Analyse politique et sécuritaire sur le Burundi
Dans la plupart des pays du Tiers-monde qui viennent de sortir de la guerre, comme le cas du Burundi, la gestion des ex-combattants a toujours été une tâche difficile due soit au manque de volonté politique ou de la mauvaise gestion des fonds étrangers destinés à remettre ces combattants dans la vie normale. Ces combattants, pour la plupart, démobilisés avant l’âge de pension, doivent survivre dans un environnement, non seulement politiquement hostile, mais aussi auquel ils n’ont pas été bien préparés d’avance.
Beaucoup de Burundais qui vivent à l’étranger pour diverses raisons, y compris la persécution politique, se demandent quel est le sort de leur pays ! D’autres burundais qui vivent au Burundi se sentent en insécurité tant politique que socio-économique et se posent les mêmes questions ! Cette analyse qui est une contribution à la paix, est basée sur trois points : le vrai handicap de la paix et les solutions possibles, des combattants burundais en fuite, causes et conséquences et les perspectives des élections de 2015 ;
Permettez-moi, de vous relater en bref mon parcours auprès des différents partis et mouvements politico-armés, pour en conclure avec les trois points. Il est certes vrai que j’ai fait parti des ex-Fab durant un peu plus de dix ans entre 1989-2000 ! Ayant fait mes études académiques militaires en Europe, cela m’a permis d’acquérir, en dehors des connaissances militaires, des connaissances humanitaires du fait que l’humanité déposée dans chaque individu doit être protégée en haute priorité, quelles que soient ses origines ethniques, régionales ou politiques. Cependant, les réalités sur terrain au Burundi étaient tellement différentes et corrompues, que même certains des diplômés des académies européennes suivaient à la lettre les ordres militaires directs ou indirects des leaders politico-militaires qui détenaient parfois les agendas cachés basés sur la division ethnico-régionale.
C’est ainsi que je peux affirmer, en tant qu’ex-combattant sur le terrain, qu’il y a eu des bavures contre les Droits de l’homme de la part des forces gouvernementales (ex-Fab) et des rebelles (ex-Fdd, ex-Fnl, etc.), qui même si elles étaient parfois qualifiées d’« isolées », étaient souvent téléguidées indirectement par certains leaders de la haute hiérarchie. Il s’agissait simplement de la théorie biblique de l’Ancien testament de « oeil pour oeil, dent pour dent » ; les ex-Fab terrorisant la population hutue, et en revanche les ex-Fdd/Fnl terrorisant en retour la population tutsie. Mais j’étais aussi conscient qu’il y avait dans tous les deux cotés des personnes honnêtes qui étaient pour la réconciliation.
C’est en août 2000 que j’ai écrit une correspondance officielle de démission auprès de la présidence du Burundi (P. Buyoya) pour cause d’injustice sociale appliquée sur terrain contre la population (j’ai toujours les copies des correspondances). Une semaine après, mon domicile avait été cerné après minuit, pour m’arrêter hors-la-loi sur ordre du chef d’Etat-major armée, à l’insu du ministre de la Défense (Gen. Cyrille Ndayirukiye) ; j’avais réussi à fuir cette même nuit, à l’aide de certains collègues qui m’avaient averti d’avance que ma vie était en danger. Je fus qualifié de déserteur et rayé de la liste des officiers de l’armée burundaise (ex-Fab).
Aussitôt refugié en Ouganda en 2001, je suis entré en contact avec les Cndd-Fdd (2001-2002) où j’ai été membre en tant que conseiller politico-stratégique vis-à-vis du phénomène Fab, non pas par recherche d’intérêt personnel ni contre les Fab, mais pour contribuer à la paix. Au fait, je n’ai jamais été contre les ex-Fab, d’autant plus que j’étais convaincu que la majorité des Fab étaient manipulés contre leurs consciences et suivaient à la lettre les ordres militaires sans savoir les vraies motivations cachées de leurs leaders. Certains de nos frères de lutte furent victimes de leur droiture, soit assassinés soit contraints à l’exil, mais d’autres (vrais patriotes) servent toujours aux actuelles forces gouvernementales des Fdnac et de la Pnb.
