à perturber le pays, selon Tony Blair dans un article dont il est co-auteur avec Howard G. Buffett et publié dans Foreign Policy le 21 février 2013. Récemment, Kagame a piqué une crise de nerfs à l’endroit de ses anciens alliés occidentaux, disant d’eux "que ce sont des anciens maîtres coloniaux qui n’arrêtent pas de faire la leçon aux Africains".

Mais Kagame est tombé dans son propre piège lorsqu’il a boycotté le Sommet pour la paix et la sécurité sur le continent africain, à l’invitation du président François Hollande qui s’est tenu à Paris, le 6 décembre 2013. Pour le Rwanda il n’était pas question de participer au sommet. " Que ceux qui ont le sentiment d’avoir encore besoin de la protection de leurs anciens maîtres coloniaux y aillent. Ce n’est pas notre cas", a dit un proche de Kagame à Jeune Afrique (voir "Sommet sur la paix et la sécurité à Paris : Le Rwanda décline l’invitation" Jambonsnews.net, le 19 juin 2013 ) . Au même moment, Kigali a accueilli favorablement une invitation du président américain Barack Obama pour un sommet historique des dirigeants de l’Afrique sub-saharienne, premier du genre, qui doit se tenir à Washington en août 2014. La Maison Blanche a annoncé l’invitation le 30 juin 2013 ("Obama to host summit of African leaders next year" Stephen Collinson, AFP, le 30 juin 2013). Kagame était effectivement pris à son propre piège.

Le Rwanda a décliné l’invitation de l’ancien maître colonial de nombre de pays francophones d’Afrique, mais a accepté celle d’Obama à tous les chefs d’Etat africains ! Pour Kagame, il est préférable de prendre ses ordres à la Maison Blanche plutôt qu’à l’Elysée ! Où dont est la différence entre décliner l’invitation d’un maître occidental pour accepter celle d’un autre ? C’est parce que les Etats-Unis protègent l’impunité de Kagame suite au génocide au Congo. Après tout, il ne fait rien de plus que de jouer le rôle de celui qui a une procuration anglo-américaine au Congo. C’est là le rôle qu’il a si bien joué au cours des 20 dernières années !

Troisièmement, au cours des 20 dernières années, Kagame et Museweni, ainsi que leurs acolytes et leurs maîtres étrangers qui les arment, se sont enrichis par des guerres prédatrices pour les ressources naturelles et minérales du Congo. Le soi-disant "progrès économique post-génocide au Rwanda" est le résultat de telles guerres. Mais en même temps Museweni et Kagame ont bénéficié de l’impunité, malgré le crime haineux de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, aussi bien au Rwanda qu’au Congo, piétinant le droit international ou l’accommodant en leur faveur selon leurs intérêts chez eux ou à l’étranger. Lorsqu’il est question d’extrader "les rebelles tutsis congolais ", y compris Laurent Nkunda, Mutebusi, Runiga et d’autres qui ont trouvé refuge au Rwanda, Paul Kagame invoque les Conventions de Genève pour les réfugiés, se permet de faire la leçon à la Rdc "qui n’a pas encore aboli la peine de mort" et qui fait qu’il ne peut extrader "les rebelles tutsis congolais" vers "leur pays d’origine juste pour être exécutés". S’ils sont congolais et que le Congo est leur pays d’origine, pourquoi ne peuvent-ils être extradés pour y répondre devant la justice ? Après le meurtre de Karegeya, le président Kagame a mis en garde le camp de l’opposition en déclarant "qu’il y a des conséquences pour ceux qui trahissent leur pays". Pourquoi donc ne devraient-ils pas y avoir de conséquences pour les "rebelles tutsis congolais" qui ont trahi leur pays ?

Il y a un dicton qui dit : mentez, mentez, il restera toujours quelque chose à propos de quoi mentir : la vérité ! Récemment, Joël Mutabazi, un ancien officier rwandais, ancien garde du corps de Kagame, accusé de terrorisme, de formation de groupes armés, de meurtre et de possession illégale d’armes à feu, etc., a demandé l’asile politique en Ouganda et a été illégalement, c'est-à-dire en contravention avec les Conventions de Genève pour les réfugiés, transféré au Rwanda depuis l’Ouganda pour répondre devant la justice de son pays. Parmi les autres accusés, il y a plusieurs membres du Congrès national rwandais (Cnr) et huit étudiants (Voir "Paul Kagame’s ex-guard, Joël Mutabasi rejects Rwanda trial", Bbc 28 janiver 2014). Mutabazi a plaidé non coupabl,e mais risque la peine de mort à l’instar de Patrick Karegeya.

Bien que le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (Hcr) ait condamné la décision de Kampala de l’extrader comme étant "une claire violation du principe de l’asile", les Etats-Unis et la Grande Bretagne sont restés muets face à une violation aussi flagrante du droit international. Est-ce que Tony Blair, le conseiller spécial de Kagame, n’est pas aussi un avocat qui devrait défendre le droit international dans ce cas ?

Ceci est une moquerie par rapport à la "cause" pour laquelle les Tutsis disent lutter, c'est-à-dire l’inclusion dans la région des Grands Lacs, parce qu’elle injuste et inéquitable pour d’autres populations de la région, une cause perdue parce que ce sont les Tutsis qui perturbent la vie des autres dans la région. Un jour, Kagame et Museweni devront répondre de tous leurs crimes.

A moins d’un dialogue entre Rwandais, 20 ans après le génocide le Rwanda demeure "une dictature expansionniste sanguinaire apaisée". Mais c’est aussi "une poudrière, une bombe à retardement en attente d’explosion"

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** Lokongo du Congo exprime ici son opinion personnelle – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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