La dette à l’égard de Haïti : Réfutation

L’article de Nia Imara paru dans l’édition 268 de Pambazuka News requiert une réfutation tant ses affirmations sont tendancieuses voir carrément mensongères.

Face à des catastrophes de l’amplitude de celle qui a frappé Haïti, ou lors du tsunami qui a dévasté des pays asiatiques, la société civile occidentale se lève comme un seul homme et récolte en un temps record des millions. Des gamins de 7-8- ans entreprennent des petits boulots pour gagner quelques sous qu’ils vont ensuite verser à une organisation caritative. Des vieillards qui vivent chichement d’une petite rente donnent quelque argent par ce que "c’est trop terrible". De même ces désastres suscitent des vocations instantanées et des jeunes, sans expérience le plus souvent, trouvent moyen de récolter suffisamment de fond pour au moins se rendre sur le terrain où le plus souvent ils ne servent qu’à encombrer le tableau, à user de ressources déjà rares à moins qu’ils ne trouvent moyen d’offrir leur services à des organisations expérimentées pourvues des ressources adéquates.

La question de ces organisations qui naissent, vivent et meurent dans les vagues de l’altruisme suscité par des images catastrophiques fait débat depuis longtemps dans la communauté humanitaire. Mais comment les empêcher en l’absence d’une autorité faîtière ayant un pouvoir décisionnel ?

De croire qu’il est possible même avec des moyens considérables de trouver des solutions à tous les problèmes posés par un cataclysme de cette envergure c’est vraiment vivre dans l’illusion. Même si Haïti avait été précédemment un Etat qui fonctionne, la tâche est simplement tellement énorme et les obstacles si nombreux, qu’il est tout à fait impossible de sauver tout le monde et de répondre à tous les besoins. Il est évident que face à une population malade, blessée, prise sous les décombres, déplacées, sans abri, sans nourriture et sans eau, tous les efforts vont être concentrés pour résoudre ces problèmes dans la mesure où l’on touche là des éléments déterminants pour la survie du plus grand nombre.. C’est précisément le rôle de l’action humanitaire : de sauver la vie du plus grand nombre et d’éviter dans toute la mesure du possible des invalidités permanentes Ce qui, en l’occurrence inclut des millions de personnes.

L’action humanitaire requiert l’expertise de chirurgiens, d’anesthésistes, de médecins, d’infirmières, de nutritionnistes, de spécialistes de l’assainissement de l’eau et de l’environnement, des logisticiens qui s’occupent du transport, des hangars, camions, avions, bateaux avec lesquels les diverses marchandises sont acheminées. A cet égard, il est à noter que bien souvent les logisticiens doivent résoudre des casse-tête de taille, lorsque les ponts sont effondrés, les routes et installations portuaires et aéroportuaires endommagées ou même détruites. Des populations restent inévitablement inaccessibles, comme ce fut le cas au Cachemire lorsqu’un tremblement de terre a dévasté des régions montagneuses, qui même avant la catastrophe n’étaient accessibles qu’à dos de mulet

L’amalgame fait par Nia Imara entre la construction d’hôtel par des particuliers et les efforts de reconstruction de la communauté internationale traduit autant d’ignorance que de malveillance.
Si des particuliers peuvent faire ce qu’ils veulent où ils veulent avec leur argent, il n’en va pas de même pour la reconstruction du pays par des organismes internationaux.

La reconstruction intervient seulement après que les besoins essentiels aient été plus ou moins adressés et rares sont les agences qui fournissent ces deux prestations très différentes.

La reconstruction requiert d’autres corps de métier : des ingénieurs en génie civile, des architectes, des ingénieurs agronomes, etc.. Personnel donc entièrement différent de celui des agences humanitaires.

En outre, la reconstruction nécessite la concertation. Et là où l’action humanitaire peut intervenir sans autres formes de procès, parce que les besoins fondamentaux des humains sont universels, il n’en va pas de même pour la reconstruction.

Par exemple dans des régions de typhons, les architectes auraient tendance à vouloir construire des maisons en forme d’igloos parce qu’elles n’offrent que peu de prise aux vents. Mais sont-elles pour autant acceptables à ceux qui y habiteront ? Les populations de bidonville, fruit de l’exode vers les villes, seront-elles réinstallés dans ces mêmes endroits ou bien la population sera-t-elle encouragée à retourner sur ses terres pour y recevoir l’aide de reconstruction/développement. Des populations peuvent revendiquer des terres ce que d’autres peuvent contester. Pour trancher il faut un cadastre qui se trouve peut-être- si tant est qu’il existe- sous les décombres. Au final ce sont là des décisions politiques et si des organismes internationaux devaient prendre des initiatives on aurait tôt fait de les critiquer vertement.

