Contre l’oppression des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels en Ouganda.

Le Parlement ougandais a introduit le 3 octobre dernier une proposition de loi visant à instaurer la peine de prison à perpétuité contre les homosexuels, la condamnation à mort pour tout homosexuel séropositif ayant des rapports sexuels avec une personne du même sexe et la peine de mort pour les homosexuels séropositifs, sans compter une incitation à leur délation. Mais devant les critiques au niveau international, les autorités ougandaises ont revu leur position et le texte doit être révisé par le Parlement. Le réseau SAHARA, au cours de sa 5e Conférence tenue au début de décembre 2009, a dénoncé les positions homophobes du gouvernement ougandais, notamment à cause des risques encourus dans le cadre de la lutte contre le sida.

Résolution de la conférence de SAHARA concernant le secteur d’intervention contre l’oppression des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) en Ouganda.

Nous, participants à la 5ème Conférence de SAHARA,

Considérant la retransmission, le 21 août, à la radio ougandaise Radio one, d’une déclaration du Procureur Général de la République Fred Ruhindi appelant à l’application du droit pénal aux lesbiennes et gays en Ouganda par ces mots : « J’appelle les services concernés à agir conséquemment, parce que l’homosexualité est un délit condamné par le droit ougandais. Le code pénal condamne sans équivoque l’homosexualité et d’autres délits contre-nature. » ;

Considérant que cette déclaration a été faite après qu’une organisation du nom de Sexual Minorities Uganda (SMUG), une coalition de quatre organisations de lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) – Freedom and Roam Uganda, Spectrum Uganda, Integrity Uganda et Icebreakers Uganda – ait lancé une campagne intitulée « Vivons en paix », lors de laquelle cette coalition a donné une conférence de presse à Kampala, le 16 août, où ils ont condamné la discrimination et la violence envers les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, ainsi que le silence compromettant sur leur identité sexuelle dans les programmes de prévention du VIH/SIDA ;

Que, en réponse, le ministre de l’Ethique et de l’Intégrité, James Nsaba Buturo, a déclaré à la BBC, le 17 août, que l’homosexualité est « contre-nature », et qu’il a nié les accusations de harcèlement des lesbiennes, gays bisexuels et transsexuels par la police, non sans déclarer : « Nous les connaissons ; nous avons tous les détails sur leur identité. » ;

Considérant que les actes homosexuels sont criminalisés dans le cadre de la loi sur la sodomie héritée de la colonisation britannique, quoique les peines fussent substantiellement renforcées en 1990, et que la section 140 du Code pénal condamne « les rapports charnels contre-nature » - interprétés comme incluant des rapports sexuels entre personnes consentantes du même sexe – par des peines qui peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité ;

Considérant d’autre part qu’une proposition de loi récente cherche à obtenir la condamnation à mort de tout homosexuel séropositif ayant des rapports sexuels avec une personne du même sexe ;

Que la section 2 de ladite proposition de loi, intitulée Délit d’homosexualité, stipule en son article 1 : « Une personne commet le délit d’homosexualité lorsque
- a) elle pénètre l’anus ou la bouche d’une autre personne du même sexe avec son pénis ou tout autre instrument sexuel ;
- b) elle se sert d’un objet quelconque ou d’un instrument sexuel pour pénétrer ou stimuler l’organe sexuel d’un personne du même sexe ;
c) elle effectue des attouchements sur une autre personne dans l’intention de commettre un acte homosexuel. » ;

Que, en son article 2, ladite proposition de loi pose que « quiconque commet un délit mentionné sous cette section encourt une peine d’emprisonnement à perpétuité. » ;

Considérant aussi que, à la section 3 de la dite proposition de loi, intitulée « Homosexualité aggravée », ils est indiqué entre autres que : « Quiconque commet le délit d’homosexualité aggravée où… le contrevenant est une personne vivant avec le VIH… », que « quiconque commet le délit d’homosexualité aggravée encourt la peine capitale », et que, en cas de présomption « où une personne est accusée du délit mentionné dans cette section, cette personne sera soumise à un examen médical pour s’assurer de son statut séropositif. » ;

Exprimons nos vives préoccupations à ce sujet,

Préoccupations concernant une information rapportant que le gouvernement du président Museveni incite à l’homophobie et dénie les droits fondamentaux aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans-génériques ;