Une de mes contributions aux Cndd-Fdd avaient été de clarifier que le vrai ennemi n’était pas «tous les ex-Fab de Bururi», mais une poignée de leaders eux même manipulés consciemment ou inconsciemment par des mains invisibles de l’Occident. Donc, une de mes contributions a été entre autres d’influencer des dialogues secrets entre les rebelles et les ex-Fab qui avaient bonne foi. Jusqu’au jour de la signature d’Arusha en Novembre 2003 (inclus le jour de la signature), j’ai été en contact à maintes reprises avec les leaders des Cndd-Fdd, y compris, par exemple, l’Honorable Onesime Nduwimana et l’actuel président burundais (Se P. Nkurunziza) avec qui nous avions échangé sur les stratégies de paix durable entre autres : l’éradication du tribalisme, du régionalisme, de la corruption à grande échelle, l’instauration d’une justice sociale pour tous, etc. A cette époque, j’étais aussi consultant « secret » auprès de la facilitation sud-africaine où j’avais le privilège d’établir des analyses « politico-sécuritaire », pour le compte de la paix. Il s’agissait en réalité d’une série d’infiltrations positives me permettant de contribuer à la paix, sans adhérer aux convictions idéologiques des uns ou des autres, disons en technicien de la paix. En bref, à la veille de la victoire des élections de 2005, le Cndd-Fdd avait bel et bien été conseillé par la facilitation sud-africaine pour imiter la stratégie de Nelson Mandela basée sur « un gouvernement d’union nationale ». Le lendemain de la victoire, le Cndd-Fdd n’a pas suivi les conseils de l’Afrique du Sud, et tout le monde a pu constater quelle a été la suite du programme.
En 2003, alors refugié en Uganda, je fus persécuté par des extrémistes tutsis téléguidés par des politiciens burundais, qui avaient même dépêchés des tueurs pour m’assassiner ; car ils m’accusaient d’être Hutu et de collaborer avec les « Hutus », au titre qu’ils avaient recruté un refugié «déserteur rwandais» (Lt Abdul Ruzibiza) pour m’éliminer. Au fait, une partie de l’élite tutsie raciste, utilisait cette tactique contre des opposants pour les éliminer.
C’est par la même tactique raciste, que même mon père, le feu Dr. Nyambariza Daniel, diplômé de Sorbonne et surnommé «Frère-Africain» fut arrêté en mars 1972, condamné à tord et à travers d’être soit Hutu, soit Ganwa au service du Roi Ntare V (Ndizeye Charles) assassiné la même année. Mon père fut arrêté et emprisonné en 1972 avec d’autres personnalités politiques accusés des mêmes causes, tels que ses anciens amis Madirisha Juvénal, Ntamagara Augustin, Masahani (père du basketteur Dudu), etc. Mon père fut en réalité du sous-clan d’un guerrier « Gatondo » de la lignée de Ntare IV (Rugamba Rutanganzwa), fils de Mwambutsa III (Mbonyeburundi Mbariza). Que les rois burundais étaient soit des hutus, soit des tutsis ou soit des himas, ceci est une histoire… qui ne peut pas nous empêcher de rechercher la paix…
Avertis donc par un des agents recrutés pour me localiser en Ouganda, j’ai fui en 2003 et suis parvenu à me refugier en 2004 à Mayotte (Iles Comores), où je suis resté en contact avec l’actuel président burundais. En 2006, j’ai entrepris en tant que société civile (Asbl Africa Réconciliation), des contacts avec les dirigeants du Palipehutu/Fnl, avec lesquels j’avais été en contact en 2002, en même temps que le Cndd/Fdd. En effet, ma contribution avait été de donner le même message aux deux principales rebellions, quant à la réconciliation possible avec les ex-Fab, d’autant plus que tous les Tutsis (et Hutus) ex-Fab n’étaient pas aussi ethnico-racistes telles que les idéologies rebelles le disaient. Ceci a été d’ailleurs ma première discussion avec le président Agathon Rwasa en 2006, qui m’avait surpris par la même maturité politique qu’avait son collègue du Cndd-Fdd à l’époque, l’actuel président burundais, à reconnaitre les erreurs du passé, et à démontrer une volonté d’enterrer le passé pour le compte de la réconciliation et d’une paix durable. J’ai été donc conseiller direct d’Agathon Rwasa, pas contre le Cndd/Fdd ni contre l’Uprona, mais pour créer une voix d’entrée qui permettrait aux Fnl de rentrer et de réintégrer le monde politico-militaire burundais, dans la même optique de la recherche de la paix.
