L’Union africaine joue les prolongations du match de l’Afrique contre la faim

Les membres de la campagne Cultivons s’inquiètent du fait que la déclaration de Malabo, contrairement à celle de Maputo, en 2003, n’est pas assez explicite sur la priorité du renforcement des exploitations familiales, un paradoxe inquiétant en pleine année internationale de l’agriculture familiale !

Le 23e sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union africaine, sur l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique, a pris fin, le 27 juin 2014, à Malabo, par l’adoption d’une déclaration très attendue.

La société civile tient saluer de réelles avancées, notamment la réaffirmation de la nécessité d'augmenter l'investissement public dans l'agriculture, renouvelant ainsi l’engagement des 10%. (1) La priorité panafricaine d’éradiquer la faim sur le continent, d’ici 2025, est également une très bonne nouvelle ; de même que la volonté de réduire la pauvreté de moitié, sur le continent, d’ici 2025 aussi. La résolution à dynamiser le marché intérieur africain et à renforcer l'intégration régionale dans le domaine agricole offre de belles perspectives pour les agriculteurs africains. De nouveaux objectifs ont été fixés, parmi lesquels doubler la productivité agricole, réduire de moitié les pertes post-récolte et consolider les réserves alimentaires pour renforcer la résilience et prévenir les crises alimentaires en Afrique.

« Au niveau ouest-africain, la Cedeao devra s’appuyer sur l’engagement fort des Chefs d’Etats et de Gouvernements pour booster sa récente initiative Faim Zéro et accélérer la mise en place des stratégies de réserves alimentaires et de protection sociale essentielles pour la lutte contre la faim et la pauvreté que l’Afrique continue de subir, ce dont nous nous réjouissons'' déclare Al Hassan Cissé, responsable du plaidoyer en sécurité alimentaire à Oxfam.

Cependant, les membres de la campagne Cultivons s’inquiètent du fait que la déclaration de Malabo, contrairement à celle de Maputo, en 2003, n’est pas assez explicite sur la priorité du renforcement des exploitations familiales, un paradoxe inquiétant en pleine année internationale de l’agriculture familiale ! De plus, le sommet de Malabo aborde la question agricole sous l’angle de la production. Cela reste pertinent, mais la qualité et les conditions sociales et environnementales de production et d’accès à l’alimentation doivent être garanties.

Par ailleurs, l’option de l’Ua, de favoriser l’agrobusiness et l’investissement privé dans l’agriculture, renforce les inquiétudes relatives à la Nouvelle alliance du G8 (Nasan) dans plusieurs pays ouest-africains. En effet, rien n’indique que ces investissements privés seraient alignés sur les priorités de souveraineté alimentaire, ni structurés de façon à répondre aux besoins des populations et au renforcement du monde paysan ouest-africain. Enfin, malgré le noble objectif de réduction de la pauvreté, les plus vulnérables en Afrique, les femmes rurales et les éleveurs notamment, n’apparaissent pas comme prioritaires.

« Malgré la reconnaissance de la contribution significative des femmes dans l’agriculture et leur forte vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, les 7 engagements de Malabo n’abordent pas cette question. De plus, la question foncière, pourtant promue par les Ministres africains lors de leur conférence d'Addis Ababa, en mai 2014, n'est pas abordée, alors qu'elle conditionne fortement le développement de l'agriculture familiale et la réduction de la pauvreté », insiste Kafui Kuwonou, chargée de programmes en chef pour Wildaf en l'Afrique de l'Ouest.

Pour les membres de la campagne Cultivons ; les résultats de Malabo sont mitigés et posent déjà la question de leur application. «Nous resterons mobilisés et attentifs pour que dès 2015, les budgets des ministères de l’agriculture traduisent l’engagement renouvelé des 10% soutenu par une réorientation ambitieuse des politiques agricoles, en faveur de l’agriculture familiale ciblant les jeunes, les femmes et les éleveurs, notamment » affirme Bachir Diop, Président de l’Ipar.

L'heure est, en effet, à la mise en place de mécanismes plus performants de suivi et d’évaluation des engagements de Malabo. Le cadre de résultats du Pddaa, (2) son développement et son utilisation par les Etats africains sera donc particulièrement suivi par la société civile, en insistant sur la nécessité de renforcer les processus participatifs d'élaboration des politiques agricoles, des plans d'investissements et des cadres de reddition des comptes de la part des autorités.

« Nous demandons dans la foulée de Malabo, un cadre de résultats opérationnel et clair avec des indicateurs de performance réalistes mais ambitieux, utilisable au niveau des pays comme du continent, et un calendrier de suivi détaillé de 2015 à 2025 particulièrement sur les conditions et résultats de la revue de la présente déclaration voulue tous les deux ans. L’Afrique de l’Ouest devra être en avant-garde sur ce point, nous y veillerons » conclut Aliou Ibrahima, le secrétaire général de l’Apess en Afrique de l’Ouest.

Pour conclure, il est temps que l’Ua muscle son jeu sur le terrain agricole pour gagner le match contre la faim en Afrique !

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



* Ne vous faites pas seulement offrir Pambazuka ! Devenez un Ami de Pambazuka et faites un don MAINTENANT pour aider à maintenir Pambazuka LIBRE et INDEPENDANT !
http://pambazuka.org/en/friends.php

** Alexandre Seron, Coordonnateur de la campagne Cultivons ; Awa Faly Bâ, Oxfam Afrique de l’Ouest ("Cultivons" est la nouvelle campagne d'Oxfam en faveur de meilleures méthodes pour cultiver, partager et vivre ensemble)

*** Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur le site de Pambazuka News

**** Les opinions exprimées dans les textes reflètent les points de vue des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de la rédaction de Pambazuka News

NOTES
1) Pour rappel, 10 ans après Maputo et la résolution des chefs d’Etats Africains d’investir au moins 10% des budgets nationaux dans l’agriculture, seuls 8 pays notamment le Burkina Faso, le Niger, la Guinée, le Sénégal, le Mali et le Ghana en Afrique de l’Ouest ont respecté leur engagement alors que la moyenne continentale plafonne à 4%.

2) Le Programme détaillé de développement de l’agriculture Africaine (Pddaa) http://www.nepad-caadp.net/francais/index.php

A la veille du sommet de Malabo, à l’appel de Cultivons et ses partenaires, plus de 2 millions de citoyens africains avaient appelé l’Union Africaine, à « investir dans nos agriculteurs, nos élevages, notre alimentation et notre avenir »

. 120 organisations paysannes et de la société civile africaine avaient formulé 10 recommandations pour un nouvel engagement des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union