La crise est mondiale, mais quelles en sont les causes ?
Il faut « éviter les « experts » étrangers. Si vous rencontrez des « consultants » ou des « conseillers » officiels du Fmi et de la Banque Mondiale , de l'OMC, de l'OCDE, dans les ministères de vos gouvernements ou dans les Banques centrales communautés régionales, cachez-vous, ou mieux, fuyez ». Pr Yash Tadon (1)
Les économistes socialisants ne se font pas prier pour réciter les leçons et slogans éculés de la Banque mondiale et du Fmi, du genre : « La crise est un phénomène mondial, elle n'épargne aucun pays». Relayant les entreprises de désinformation mondiales, les « médiamensonges », pour reprendre les termes et le titre du livre de Michel Collon, ils n'ont cessé d'être des caisses de résonance des « thèses » creuses de ces institutions financières, dans le contexte de nos pays pauvres très endettés (PPTE). La thèse des « avantages comparatifs » : ( importez du riz à bon marché au lieu de le cultiver », en faisait partie. Nous avons vu ce que nous a coûté le fait d'appliquer sans «discussion ni murmure » ces bêtises économiques. Actuellement les conséquences sont là. Nous dépendons de l'extérieur pour nourrir les populations. Alors que nous avons l'expérience et disposons Des mêmes facteurs de productions que ces pays qui cultivent le riz.
La crise est mondiale, certes. Mais il ne suffit pas de s'arrêter au constat. Ne faudrait-il pas en chercher les causes, les tenants et les aboutissants ? Sur ce plan, nos ministres, nos statisticiens économistes, cafouillent, balbutient lorsqu'ils communiquent sur la question.
Le prix du baril de pétrole flambe, mais qui est responsable de ce phénomène ? Depuis la découverte du pétrole en Arabie Saoudite vers les années 1930 , c'est le gouvernement des Etats-Unis, à travers la Société pétolière Aramco, qui, pour l'essentiel, régente la production dans le Royaume. Qui en parle ?
Le cours du baril flambe ? Mais que le gouvernement des Etats-Unis arrête les guerres qu'il mène ou fomente à travers le monde (Irak, Afghanistan, menaces sur l'Iran, la Syrie , la Corée etc.) dans le but de faire main basse sur les richesses des autres pays pauvres. Sans doute que les cours des prix du pétrole ne vont plus monter, l'indice de la misère et de la pauvreté ne vont plus chuter d'un cran. Voila les véritables questions que nos grands économistes se gardent de souligner.
Cela dit, pourquoi le président de l'Oci, ne cherche t-il pas à demander à l'Emir du Koweït, au Roi d'Arabie Saoudite, d'user de leur influence auprès de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et de l'OPAEP (Organisation des Pays arabes exportateurs de pétrole), pour obtenir des prix préférentiels en faveur des PPTE, comme l'a fait le Venezuela pour Cuba et Haïti.
C’est ainsi qu'en 2004 le prix du baril a été cédé à Cuba à 27 dollars. C'est dans cette optique qu'au Venezuela, dès que le prix du baril dépasse 70 dollars sur le marché mondial, le surplus est affecté à un fonds pour les investissements sociaux. La position du Président Chavez, lors de la récente conférence de l'OPEP, allait dans le sens de cette forme de solidarité envers les pays pauvres, se conformant à la pratique dans le cadre de l'Accord Bolivarienne des Amériques (ALBA).
Quand les « experts », de la BM et du FMI s'érigent en donneurs de leçons de bonne gouvernance, on peut se demander où est-ce qu'ils étaient, ainsi que leurs chefs, quand les décisions folles induisant des dépenses folles, de la part des chefs d’Etat africains, se multipliaient. Où est ce qu'ils étaient, lorsque l'ex-président Abacha, volait les 40 millions de livres sterling sur le point d'être rapatriés par le gouvernement britannique ?
Aujourd’hui, les discours sur la pauvreté et les « soins économiques palliatifs » de « ces grands illuminés » ne manqueront pas de faire retourner dans leurs tombe Cheikh Anta Diop et Thomas Sankara, et faire sourire nos amis Samir Amin, Casonava, Demba Moussa Dembélé, Makhtar Diouf , Chomsky , Eric Toussaint, Casanova, Amady Aly Dieng, Stieglitz, Michel Chossudovsky, Yash Tandon, Fidel Castro et autres économistes d'Europe, d'Asie, d'Amérique Latine qui, depuis plusieurs décennies, n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme, refusant d'être des complices de ces exploiteurs mondiaux, et montrant que le capitalisme, dans les excroissances de ses euphémismes que sont « mondialisation » et « néolibéralisme », ne peut mener le monde qu'à la catastrophe.