J’avais réussi à affirmer ma neutralité me permettant d’être partout sans inquiétude. Cela n’a pas été sans difficultés ni tactiques d’infiltration, pour parler à certains membres des partis qui étaien convaincus que j’étais un concurrent qui recherchait un poste. Des rapports urgents étaient parvenus aux Fnl en Tanzanie selon lesquels j’étais un extrémiste tutsi, tueur de Hutus sur le lac Tanganyika, et que j’étais envoyé par les ex-Fab pour espionner. Evidemment, comme je l’avais affirmé, dans le contexte du passé, l’ennemi des ex-Fab qui était en majorité hutue, avait peu de chances de m’échapper dans la marine où j’ai opéré sur le lac ou dans la Kibira où j’ai travaillé dans la 34ème Bn Cdo. Je tiens à faire remarquer surtout la vieille tactique divisionniste, qui qualifie une même personne, d’être à la fois soit extrémiste tutsi soit d’extrémiste hutu, selon les objectifs de diviser !
A propos de la division, pour certains membres de l’opposition, soit ignorants soit eux-mêmes divisionnistes, j’aurais été actuellement en exil (2010), au service du Cndd-Fdd pour traquer les opposants politiques ; tactique divisionniste très bien assimilée. Cette tactique, utilisée le plus souvent, par les pouvoirs en place, consiste à créer par des fausses informations juxtaposées des scenarios permettant de diviser les membres de l’opposition qui finissent par s’entre-attaquer voire s’entretuer. L’exemple flagrant fût le combat en 2012 entre les deux frères Fnl, les officiers Nzabampena Aloys et Negamiye Rogatien, qui avaient fui ensemble les Fdnac (armée burundaise) après les élections de 2010 contestées par leur chef commun Agathon Rwasa ; résultant à la persécution des ex-Fnl.
Le combat entre les deux frères avait conduit à la mort de l’officier Negamiye alors que l’officier Nzabampena avait été évacué blessé. Contrairement aux pouvoirs burundais qui ont toujours considéré de telles réalisations divisionnistes comme des réussites contre l’ennemi, je suis d’avis qu’il faut plutôt pleurer tous ces enfants burundais, qui continuent à mourir, victimes des mêmes causes antidémocratiques qui ont endeuillé le pays depuis l’indépendance. Je peux ainsi affirmer au fond de moi même que je ne suis pas au service de l’injuste sociale ni de la division et que ma vision exprimée dans la création de l’Asbl « The Africa Réconciliation Ministries », a toujours été la réconciliation des ex-ennemis vis-à-vis du passée pour la construction d’un Burundi meilleur. C’est ainsi qu’après une longue négociation (2006-2009) entre le gouvernement burundais et le Fnl d’Agathon Rwasa, par un long chemin plein d’embuscades de la part les divisionnistes perdants, j’ai été réintégré dans les forces de l’ordre burundais, occupant même le poste du Commandant de la Police marine jusqu’en 2011 où j’ai fuit pour la seconde fois le pays, pour les mêmes causes (injustice sociale contre la population burundaise).
