Darfour : Le terme indésirable crie toujours haut son nom

Dans un discours récemment prononcé lors du 50ème Anniversaire de la Première Conférence Internationale des Ecrivains & Artistes Noirs à Paris, Wole Soyinka a lancé une mise en garde contre la négligence de ceux qui demeurent silencieux envers les crimes contre l’humanité à Darfour: «Comme les armées de l’Etat soudanais s’amassent pour le dernier massacre de son plan d’extermination raciale déterminé depuis longtemps, cet avenir va vous stigmatiser tout un chacun, vous appellera collaborateurs et complices si vous abandonnez les gens de Darfour à ce sort terrible, un sort qui, de manière aveuglante, traîne son nom au travers des sables et montagnes suppliantes de Darfour- Génocide ! »

N’est-ce pas ici, sur ce même sol français, dans cette nation fière de sa culture qui parfois apparaît comme renfermer la notion - même de civilisation avec tout ce qui est uniquement français, qu’un combattant culturel a une fois mené sa lutte il y a quelques années ? Sa mission était d’arrêter la marée d’un néo-barbarisme qui, pour les Français, est synonyme de tout ce qui est américain. Perdue sur ce protecteur de pureté culturelle française se trouvait une pensée qui doit avoir chatouillé la mémoire collective des anciennes colonies françaises : la macdonalisation ou la disneyisation du paysage urbain français était une justice poétique dans un jeu inverse de l’histoire. Les Macdonalds étaient arrivés d’une ancienne colonie d’une autre puissance européenne pour défier l’hermétisme culturel d’un ancien colonisateur.

Les circonstances, et l’action directe de la réponse de bulldozer différaient en quelque sorte de la stratégie qu’avaient adoptée le poète et homme d’Etat Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Léon Damas, Diop, René Depestre et d’autres militants culturels-en vue d’adopter la propre expression de Senghor - dans leur propre temps.

Ils protestaient également – étant juste sur le terrain - même de leurs colonisateurs, et en tant que protagonistes d’une civilisation se trouvant à distance – contre l’ascendance des autres en ce qui concerne leurs propres cultures et civilisations. Leur préoccupation était, bien entendu, une protestation à grande échelle, initiée au sein du camp ennemi, contre le dialogue inégal entre la France et ses possessions, un dialogue qui avait tourné l’esprit africain en un pur et simple réceptacle culturel de la France, le collant à l’identité et aux valeurs européennes. Ainsi, la Négritude - pour lui donner son nom - fut contrainte de commencer par une stratégie apparemment séparatiste, celle qui a repris une matrice culturelle africaine en contradistinction avec celle de l’Europe.

L’implication de ceci, sur le plan superficiel, était que les tenants de la Négritude ont commencé avec une proposition de deux cultures distinctes, parallèles, deux monologues - l’une, celle de l’Europe, l’autre, noire africaine. C’était, en langage cru, une stratégie de battre le feu par le feu. Ceux ou celles qui se rappellent de la phase du nationalisme noir aux Etats-Unis et en Afrique du Sud sous l’Apartheid - Back to Africa (Retour en Afrique), Black is Beautiful (Le Noir est Joli), Black Consciousness (Prise de Conscience Noire) etc. - pourront facilement reconnaître en la Négritude l’héritier et le précurseur d’une tradition qui est née du déplacement, de la domination et de la dépossession. Sa stratégie a provoqué des accusations de contre racisme en provenance de la pensée des blancs - formulées peut-être bénignement par Jean-Paul Sartre comme –racisme anti-raciste.

Tout le discours racial existant - toutes les propositions et projets contemporains de séparatisme culturel étaient également bénins, et même, dans le cas présent, propices à l’harmonisation de la race humaine. Car même cette assurance séparatiste était finalement guidée vers le prédicat de convergence avec les autres. Cette vision optimiste, l’insémination mutuelle des cultures, sous l’historicisme inlassable de Léopold Sédar Senghor, s’est élargie pour embrasser le monde arabe et ses réalités, ce à quoi il a donné le nom –Arabite. Ce fut l’annonciation culminante de ce qui résulterait inexorablement - dans la formulation de Senghor- en tant que l’Equilibre de l’Humanisme du Vingtième Siècle, la civilisation l’universel.