On lit dans l’article de Nia Imara que Oxfam a dépensé plus d’un tiers de son budget de US$96 millions en frais de gestion. C’est quoi en l’occurrence ces frais de gestion ?. Si le propos c’est de dire que cet argent sert le siège d’Oxfam à Oxford pour payer ses secrétaires et photocopies on est dans le ridicule complet. Non seulement Oxfam est une des organisations les plus engagées qui soit, depuis la deuxième guerre mondiale, dans la réduction de la pauvreté mais en plus comme toute organisation sérieuse ses comptes sont soumis à des audits financiers lesquels sont peu susceptibles d’accepter un pareil détournement de fond. Parce que les organisations qui lèvent des fonds ou reçoivent des fonds sont tenues de les dépenser pour la cause pour laquelle ils ont été reçus. En outre ces organisations ont des budgets différents pour la gestion administrative de leur bureau et ceux , dit opérationnels, qui servent le terrain. 32 millions de dollars ! Il est fort probable, que si tant est que ces chiffres soient exacts, ce qui reste à voir, que l’argent à servi à acheminer de la marchandise qu’il a fallu acheter, affréter avions, bateaux, etc. Il est à noter que tant les marchandises, aliments, hôpitaux de campagne, médicaments etc, doivent, dans de telles situations êtres importés, et se paient à des tarifs européens et non haïtiens. Comme les salaires sont de bas salaires européens, payés à des gens qui ont des obligations en Europe aux tarifs européens (à commencer par les impôts !)

De toute façon il appartient au journaliste de faire la preuve qu’il y a malversation puisque c’est ce qui est insinué

Quant à l’éternelle histoire des voitures neuves, que l’on sache donc une fois pour toute, que ces voiture sont en règles générales des donations des grands constructeurs automobiles et que ces véhicules flambants neufs, qui n’ont rien coûté aux agences humanitaires, sont remises à la Croix Rouge locale ou à toute autre organisation susceptible de servir le bien commun, après le départ des internationaux.

A noter encore, qu’en particulier dans les zones de conflits, où il y a lieu d’évacuer des malades, des blessés ou des civils, il y a intérêt à avoir des véhicules qui ne tombent pas en panne et qui ont des amortisseurs fonctionnels.

J’en arrive au morceau de choix. "la Croix Rouge Internationale prévoit de construire un hôtel sur un terrain d’un valeur de 10,5 millions de dollars.

De qui est-ce qu’on parle ?. Il n’y a pas d’organisation de ce nom. Alors de qui s’agit-il ? Du Comité International de la Croix Rouge (Cicr), organisation de droit privé suisse, chargée de l’application des Conventions de Genève ? Ou de la Fédération internationale des croix et croissants rouges, organisme faîtier des Croix et Croissants rouges nationaux ?

Le Cicr ne construit jamais rien et ne possède aucun bien immobilier nulle part au monde. Il ne possède même pas les bâtiments où il a son siège qui est propriété de l’Etat de Genève.

Son action en Haïti a cours depuis des années et consiste à s’occuper des prisons où sont détenus des prisonniers politiques et à maintenir un lieu familial par le biais des messages familiaux. Lors de la catastrophe, il s’est occupé de remettre en état les prisons et d’assurer la survie des prisonniers. Il a aussi contribué à la distribution d’eau potable dans certains quartiers de Port au Prince.

A préciser encore que le budget opérationnel annuel du Cicr se monte à environ 1 milliard de francs suisses pour toutes les activités sur cinq continents, argent fourni par les gouvernements des pays signataires des Conventions de Genève

La Fédération des croix et croissants, qui travaille au travers de Croix rouge nationales - plus ou moins riche- s’est occupée de la coordination des différentes Croix Rouges nationales venues au secours de la Croix rouge haïtienne. Toutes ont contribués à la survie des populations affectées.

Que la Fédération des croix et croissants Rouges puissent détenir un demi milliards de dollars sans rien en faire, on en reste sans voix ! Sachant en particulier qu’elle a généralement mille peine à lever des fonds.

Ces accusations portées contre le mouvement des Croix et Croissants rouges sont calomnieuses et si des grandes sommes d’argent ne sont pas parvenues à destination il serait nettement plus utile de mener une véritable enquête plutôt que répandre des "informations" de deuxième main, de surcroît non vérifiées. Il y a sûrement lieu de poser des questions du côté des Etats-Unis qui avaient engagé d’emblée l’armée- qui dans de telle situation a certainement son utilité mais qui a aussi un coût élevé. Très. On se souviendra peut-être que l’armée américaine avait amené sur les lieux un bateau hôpital fonctionnel de mille lits. Ce qu’aucune organisation civile n’aurait pu faire et qui a certainement sauvé la mise à des grands nombre de personnes.

Que les interventions humanitaires sont perfectibles, à l’instar de toute entreprise humaine, est certain. Mais que ceux qui s’aventurent à les critiquer commencent par se rendre sur le terrain dès le début, mettent les mains dans le cambouis. Ensuite ils seront qualifier pour en faire la critique. Et puis, il leur viendra peut-être aussi à l’idée de parler de l’immense effort de tous ceux qui travaillent sans relâche à sauver la mise à des frères humains, de tous les problèmes et difficultés surmontées et des succès. Plutôt que de se comporter comme des hyènes autour d’une carcasse pourrie.

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** Elisabeth Nyffenegger, ancienne déléguée du CICR, ancienne secrétaire générale de la Geneva Foundation to protect health in war

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