LE VRAI HANDICAP DE LA PAIX ET LES SOLUTIONS POSSIBLES
Qu’est ce qui s’est passé avec le Fnl de Rwasa Agathon ? En résumé, le même syndrome que l’ex- Uprona « diviser pour régner » avait été transmis aux nouveaux venus «Cndd-Fdd», qui en retour devraient l’appliquer pour les mêmes raisons que leurs prédécesseurs: se maintenir au pouvoir à tout prix pour des motifs anti-démocratiques. Faisons une clarification : Le problème n’est pas la lutte démocratique basée par ailleurs sur des programmes démocratiques exhibés sur les Statuts. Le vrai problème dans certains pays africains (y compris le Burundi) est l’impossibilité de mettre en pratique ces programmes fixés, en les transformant en actions anti-démocratiques (haine et oppression de l’opposition, assassinats ciblés, corruption à grande échelle, violation de la Constitution, etc.).
Voilà, l’atmosphère dans laquelle le Fnl a débarqué, tel un environnement miné de toutes stratégies divisionnistes de la part des partis politiques à majorité soit Tutsis soit Hutus, de quoi justifier la fuite en exil des opposants politiques, des membres de la société civile ou des individus, tous étant victimes du même syndrome «diviser pour régner», héritage de la colonisation «européenne» transformée aujourd’hui en néo-colonialisme «africain» appliqué cette fois-ci par les frères contre les frères africains (pour ne pas juger à l’infini les Européens). Il n’est donc pas étonnant qu’un tel syndrome, s’il n’est pas soigné, s’amplifie dans le corps ; et dans le cas malheureux du Burundi, nous en sommes arrivés à l’invention divisionniste des « vrais » partis « Nyakuri » qui signifie en réalité « vrai partenaire » du parti au pouvoir plutôt que « vrai parti » d’origine.
Si même l’ex-Uprona, est tombé dans le même piège, quel aurait été le sort des nouveaux ! Jugez-en vous-même : Frodebu Nyakuri, Fnl Nyakuri, le Msd Nyakuri aura failli de près…, même le Cndd-Fdd n’a pas été épargné par la création des ZigamibangaI de l’Upd (qui signifie sauvegarder le secret) contre les Abagumyabangadu Cndd/Fdd (qui signifie ceux qui gardent le secret); le Cndd-Fdd gardant « le secret », l’Upd sauvegardant probablement le même «secret » … !
Une chose est sure, il est très important d’admettre que les membres des tous les partis politiques (Cndd/Fdd, Uprona, Frodebu, Msd, Fnl, etc.) ne sont pas tous corrompus par le syndrome ; une dissolution serait donc le renforcement des membres honnêtes contre les membres corrompus.
Cependant, ce sont certains de ces membres corrompus qui parviennent à se faufiler aux plus hauts échelons, provoquant de grands dégâts, puisque « irremplaçables » ou « se permutant » dans un cercle fermé de postes gouvernementaux.
Apres avoir fait une analyse, j’ai constaté aussi que dans notre pays, une très grande irresponsabilité est à reprocher aussi aux « conseillers », qui au lieu de respecter leurs rôles de « techniciens du développement », se contente d’appuyer les erreurs de leurs chefs, pour la plupart par recherche d’intérêt personnel, et pour d’autres par crainte, démontrant un manque « patriotisme » et pour d’autres encore par ignorance de la démocratie tout court ! Voila une autre raison pour laquelle le mot « dialogue » a toujours été « malvenu » au Burundi puisque certains conseillers sont aussi corrompus que leurs chefs. En effet, refuser le « dialogue » démontre le manque de maturité et/ou volonté politique des dirigeants. Et pourtant des bons exemples ne manquent pas, tel que le cas de l’Afrique du Sud où le grand-père Nelson Mandela a opté de dialoguer avec les ex-ennemis racistes de l’apartheid, instaurant un gouvernement d’union nationale, reconnu comme exemplaire dans le monde entier.