Après le rugissement des affamés, des «damnés de la terre », ces messieurs ont commencé à s'agiter pour donner l'impression que personne n'a eu à chercher à prévenir la tragédie que le monde est en train de vivre. En tout cas en Afrique, Cheikh Anta Diop, avait déjà, très tôt, sonné le tocsin dans « Les fondements économiques et culturels d'un Etat Fédéral d'Afrique noire » (2), avant que Sankara ne dise : « L'impérialisme est dans notre bol de riz ». Récemment, au Sommet présidentiel sur la « Souveraineté et sécurité alimentaire. Aliments pour la vie », tenu à Managua (Nicaragua), le 7 mai dernier, Esteban Lazo Hernandez, vice-président du Conseil d'Etat de la République de Cuba, rappelait : « Dès 1996, au Sommet mondial de l'alimentation, Fidel avait lancé un cri d'alerte : « La faim, compagne inséparable des pauvres, est la fille de la distribution inégale des richesses et des injustices dans le monde. Les riches ne connaissent pas la faim. […] Des millions de personnes sont mortes dans le monde en luttant contre la faim et l'injustice.».
Nous considérons que le directeur de la FAO, Jacques Diouf, se prononçant sur la crise mondiale lors de la dernière conférence de cette organisation, n'a fait que marcher sur les pas de ces devanciers lorsqu'il soulignait : « En fait, le problème de l'insécurité alimentaire est de nature politique (…) les déchets alimentaires annuels atteignent 100 milliards de dollars auxquels il convient d'ajouter 100 milliards de coûts indirects, résultats de morts prématurés et de maladie dérivées (…) enfin, en 2006, 1204 milliards de dollars ont été dépensées en armement. Est-il possible dans ces conditions, d'expliquer aux personnes de bons sens et de bonne foi, que l'on ne peut pas trouver 30 milliards de dollars par an pour permettre à 862 millions d'affamés de bénéficier du droit humain le plus fondamental, celui à la nourriture, donc à vie. »
En réalité les riches s'enrichissent de la pauvreté des peuples qu'ils continuent d'exploiter depuis des siècles. Dans tous les sommets, colloques, séminaires et symposiums, il est question de développement avec un grand « D ». Mais on constate, dans le même temps, le manque de volonté politique d'aller dans ce sens du vrai développement. Par exemple, depuis nos indépendances, dans la zone de l'Afrique de l'ouest, il n'a été implanté ni en Mauritanie, ou se trouve la MIFERMA (Mines des Fers de la Mauritanie) ni au Sénégal avec la MIFERSO (Mines des Fers du Sénégal Oriental), des industries lourdes industrialisantes de la métallurgie et la sidérurgie. Or, sans industries lourdes comment peut-on parler d'emplois pérennes ?
Il n'est pas exagéré de dire qu’en Afrique tout se fait contre la recherche du bien-être des populations qui deviennent de plus en plus pauvres. Au lieu de s'élever contre, et faire pièces des thèses saugrenues de compétitivité de l'Occident qui subventionne son agriculture, l’UEMOA, la CEDEAO et même l’UA acceptent son diktat. A y regarder de près, on se rend compte que c'est la même logique qui a prévalu au moment de la conférence de Berlin sur le partage de l'Afrique qui se perpétue, par rapport aux visées sur les richesses de l'Afrique. Chacun des pays occidentaux ne se veut l’ami et « l'avocat » de l'Afrique que pour l'exploiter. Au lieu de s'unir, s'organiser à l'instar de ce qui se dessine en Amérique latine, l'élite africaine préfère continuer à « piailler et ricaner dans les salons de la condescendance ». (3)
Tant qu'existera le système des « 20/80 »% (20% d'individus qui accaparent 80% des richesses), le monde connaîtra toujours des crises. C'est ce système, qu'est le capitalisme, qui génère les guerres, charrie le marasme économique (chômage, misère, pauvreté) et les anti-valeurs (banditisme, corruption, trafic en tout genre), qu’on appelle de nos jours ; néolibéralisme, mondialisation.
(1) Economiste ougandais, membre dirigeant du Réseau International des Groupes du Sud
(2) Ed. Présence africaine
(3) David Diop, Coup de pilon, Ed. Présence africaine
* Ababacar Fall-Barros est membre du Groupe de Recherche et d’Initiative pour la Libération de l’Afrique
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