Ce serait plus que suffisant, à mon avis, si notre rassemblement aujourd’hui ne réalisait rien de plus qu’une mention de cet optimisme, une réunion d’esprits, une célébration d’identité et d’origine, et une ouverture de la mémoire collective pour interrogation, pour déterminer ce dont on doit se débarrasser, et ce qui doit être renforcé en tant qu’une contribution raciale à la recherche de l’universel. Cela resterait toujours profondément suffisant si nous n’avions que seulement répondu à l’impulsion humaine vers la célébration, en nous taillant une brève pause pour nous-mêmes, des exigences cinglantes d’un monde de plus en plus instable, ses côtés négatifs, ses saisons de crainte et de menace, simplement pour se prélasser, pendant deux ou trois jours dans la bravoure d’une initiative de 50 ans qui cherchait à ôter de ses limites racistes un monde fermé, impérial et agressif.

Ce serait suffisant de célébrer ce moment, il y a cinquante ans, quand les citoyens du continent de dédain, et leurs frères et sœurs de la Diaspora ont rejoint les esprits pour démolir les doctrines sur lesquelles la mission de colonialisme fut soulevée, et défier les écritures - tant religieuses que philosophiques - dont l’autorité de commerce inhumain en chaire noire - arabe et européenne - avait été justifiée. La célébration pourrait choisir de se limiter à l’euphorie de cet événement, mais celle qui pourrait aussi être suivie de sobriété du « matin suivant » lorsque la réflexion prend le dessus, et les convocations expressives ou implicites de l’occasion commencent à resurgir, enjoignant une replanification de l’avenir, un repositionnement d’attitudes, un remplacement de la complaisance par le réengagement, troublant sa paix d’esprit par les convocations d’un impératif familier: une tâche qui demeure non - finie, même après cinquante ans.

La perspective - même d’une telle réunion, même avant l’événement, pourrait cependant avoir provoqué un état d’alerte aux réalités courantes, thématiquement contingentes, réalités qui exposent les provocations - même qui n’ont, en aucun cas, créé la nécessité de ce rassemblement initial, sur et au-delà de la simple volonté d’une rencontre d’esprits. Les réalités qui rendent le bulldozer presque un acte bienveillant, puisque cet agent d’éradication culturelle a depuis cédé le passage aux camions blindés, à la lance-flammes, à l’avion mitrailleur et à la bombe de fragmentation.

Les réalités où- pour ramener tout au présent- un Etat supposé être moderne, avec son armement massif de coercition, a remplacé le franc-tireur local, agit en toute confiance du contrôle de ses propres frontières, et dans un projet d’altération de la démographie d’un espace humanisé, son histoire, le caractère unique de sa culture-en peu de mots, un projet d’éradication de son humanité prospère.

Même pendant que nous parlons, même au moment où le monde est distrait par d’autres zones du globe où la situation est chaude, un tel projet est en train de se dérouler sur le continent noir, avec la complicité passive de ce continent.

Ceux qui ont eu le privilège douteux de lire les manifestes de la pointe d’une politique étatique de nettoyage ethnique, les Janjaweed soudanais, un programme prononcé, sans ambiguïté, comme l’arabisation de la nation soudanaise -vont sûrement se tordre devant le langage nu de l’incitation raciale, ses prétentions de supériorité raciale, complétées par le langage de la haine et du dédain pour l’autochtone africain. Ce n’est pas précisément ce que Senghor avait à l’esprit quand il a embarqué sur sa fraternelle annonciation de l’arabite et sa proposition d’une collaboration nord-sud, négro-arabe entre cultures. Je ne parle même pas d’arabisme….je parle d’arabite, de cet arabite qui est le foyer irradiant des vertus de l’éternal Bedouin.

Comment Senghor, idéaliste humaniste, frissonnerait aujourd’hui devant la perversion de cette vision sur la lecture des tracts contemporains dans lesquels un Etat s’engage -à travers ses substituts- pour l’éradication de partenaires dans cette aventure optimiste, cautionne activement l’élimination de ces partenaires culturels qui, pour en rajouter à la sombre ironie, étaient des autochtones de cette terre longtemps avant l’arrivée des apôtres actuels de la suprématie raciale, une erreur pernicieuse que l’on espérait avoir été rejetée par les criminalités raciales monumentales du passé - l’esclavage arabo-européenne et le commerce de la commodité des peuples africains, par la culture de Jim Crow de la gouvernance par les foules à lyncher et des lois de la ségrégation dans le « nouveau monde brave » de la Grande Amérique, par les leçons de l’Holocauste, les atrocités de l’Afrique du Sud sous l’Apartheid, et même, si récemment, les horreurs du Rwanda.