Dans le cas du Burundi, je proposerai, comme solution principale (entre autres), le dialogue politique entre tous les opposants politiques, y compris les nouveaux Partis et mouvements politiques armés (Fnl, Adn, Fronabu, Frd etc.) qui sont opérationnels. Il faudra aussi que l’opinion nationale ou internationale aide à définir l’usage du mot «bandit» utilisé pour qualifier les nouveaux rebelles du Burundi. L’Etat veut-t-il sous entendre par bandit, «aventurier» ou «insignifiant» ? Ou s’agit-il d’une tactique politique vis-à-vis de la communauté internationale pour justifier le refus de dialoguer avec les «bandits » ou les « terroristes », loi en effet acceptée et appliquée dans cette même communauté ?
Ayant été officier de l’armée mais aussi de la police nationale, je suis d’accord avec la loi internationale qu’il ne faut pas négocier avec le banditisme ni le terrorisme, même si le payement des rançons aux pirates somaliens (terroristes qualifiés) par les organisations européennes est facilité par le dialogue, histoire de nous poser la question de savoir si la loi internationale est juste ou injuste !
Cette loi internationale reste bel et bien juste mais Il s’agit tout simplement d’une adaptation de la loi selon les réalités européennes (respect primordial de la vie de l’être-humain).
A mon avis, certains pays africains sont tombés dans le piège consistant à appliquer les lois et conventions internationales sans les adapter aux contextes locaux ou plutôt en les adaptant aux intérêts personnels. Par exemple les mouvements rebelles qualifiés par la loi internationale de «forces négatives» par la Communauté internationale ont prouvé être en réalité des« forces positives » qui ont accédé même au pouvoir pour le compte de la vrai démocratie. Malgré cette contradiction, on en conclut que la loi internationale reste juste mais qu’elle doit être adaptée par les africains compte tenu des réalités.
Pour information donc, le banditisme dans la communauté internationale, est constitué d’organisations utilisant des armes légères dont le but principal est l’accumulation de la richesse (l’argent !) et non la Politique (qui, dans des cas rares, peut en bénéficier indirectement). A mon savoir, il n’y a pas un chef de la mafia impliqué directement dans la drogue qui a déjà créé un parti politique et revendiqué le respect de la démocratie. Les chefs de la mafia vivent cachés, ne se montrent jamais en public, ne donnent pas d’interviews, n’ont pas de sites internet pour leurs publicités, etc.
Si donc, ces soi-disant bandits burundais sont pour la plupart des ex-combattants issus des ex-Fab, ex- Fdd, ex-Fnl, voir même ex-Fdnac/Pnb, sont armés et vivent aujourd’hui dans les montagnes du Burundi et/ou du Kivu voisin, et s’ils ont aussi des présidents qui revendiquent des causes démocratiques, la plupart des leaders vivant ouvertement en Europe, au Canada, etc., et sans cacher leurs mouvements « politico-militaire » qu’ils présentent publiquement en sites internet, tout en revendiquant des causes démocratiques, alors on peut affirmer par définition que ces combattants ne sont ni bandits ni terroristes ! J’en conclu donc qu’il faut négocier aussi avec les leaders de ces Pmpa (Fnl, Adn, Fronabu, etc.) qui sont réellement actifs.
DES COMBATTANTS BURUNDAIS EN FUITE, CAUSES ET CONSEQUENCES
Dans la plupart des pays du Tiers-monde qui viennent de sortir de la guerre, comme le cas du Burundi, la gestion des ex-combattants a toujours été une tâche difficile due soit au manque de volonté politique ou de la mauvaise gestion des fonds étrangers destinés à remettre ces combattants dans la vie normale. Ces combattants, pour la plupart, démobilisés avant l’âge de pension, doivent survivre dans un environnement, non seulement politiquement hostile, mais aussi auquel ils n’ont pas été bien préparés d’avance. A cela s’ajoute le favoritisme des uns contre les autres, vis-à-vis des appartenances différentes, soit politique, soit régionale et dans certains cas même ethnique.
