Cameroun : Les questions migratoires au coeur des législatives
Les organisations de la société civile et le GRAMIAC cherchent à profiter de la campagne électorale en direction des législatives, au Cameroun, pour intégrer le débat sur les migrations dans l’agenda politique. Les actions envisagées visent à sensibiliser sur les drames qui se sont accentués avec l’émigration clandestine et à proposer aux autorités administratives et policières des mesures plus respectueuses de la dignité humaine des migrants.
Le Cameroun s'apprête à vivre, le 9 octobre prochain, le scrutin présidentiel tant attendu. Les jeunes comme l'opinion nationale et internationale sont préoccupés par les risques de violences encore pire que ceux de février 2008 (émeutes de la faim), précise le FMI. Le Cameroun vit actuellement une situation de loi martiale de fait (journaliste arrêté, intimidation, rafles policiers, interdiction de manifestation, hausse des prix des denrées de première nécessité, chômage, discours xénophobes, interdiction de congrès de parti de l'opposition,...) C'est dans ce contexte très inquiétant, que le GRAMIAC a décidé d'ouvrir le débat sur les migrations au Cameroun.
Le GRAMIAC est un réseau d’Afrique centrale (membre partenaire de Dynamique citoyenne et membre de la Plate Forme National des OSC du Cameroun - PLANOSCAM) qui s’investit sur la recherche, l’accueil et l’assistance aux migrants en détresse, la défense des droits humains et la circulation de l’information en matière de migration en Afrique. Le réseau réunit en son sein des organisations de jeunesse, de développement, de diaspora, des syndicats et des organisations confessionnelles qui agissent dans le social… Tous ces acteurs sont préoccupés par la situation des migrants en Afrique Centrale et en Afrique en général, particulièrement dans les pays ayant prévu des élections présidentielles cette année et en 2012.
Le réseau a décidé d'agir au Cameroun pendant la période électorale pour inciter les acteurs politiques à discuter et à faire des migrations un aspect de leur programme de campagne. Ainsi nous avons prévu trois actions :
- Une conférence grand public à l’attention des jeunes et des femmes entrepreneurs de Yaoundé se tiendra à la bourse du travail de Mvog-ada le 30 septembre 2011 à partir de 10h. Vous vous souvenez certainement qu'à l’occasion du dernier Forum Social Mondial tenu à Dakar, en février 2011, le GRAMI-AC a constitué une caravane qui a relié Dakar à partir de Yaoundé par la voie principale qu’empruntent les migrants « clandestin » à destination de l’Europe. Ce parcours avait la particularité d’être bimodal (terrestre et maritime). Le voyage avait pour but de vivre en temps réel les difficultés et les problèmes rencontrés par les ressortissants des pays africains pour voyager à l’intérieur même de leurs espaces (CEEAC et CEDEAO). Il s’agissait aussi d’évaluer les coûts de migrations entre les divers Etats inclus dans le parcours (Cameroun, Nigéria, Bénin, Togo, Burkina, Mali et Sénégal).
Ce voyage a rempli pleinement cette mission et est allé bien au-delà. Il a permis d’observer les contradictions entre les discours officiels (Intégration africaine, régionale, etc.) et la réalité d’une fermeture des pays à la libre circulation. L’Afrique de l’ouest est une grande zone de transit pour des migrants subsahariens refoulés des frontières européennes et africaines. Ils sont victimes des trafiquants de tout genre dans le désert ; victimes de force de l’ordre corrompues et totalement impunies aux frontières de nos pays, du Cameroun au Mali. Le prix que paie cette jeunesse africaine, le prix de cette impunité généralisée des forces de l’ordre aux frontières est assez terrifiant : enfermement, avilissement, viol, enlèvement, séquestration, agressions, traumatisme physique et psychologie, vol et mort.
Il s’est aussi agi d’une expérience humaine. Les membres de la délégation conjointe ont rencontré de véritables drames humains. Des jeunes hommes et femmes issus globalement d’Afrique subsaharienne et particulièrement du Cameroun, dans la force de l’âge, qui se retrouvent dans ces pays dans le dénuement le plus complet. Ils ont vécu des expériences diverses et donc ont diverses histoires à raconter, toutes plus tristes les unes que les autres. C’est la quintessence de ces expériences et les enseignements retirés qui seront ici partagés avec les quelques couches de population encore enthousiasmées à cette idée de « Paris à tout prix ». Mais aussi avec les organisations membres de PLANOSCAM et enfin avec les autorités camerounaises en charge des migrations et de l’information au cours de trois ateliers distincts.
- Une journée d'information à l’attention des grands réseaux de la société civile camerounaise membres PLANOSCAM. Elle se tiendra au siège de PLANOSCAM, le mercredi 21 septembre 2011. Le but est de sensibiliser et informer les réseaux de la société civile camerounaise sur la réalité des politiques migratoires de notre pays et dans les pays voisins particulièrement de la CEMAC et de la CEDEAO. Avec l'espoir qu'elles seront plus attentives aux questions migratoires dans leurs actions.
- Une tournée ou un plaidoyer auprès des autorités politiques, administratives et policières sera organisée du 16 septembre au 4 octobre 2011 pour susciter une prise de conscience et ainsi proposer aux candidats à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, au Cameroun, de mettre la question des migrations au cœur des débats de la campagne électorale. Proposer aussi aux autorités administratives et policières de lutte contre l’impunité, le rançonnement et la corruption aux frontières du pays et contre la chasse, les tracasseries et le rançonnement des migrants par les forces de police. Autres propositions, la simplification et la réduction des coûts des procédures de demande de carte de séjours et de visa, la régularisation des sans papiers, le droit de vote (aux élections locales) aux migrants installés sur le sol camerounais, la mise en place de ressources pour accueillir dignement (et de façon temporaire) les migrants expulsés de façon périodique de la Guinée équatoriale et du Gabon sur les côtes camerounaises.
Le réseau lance un appel à des juristes et des avocats pour accompagner les migrants expulsés de Guinée équatoriale et du Gabon. Face à la recrudescence des expulsions sur la frontière sud (maritime et terrestre) du Cameroun (Kye Ossi et Campos) par les autorités équato-guinéenne et gabonaise, le GRAMIAC a mis en place deux centres d’alerte, d’accueil et d’assistance aux migrants expulsés et refoulés… Ses centres seront inaugurés en 2012 mais fonctionnent déjà avec un minimum. Nous souhaitons bénéficier des conseils de juristes et d’avocats volontaires,… pour accompagner les procédures des migrants.
* Mbelle Abega Jean-Jacques est coordonnateur du Groupe de Recherche sur les Migrations Internationales en Afrique Centrale) - www.gramiafrique.org
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