C’est clairement l’ambition du gouvernement soudanais de battre les records de manque d’honneur, et le monde semble accepter qu’il mérite le succès, qu’il est bon et juste qu’une nation africaine joigne son nom au long catalogue d’infamie raciste. Réjouissez-vous de la sévérité et de la concision des directives contenues dans les documents authentifiés pris du quartier général d’un certain Sheik Musa Hilal, dirigeant reconnu des Janjaweed: changer la démographie de Darfour. Vider cette région de toutes les tribus africaines.

La nation qu’est le Soudan appartient à deux familles de la communauté mondiale-les Arabes et les Africains. Ces dernières sont structurées, et sont mondialement reconnues, en tant que la Ligue Arabe, et l’Union Africaine. Il est déprimant d’observer l’indifférence étudiée de l’une-la famille arabe - face à la criminalité de l’un de ses membres, une nation historiquement placée comme, suivant l’architecture culturelle de Senghor, le monde de l’Afrique du Nord Arabe représente le pont entre l’Afrique et l’Europe. La famille africaine, pour sa part, manifeste une impotence qui pousse à la honte et qui permet une nouvelle promulgation d’une histoire qui a forgé les chaînes coloniales.

Mais il y a aussi une troisième, une famille qui est à cheval sur les deux et qui est commune aux deux côtés – les Nations unies. Lorsqu’une branche déviante de cette famille de nations ignore le reste, et en effet choisit d’abandonner les normes les plus élémentaires de la décence humaine, est-il réellement justifié d’évoquer l’excuse comme quoi il y a un protocole qui exige la permission de cette entité arrogante même, celle qui, sans aucune ambiguïté, fait face à un acte d’accusation au tribunal de censure universelle, avant qu’elle n’aille secourir ses victimes abusées, violées, et traitées de façon inhumaine?

L’on trouve bizarre que cet alibi pour le manque d’action n’ait pas été invoqué devant l’intervention rigoureuse dans l’ancienne Yougoslavie, une intervention qui a non seulement délogé un régime aberrant, mais aussi supervisé le retour et la réhabilitation des populations dispersées de personnes d’ethnie albanaise et de Croates Musulmans. Si la vitesse d’éclair avec laquelle l’ONU a répondu à la dernière guerre au Moyen-Orient et à ses conséquences est expliquée par la volonté des belligérants d’accepter, au fait de demander la présence d’agents pour faire respecter la loi de la part des Nations Unies, nous demeurons toujours sans explication pour l’exemple de l’intervention au Centre de l’Europe dans le cas de la résistance vigoureuse des régimes meurtriers.

Dans quelle catégorie exactement cela laisse-t-il la situation africaine? Egaux devant les structures concernant les droits et les responsabilités au niveau de la famille, ou encore une fois, cinquante ans après la première attaque organisée contre un ordre racial, ou des orphelins marginalisés de l’histoire?

Au moment où nous parlons, l’Union Africaine se prépare à abandonner les peuples de Darfour, les laissant à la merci des adeptes de la doctrine raciale qui tuent, qui violent et qui brûlent, en retirant même ses forces de protection dont l’inefficacité est pathétique et qui, tout au moins, assurait une présence morale et un minimum de retenue. Nous parlons d’une nation où le viol en masse est donné comme un compliment à la vision de métissage culturel de Senghor. Ceci est le profil établi d’un régime qui a donné à ses pairs leurs ordres de marche, qui leur a lu la loi sur les grèves et prononcé son ultimatum, et la famille africaine a choisi d’obéir, de battre en retraite, la tête entre les jambes. La Famille Arabe, celle à laquelle appartient la première autorité morale peu importe le lieu de son membre sur le continent noir, a vigoureusement refusé d’appeler le Soudan à l’ordre, au fait elle a placé des obstacles sur la voie plutôt que des sanctions. Mais par quel droit cette personne qui parle impose-t-elle cette responsabilité morale au monde arabe?