Mais cette inégalité sociale causée par le manque du « leadership », se manifeste aussi au sein des combattants qui ont intégré l’Armée et la Police nationale, certains étant favorisés pour leurs provenances ethnico-régionales ou tendances politiques, d’autres défavorisés pour les mêmes causes. C’est aussi dans cette dernière optique que certains combattants, voir même officiers et soldats des Fdnac/Pnb, entre autres originaires du Fnl, ont fui le pays.
Face à cette réalité, le gouvernement devra choisir sa stratégie politique à gérer les conflits, bref à
choisir entre la guerre et le dialogue :
- L’Etat peut décider d’adopter une approche réconciliatrice qui aboutirait à un consensus
démocratique et la réinsertion et/ou réintégration de ces combattants ;
- L’Etat peut décider d’ignorer ces combattants, et les pourchasser comme des «bandits» d’une mafia quelconque qu’il faut éliminer « à tout prix », histoire de répéter les mêmes «erreurs» du passé, quitte à assumer les conséquences d’un conflit ouvert, à la veille des prochaines élections. Dans ce cas, il ne resterait qu’à « juger sur les actes des uns et des autres, et être satisfaits par la fierté des gagnants !»
Cependant, en tant qu’expert de l’exil, et pour avoir été membre des forces gouvernementales (1990-2000) d’une part, et de la rébellion dans Cndd/Fdd (2003-2005) et Fnl (2006-2009) d’autre part, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il ne faut jamais minimiser des exilés qui ont décidé de se mettre ensemble pour revendiquer une cause quelconque relative à la démocratie sociale (Liberté, Égalité, Justice, etc.).
Même si ces combattants sont insignifiants au début, même s’ils n’ont aucun appui visible r&gional ou international, même s’ils sont assassinés tous les jours par tous les moyens connus et inconnus des Etats ; j’ai constaté que parfois la vraie force de la rébellion qui a primé souvent sur les grands moyens gouvernementaux est le produit de ce «petit nombre de combattants révolutionnaires» multiplié par «une certaine valeur inconnue xn» ; et cette valeur exponentielle «xn» est le patriotisme des combattants quand à la volonté de s’exposer au danger et mourir s’il le faut, pour éradiquer à jamais cette injustice sociale, ennemie principale des droits de l’Homme.
Les exemples du passé de l’Anc sud-africain, du Nrm ougandais, du Fpr rwandais, les cas récents de la Libye et de la Centrafrique, les cas en cours tels que les rebelles congolais du M23 et les rebelles syriens ; bref, tous ces cas ont prouvé et prouveront que ce ne sont pas les Etats appuyés par leurs immenses machines de guerre qui gagnent, mais que c’est cette valeur exponentielle « xn» qui est le vrai patriotisme appliqué à la révolution démocratique, qui a fait la différence. Voila aussi pourquoi, dans le passé, les Fdd et les Fnl se sont battus contre les Fab ! Voila pourquoi aujourd’hui, de nouveaux Pmpa se sont créés (Frd, le Fronabu, le And-Abatabaziet d’autres) contre le Cndd-Fdd, toujours pour les mêmes causes : Patriotisme et Justice sociale (Egalité, Liberté, etc.).
Il faut savoir aussi que dans l’histoire de la plupart des pays du Tiers-monde, les politiciens se sont toujours appuyés sur les forces militaires et de police pour s’affirmer ou protéger leurs pouvoirs et intérêts personnels. Ceci a malheureusement été toujours le cas du Burundi. L’armée et la police (ou gendarmerie) qui sont deux institutions qui sont censées protéger la Constitution du pays, en l’occurrence protéger le patrimoine national et appuyer la Justice sociale pour le développement socioéconomique; cependant il a été constaté que le rôle joué par ces institutions, étaient plutôt de protéger des intérêts personnels des partis politiques au pouvoir.
