Gambie : appel pour deux militantes de Droits de l’homme en jugement

Dr Isatou Touray et Amie Bojang-Sissoho deux femmes défenseurs des droits de l’homme libérées sous caution avec des conditions contraignantes. Une coalition d’organisation de défense des droits humains lance un appel pour l’annulation des poursuites

Après avoir passé dix jours en détention deux femmes défenseurs des droits de l’homme en Gambie, Dr Isatou Touray et Amie Bojang-Sissoho, ont été libérées sous caution le mercredi 20 octobre après avoir été entendues par les juges du Tribunal de Banjul, dans une salle pleine à craquer. Le montant de la caution est fixé à 1,5 Million de Dalasi, soit 50, 000 dollas environ pour chacune, plus une propriété foncière.

Dr Isatou Touray, Directrice exécutive et Amie Bojang-Sissoho, Coordonnatrice des programmes pour le Comité de la Gambie sur les Pratiques Traditionnelles (GAMCOTRAP), ont été arrêtées le lundi le 11 octobre 2010 par les forces de sécurité gambiennes, gardées à vue au Commissariat de police Banjul puis présentées aux juges du Tribunal de Banjul qui leur a refusé la liberté sous caution avant de les envoyer à la Prison Centrale de Mile Two, le mardi 12 octobre 2010. Elles ont été accusées du vol de 30, 000 euros reçus d'une ONG espagnole, Yolocamba Solidaridad.

Pour rappel, en mai 2010, la présidence de la République avait mis en place une commission d’enquête suite à des allégations de mauvaise gestion des fonds de l’ONG espagnole Yolocamba Solidaridad. La commission composée de huit personnes qui avait pu accéder à toutes les pièces comptables, et avait conclu dans son rapport que « l’allégation selon laquelle GAMCOTRAP avait détourné de l’argent n’était pas fondée. Il ressortait des éléments fournis par la commission, que Yolocamba Solidaridad a tout simplement voulu peindre GAMCOTRAP comme une organisation qui n’avait pas les capacités requises pour mettre en œuvre un projet d’une telle ampleur, uniquement dans le but de créer une organisation concurrente pour lui confier le projet».

Le rapport a également mentionné que « Yolocamba Solidaridad avait reçu tous les rapports financiers aux échéances dues, avant de préciser que Yolocamba Solidaridad doit envoyer 151, 277 euros à GAMCOTRAP pour effectuer la deuxième phase du projet parce que les fonds ont été levés suite à la proposition de projet préparée par GAMCOTRAP ».

Suite à la présentation du rapport, la commission d’enquête a été dissoute, certains de ses membres licenciés de l’administration gambienne et une deuxième commission mise en place. Cette dernière n’a pas encore déposé son rapport.

Ce qui est surprenant, c’est l'intérêt du gouvernement gambien pour une affaire privée entre deux organisations non gouvernementales, d'autant plus que le rapport de la commission fait état de divergences comme étant à l’origine des allégations. Le gouvernement aurait dû simplement laisser les deux organisations non gouvernementales traiter elles-mêmes tout problème qui puisse exister entre elles. En l’espèce, c’est plutôt une procédure civile qui aurait dû être enclenchée, avant toute action pénale.

Comme tenu du communiqué rendu public le 17 octobre et supposé provenir de l’ONG espagnole elle-même, il n’y a aucune raison pour que la procédure enclenchée contre les deux femmes se poursuive. Selon Maria Jésus Gayol Rodrigez, présidente de Yolocamba, «Yolocamba Solidaridad exige la libération immédiate des membres de l'organisation GAMCOTRAP, Dr Isatou Touray et Amie Bojang Sissoho et le respect des Droits de l'homme. Le problème qui a causé leur arrestation a trait à une affaire administrative et ne peut être résolu par une cour pénale ». Elle a par ailleurs exigé que «des dispositions soient prises pour éviter toute influence politique dans le traitement de l’affaire et pour ne pas porter atteinte à GAMCOTRAP qui œuvre pour la défense des droits des hommes et des femmes gambiennes».

Le gouvernement doit accéder à la demande formulée par Yolocamba en annulant la procédure judiciaire, pour amener les deux organisations à trouver une solution à ce problème.

Dr Isatou Touray et Mme Amie Bojang-Sissoho ont pendant plusieurs d'années été actives dans la promotion du genre, des droits des femmes et des enfants, en particulier dans le combat contre les mutilations génitales féminines (MGF) et d'autres pratiques discriminatoires. Dr Touray est aussi secrétaire général du Comité Inter-africain contre les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (CIAF). Elle a été nommée « Personnalité de l'Année » en 2008 par l’hebdomadaire « The News and Report » pour son action autour des MGF et la promotion des droits de femmes et des enfants. Dr Touray est membre de l’organisation Femmes sous Lois Musulmanes et toutes les deux ont été actives dans le réseau qui promeut et protège les droits de femmes, particulièrement dans des contextes de communautés musulmanes.

Amie Bojang Sissoho est journaliste et a contribué significativement au développement des femmes et des enfants en particulier dans le cadre des programmes éducatifs de Radio Gambie et des Services de Télévision (GRTS).

Les deux femmes devront se présenter à nouveau devant le Tribunal le 3 novembre 2010.

La Coalition pour les Droits Humains en Gambie invite le Gouvernement gambien à respecter les droits humains et constitutionnels du Dr Isatou Touray et Amie Bojang Sissoho en leur accordant la relaxe pure et simple. La Coalition recommande vivement aux autorités gambiennes de garantir leur droit à un procès juste et équitable en vue de préserver leur sécurité et leur dignité.

* Organisations signataires
- Réseau Interafricain des femmes, Médias, Genre et Développement (FAMEDEV)
- Fédération Internationale des Journalistes (FIJ)
- Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS)
- Rencontre Africaine pour le Défense Des Droits de l’Homme (RADDHO),
- Amnesty International, Section Sénégal
- Radio Alternative Voice for Gambians-Radio AVG
- Article 19
- Organisation Nationale des Droits de l’Homme (ONDH)
- Réseau Presse et Parlement du Sénégal (REPPAS)
- Union des Journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO).

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