Aucune du tout, sauf avec l’autorité des protagonistes de culture arabe eux-mêmes, concernant leurs propres prétentions historiques, tels que l’Arabiste auto-proclamé, le premier ministre soudanais, Ismail Al- Azhari, qui, en 1965, a fait la déclaration suivante:

‘Nous sommes fiers de notre origine arabe, de notre arabisme et d’être Musulmans. Les Arabes sont venus sur ce continent, en tant que pionniers, pour propager une culture authentique et promouvoir des principes qui conviennent qui ont apporté la lumière et la civilisation à travers l’Afrique au moment où l’Europe était plongée dans une abîme d’obscurité, d’ignorance, et de mouvement rétrograde en termes de doctrines et d’éducation. Ce sont nos ancêtres qui ont porté plus haut le flambeau et conduit la caravane de libération et de progrès; et ce sont eux qui ont fourni les meilleurs ingrédients aux cultures grecque, perse et indienne, en leur donnant la chance de réagir avec tout ce qui était noble au sein de la culture arabe, et de les remettre au reste du monde en tant que guides à ceux qui souhaitaient les frontières de l’apprentissage”

Cette belle déclaration,– ne vous souciez pas de ses accents hyperboliques – mais certainement une déclaration que Léopold Sédar Senghor aurait endossée comme l’hymne spirituel de l’Arabite, fut faite juste moins d’une décennie après la première rencontre des écrivains et artistes noirs du monde, forcée également par le besoin de situer adéquatement leur race et leur héritage dans un monde raciste. Les affirmations de la civilisation noire n’étaient pas moins résonantes lors de cette conférence, pas moins fières, la mission de retour à la race pas moins passionnée. Et la question que nous devons poser au gouvernement soudanais est tout simplement celle-ci: comment l’actuel manifeste des Janjaweed, les champions de l’Arabisme, ses projets d’extermination culturelle, correspond-il au manifeste d’illumination d’Al-Azhari – parmi tant d’autres ?

Examinez les contenus des affirmations reprises par les missions des Nations Unies sur la détermination des faits, examinez même les dossiers qui ont eu pour suite des actes d’accusation scellés contre des individus nommés tant au sein du gouvernement qu’au sein de l’ordre autonome des Janjaweed, les frères d’âmes des Milesovics, des Radovan Karavics, des Radkos de l’Est de l’Europe, et dites-nous si l’emblème d’illumination d’Al-Azhari n’a pas été terni par ses apôtres hitlériens.

Et la famille africaine? Je me réfère à la famille de l’idéalisme humaniste sur lequel les poètes et philosophes ont chanté ou prêché – Aime Césaire, Léon Damas, Marcelino dos Santos John Mbiti, Ogotimeli, Tierno Bokar et tous les autres. N’ont-ils pas enseigné que l’humanisme africain n’implique pas une préoccupation, et une responsabilité envers “mon voisin”? Et cette responsabilité se termine-t-elle par la puissance de l’éloquence et la commodité du compromis? Cette famille africaine, qui désire l’honneur culturel de la part de toutes les races du monde, fera l’objet de notre rencontre ici, donc pour l’instant, nous laisserons cette question en suspens: Cette famille a-t-elle fait une quelconque tentative de dénoncer ouvertement ou de rejeter ce membre rebelle?

Ce qui se passe dans des caucus privés à huis clos du soi-disant “mécanisme africain de revue par les pairs”du NEPAD et d’autres structures de restreinte tant vantées, est le confort froid de ceux qui sont violés chaque jour, qui luttent contre le vent chaud et granuleux à cause des haillons couvrant leurs derrières, le soleil impitoyable pour l’humidité, les chameaux pour les touffes sèches d’herbes, qui ont échappé à la colère des arsonistes Janjaweed. Et pendant qu’ils abandonnent leurs camps, purement et simplement par résignation, à la recherche de plus de nourriture, ne voient-ils pas les maraudeurs Janjaweed se jeter sur eux, les abattre, les violer, les laissant mutilés et dépouillés des derniers lambeaux de leur dignité innée?