Aussi, dans ces mêmes pays du Tiers-monde où la démocratie n’est pas encore appliquée au vrai sens du mot, en ce qui concerne la séparation de la politique et les forces de l’ordre, il est devenu donc une réalité que les revendications politiques soient appuyées, par des Partis et mouvements Politiques armés (Pmpa), seul moyen possible de faire face aux armées et polices politisées. Cependant, l’histoire a démontré que certains de ces Pmpa qualifiés de « négatifs » ont accédé aux pouvoirs, finalement acceptée par la Communauté internationale. Il n’est pas d’ailleurs étonnant que tous les mouvements rebelles connaissent par coeur la troisième partie de la préambule du Texte de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression » !
Une autre information importante digne de réflexion, est qu’il n’y a pas d’initiative ni du gouvernement burundais ni de la Communauté internationale pour faire rentrer les combattants qui ont fui le pays après les élections de 2010, et spécialement ceux qui se sentaient menacés pour être originaires des partis d’opposition tels que le Fnl/Rwasa, le Cndd/Nyangoma, etc. Dans ces cas, il appartiendra peut-être aux Présidents des partis d’opposition qui sont rentrés récemment au pays, de répondre à leurs responsabilités quand au rapatriement des combattants qui les ont suivis, victimes des persécutions relatives aux origines politiques (voir Pmpa).
Il y a d’autres cas de combattants qui ne sont plus avec leurs Présidents d’origine, tel que le cas de certains combattants du FNL, et qui ont opté le maquis avec de nouveaux leaders. On peut citer par exemple l’ex-Officier Fdnac Aloys Nzabampema (entre autres) issus du Fnl, qui a rejoint le maquis, ou d’autres combattants ex-Fab et Fdnac/Pnb qui constituent les nouveaux mouvements politico-armés tels que l’Adn-Abatabazi et d’autres... Si on les totalise, on en arrive à la conclusion qu’il existe des combattants réels dans la nature contre le pouvoir en place, peu importe leur qualification incorrecte de «bandits », ils restent combattants ex Fab, ex-Fnl, ex-Fdd, voir même ex-Fdnac/Pnb appartenant bel et bien à des nouveaux Pmpa en activité ! Dans ce cas, il appartient au gouvernement burundais de décider quelle résolution de conflits faut-t-il appliquer !
Enfin, en ce qui concerne des cas isolés des ex-combattants qui ont fui le pays pour insécurité individuelle due à diverses raisons (voir entre autres par exemple le cas de l’officier Nzeyimana alias Mahopa tabassé «anti-démocratiquement» en prison, et accusé par le pouvoir en place de collaborer peut-être avec les rebelles parce qu’il avait, en réalité, des effets militaires personnels qu’il n’avait pas encore remis), il appartient aussi au gouvernement burundais de décider si ces officiers peuvent rentrer, dans le cadre de la réconciliation nationale, en garantissant leur sécurité sociale comme le gouvernement vient de le faire avec les politiciens.
Quant à choisir l’erreur de tactique de les obliger à s’exiler, en voici les conséquences néfastes à moyen ou long terme : En chassant, en emprisonnant injustement un seul Burundais, dans notre contexte actuel burundais avec les plaies non encore cicatrisées, vous blessez aussi sa famille restreinte, ensuite sa famille élargie, et sans compter le cercle élargi des amis. En répétant ces mêmes erreurs contre deux, trois et d’autres burundais, vous en arrivez à rejeter et à blesser des communautés entières de burundais, ceux-là même dont vous aviez la responsabilité d’unifier dans un pays démocratique. Alors que votre rôle est de rassembler le peuple burundais longtemps meurtris par des divisions incessantes, vous dispersez une catégorie du peuple, les contraignant en exile forcé, sans se soucier de leurs avenirs.