Nos vives préoccupations aussi que des lesbiennes et gays puissent être condamnés uniquement pour avoir revendiqué leurs droits, et que les libertés individuelles et collectives de tous les Ougandais soient en dangers ;

Nos préoccupations devant le fait que le harcèlement des défenseurs des droits humains et l’interdiction des discussions sur la sexualité menace plus que simplement la liberté, mais la vie elle-même, ayant la conviction que l’homophobie d’Etat et le financement du fanatisme vont saper les bases des efforts déployés par l’Ouganda pour combattre la propagation du VIH/SIDA ;

Convaincus que la législation putative est une déclaration de guerre contre l’homosexualité ;

Convaincus que ce qui est ici mis en cause – au-delà de la menace de la peine capitale pour les homosexuels –, c’est tout l’appareillage du traitement, de la prévention et de la prise en charge du VIH/SIDA ;

Que, par une profonde ironie du sort, un pays tel que l’Ouganda, qui est mentionné comme étant la meilleure étude de cas pour ses succès en matière de lutte contre la pandémie du sida, est à présent en train de faire l’expérience d’un véritable recul ;

Profondément préoccupés par les effets de cette législation qui va inévitablement
• diaboliser davantage l’homosexualité,
• intensifier le stigmate,
• inciter les gays et les lesbiennes à vivre dans la clandestinité, les terroriser dans leur vie quotidienne,
• réduire de façon dramatique les projets de conseil et d’assistance sociale, ainsi que de tests pour établir le statut sérologique,
• rendre totalement impossible la mobilisation des homosexuels pour les informer, les former et leur fournir des condoms, et œuvrer à la prévention de la propagation du sida ;

Préoccupés par ce que cette situation en Ouganda se présente précisément au moment où le monde comprend l’importance croissante des interventions auprès des groupes à haut risque, que ce soit les professionnels du sexe, les usagers de drogue injectable ou les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ;

Conscients que, pas plus tard que l’année dernière, le Comité ougandais de lutte contre le sida, en coopération avec l’Onusida, a appelé à un réexamen des obstacles légaux à l’implication des populations les plus à risque, y compris les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, dans la réponse à la pandémie, que ce réexamen s’est articulé logiquement à l’inauguration, par le ministre de la Santé en 2008, de l’Initiative dite « Most at Risk Populations’ Initiative » (MARPI) prise pour cibler des groupes spécifiques, dont les homosexuels ;

Conscients que, étant donné que le thème de la 5ème Conférence de SAHARA est « Réponses socioculturelles au VIH/sida», il est inconcevable que nous ne réagissions pas à la tentative du gouvernement ougandais de les droits sociaux et la liberté d’expression concernant des identité sexuelles représentées par les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ;

Conscients aussi que, dans un pays où le comportement homosexuel peut être puni d’emprisonnement à perpétuité, les derniers appels du gouvernement à des arrestations sur la base de l’orientation sexuelle constituent une grave menace pour la préservation des libertés fondamentales ;

Prenons la résolution de :
• condamner la discrimination et la violence en l’encontre des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels,
• exiger du gouvernement ougandais l’abrogation de la loi contre la sodomie de l’époque coloniale,
• exiger du gouvernement l’arrêt du harcèlement dont sont victime les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels,
• demander au gouvernement de mettre fin à la campagne de déclarations homo-phobiques menée par des hauts responsables,
• demander au gouvernement ougandais d’assurer la pleine intégration des questions relatives à l’orientation sexuelle et aux identités génériques dans les programmes nationaux de prévention et de prise en charge du VIH,
• exiger du gouvernement ougandais qu’il assure le ciblage effectif des populations les plus à risque et les plus vulnérables – dont la population des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels – par des interventions culturellement appropriées de prévention, de prise en charge et de traitement.

Nous sommes résolus à allier nos forces avec celles des activistes lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels sur le terrain en Ouganda. L’activisme des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels a toujours forcé l’admiration, mais notre présente résolution est d’autant plus importante que, en l’instance présente, des vies sont en jeu.

* Cette déclaration a été adoptée à la l’occaction de la 5e Conference SAHARA tenue du 30 novembre au 3 décembre 2009, à Johannesburg

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