Pour la famille de tous, les Nations Unies, qui, à plusieurs reprises ont été forcées d’avouer, ‘Plus Jamais’, elle continue de tenir des rencontres impotentes et de mener des débats stériles. Des actes d’accusation scellés contre les violateurs identifiés de l’humanité sont admirables, mais ils ne peuvent pas remplacer la rigueur et l’honneur de la prévention.

Il n’y a pas un seul membre de la famille onusienne qui ait exprimé son mécontentement en renvoyant les diplomates soudanais hors de ses frontières. Il n’y a pas un seul qui ait demandé que des sanctions soient universellement appliquées à la fosse d’aisance de l’impunité pénale. Pour des décennies, la Libye fut déclarée « l’intouchable » de la communauté internationale pour suspicion et / ou preuve de complicité dans des actes de terrorisme, et de cacher des terroristes au sein de ses frontières – elle a été ostracisée. D

e quelle dimension supplémentaire de terrorisme d’Etat le monde a-t-il besoin pour agir lorsqu’un gouvernement lâche ses substituts, armés jusqu’aux dents, soutenus, approvisionnés, et logistiquement rendus capables par ses propres forces et ses services de renseignement, autorisés par des mandats bien documentés de nettoyage ethnique, ses actes vus par des témoins, enregistrés et repris dans les rapports des agences - même des Nations –Unies, ses résultats ont présenté le paysage soudanais comme ayant des terrains formant des cimetières communs, des ruines de villages brûlés, des puits empoisonnés, des bétails massacrés, au milieu d’une armée gonflée de survivants mutilés, de victimes de viols en masse, de camps de réfugiés débordants et frappés par des maladies.

Les mots sont comme notre stock à vendre, et les écrivains ne tardent pas à le constater lorsqu’un mot crie haut à travers son absence et le fait de l’éviter. Maintenant quel est ce mot que les Nations Unies, encore une fois, a scrupuleusement emballé, en l’évitant stratégiquement, un responsable moral qui a conduit, l’on se rappelle très récemment, au - Rwanda? Les protocoles sont clairs. La reconnaissance d’une certaine dimension de criminalité contre un peuple, sa culture, contre l’existence - même du peuple de Darfour, force les Nations Unies d’agir. Mais non, Darfour n’est pas au coeur de l’Europe.

Ce n’est pas le coeur du Liban ou les frontières d’Israël. Il est situé dans la terre du dédain, reconnu uniquement comme le domicile de l’envie et, par occasion,– des ressources matérielles très recherchées. Donc, qu’est-ce au juste ce mot qui accuse, condamne, et ne sera pas réduit au silence? Quel est ce mot pour lequel tant de substituts sont amassés, bien que dérobé de l’impératif inexorable, dans les corridors et les chambres des Nations Unies?

En tant qu’écrivains, nous ne pouvons pas cesser de reconnaître et d’embrasser notre mission de témoigner et de tendre des pièges aux esprits évasifs. Ceux qui sont vivants aujourd’hui pour être témoins de cette perfidie renouvelée, et leurs successeurs vivants ou non - encore nés pour ce qui est de la mission d’avertir et de témoigner, ne vont pas oublier. Permettez que les mots, tout au moins, soient mobilisés vers l’accomplissement des responsabilités de ceux qui sont chargés de la protection des faibles et des sans défense, ceux qui sont temporellement désavantagés, permettez qu’ils persistent en vous disant, tous ceux qui tiennent les premiers contrôles de la direction de l’avenir du continent, que cet avenir ne va pas oublier, ni ne pardonnera pas.

Au moment où les armées de l’Etat soudanais s’amassent pour le dernier massacre de son plan d’extermination raciale déterminé depuis longtemps, cet avenir va vous stigmatiser tout un chacun, vous appellera collaborateurs et complices si vous abandonnez les gens de Darfour à ce sort terrible, un sort qui, aveuglement, traîne son nom au travers des sables et des montagnes suppliants de Darfour – Génocide!

• Le présent document du Professeur Wole Soyinka fut présenté lors du 50ème Anniversaire de la 1ère Conférence Internationale des Ecrivains & Artistes Noirs - Paris, du 19 au 22 septembre 2006. Il est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur. Il a d’abord paru dans l’édition anglaise de Pambazuka News n° : 273.
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