En accumulant ainsi ces combattants frustrés en exile tout en ignorant leurs «communautés», j’en conclus avec grande affirmation, que la paix durable au Burundi est encore un rêve à déchiffrer. De toutes les manières, il faudra faire une analyse impartiale de la géopolitique vis-à-vis des conflits interrégionaux, pour s’assurer que ces soi-disant «bandits» en débandade ne soient transformés encombattants aguerris pouvant influencer le processus de paix burundais, qui à mon avis est toujours fragilisé soit par le manque de volonté politique soit par l’ignorance des principes démocratiques !
LES PERSPECTIVES DES ELECTIONS DE 2015
Premièrement, mon point de vue a toujours été la « réconciliation qui passe par le dialogue » entre les groupes antagonistes. Notre pays qui, à mon avis, est toujours situé dans une étape fragile de recherche de la paix durable, devrait favoriser l’unité nationale à tout prix, plutôt que la guerre basée sur l’orgueil des uns contre les autres. Vu qu’aujourd’hui, le Burundi évolue vers la démocratie, cet esprit de réconciliation devrait être un sacrifice pour évoluer vers la civilisation. Tout gouvernement burundais a la responsabilité d’instaurer la vraie démocratie, basée sur la justice sociale et le développement socio-économique, sans distinction d’ethnie, de region ni d’appartenance politique.
Il a été prouvé historiquement que tout pouvoir basé sur l’injustice sociale ne peut durer qu’un court ou moyen terme ! Peu importe les convictions erronées des uns, et peut importe les réalités présentes et visibles des autres, il ya toujours d’autres réalités imprévisibles et même invisibles telles que la notion du temps, la géopolitique et les alliances tactiques et stratégiques, ou pourquoi pas les forces du bien qui finissent par l’emporter aux forces du mal.
Pour les uns, appliquer l’injustice sociale, et assassiner injustement ou justement s’il le faut, est une force puisqu’il permet (aux oppresseurs) de se maintenir au pouvoir par la dictature, tandis que pour les autres (les opprimés), se révolter contre la tyrannie et l’oppression de la dictature en créant des rebellions, est aussi une force puisqu’il permet de se libérer du joug de cette dictature. Dans tous les cas, ceux qui sèment la division, l’inégalité et l’injustice sociale, récolteront toujours les mêmes fruits du passé, c’est-à-dire le cercle vicieux des pouvoirs survivant au dépend du sang versé.
Soyons donc des ambassadeurs de la réconciliation et non de la division. Le dialogue basé sur les principes démocratiques vaut mieux que le sang versé ! Pour notre grand-père Nelson Mandela, le leadership se résume par la vision de la réconciliation et de l’unité nationale, quel que soit le prix à payer, même s’il faut se pardonner sur les assassinats, les massacres et les actes génocidaires du passé, même s’il faut libérer les prisonniers politiques, même s’il faut cohabiter avec l’opposition, même s’il faut partager avec l’opposition, même s’il faut bâtir ensemble et gérer avec l’opposition! Bref, l’accomplissement d’un rêve qui se résume par la justice sociale, l’unité du peuple burundais (véritépardon- réconciliation), la consolidation de la paix, le développement socio-économique du pays et l’intégration régionale et internationale.
Les perspectives de 2015 ?... A mon avis, il s’agit d’un carrefour où tous les coups seront permis entre le gouvernement dirigé par le Cndd-Fdd et la principale Force d’opposition, la coalition Adc-Ikibiri ! Cela dépendra aussi de vigilance de la société civile (Forsc), qui devra jouer un rôle important à éduquer d’avance la société burundaise du bien fondé de la transparence contre les méfaits de la tricherie lors du processus électoral de 2015. Cela dépendra surtout de la neutralité du Ceni pendant le processus électoral de 2015.
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** Lt-Col. Didier Nyambarisa a été deux fois en exil (2000, 2011).
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