Le combat pour une véritable souveraineté populaire au Sénégal
Le Sénégal a franchi une étape importante dans l’expression citoyenne avec l’élection de Macky Sall à la présidence de la République. Mais la démocratie ne saurait se limiter aux élections, encore moins au jeu d’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire à travers un contrôle réciproque. D’où cet appel pour structurer et institutionnaliser la mobiliation, l’action et le contrôle citoyen à travers un pouvoir populaire au Sénégal.
Ce séminaire du 28 avril est d’une importance capitale dans le processus de mise en œuvre des aspirations des citoyens sénégalais de se prendre en charge par eux-mêmes. Ce sont ces aspirations qui constituent la forte demande en « Démocratie citoyenne » et en « actions citoyenne ». Le M23 (Mouvement des Forces Vives du 23 juin) est né dans l’action citoyenne pour empêcher un nouveau coup de force contre la Constitution, qui visait à créer les bases légales de la confiscation du pouvoir à l’occasion de la présidentielle de février 2012, afin de le transmettre à un successeur désigné par le chef de l’Etat, qui avait déjà porté son choix sur son fils.
Depuis sa naissance, jusqu’au 25 mars (Ndlr : second tour de l’élection présidentielle perdue par Abdoulaye Wade), le M23 a porté très haut l’intervention citoyenne, en rassemblant dans un même front des organisations politiques, de la société civile et des personnalités, pour s’opposer, par la « rue », à la candidature inconstitutionnelle du président sortant à un troisième mandat et, le cas échéant, à mobiliser les citoyens à aller voter massivement et à défendre leur suffrage, pour le chasser par les « urnes ».
Le M23 a donc été le creuset dans lequel se sont forgées les forces qui ont constitué « Benno Book Yakaar », transformé en « bras politique » de celui-ci, pour infliger au président sortant l’humiliation de sa vie, par un score de plus de 65% du suffrage exprimé.
C’est ce combat qui fonde la légitimité du M23 pour demander son « institutionnalisation », en vue de continuer à porter la « Demande citoyenne d’intervention, d’action et de contrôle ». Cette institutionnalisation permettra de donner corps aux dispositions du Projet de Constitution des « Assises nationales », adopté conjointement par « Benno siggil Senegaal » (ensemble pour construire le Sééngal), la « Plate- forme politique » et la « Plateforme institutionnelle » des « Assises nationales ».
En effet, dans ce Projet de Constitution, l’Article 18 dispose : « Tous les citoyens ont le droit d’adresser des pétitions aux Autorités, en vue de défendre leurs droits, ou de dénoncer les actes illégaux ou les abus de pouvoir ».
L’Article 84, alinéa 2 stipule : « L’initiative d’une proposition de Loi peut être aussi le fait d’un nombre d’électeurs inscrits, représentant au moins deux fois le quotient national des dernières législatives, et domiciliés dans au moins la moitié des régions, à raison d’au moins 1000 signatures par région. Elle doit être soutenue par au moins un Député ».
L’ Article 106 indique : « Toute personne peut, dans les conditions prévues par la Loi, saisir la Cour Constitutionnelle d’un recours, lorsqu’une mesure d’ordre administratif porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, ou remet gravement en cause les principes et les valeurs de la République, de la Démocratie, de l’Etat de Droit, et l’équilibre des Institutions ».
La combinaison de ces trois articles constitutionnels fonde la légalité de l’intervention, de l’action et du contrôle citoyen que le M23 est seul en mesure de porter. La prise en charge de cette « demande d’intervention, d’actions et de contrôle citoyens » par le M23 ne fait pas de lui, pour autant, une doublure des organisations de Défense des Droits de l’Homme et autres ONG de Développement ou de plaidoyer contre la corruption, et la mal- gouvernance. Il est le pendant citoyen du « Comité de suivi de l’application des Conclusions des Assises nationales » et devrait être, par conséquent, une Institution nouvelle à son image.
Le M23 et le « Comité de suivi » sont les véritables acquis démocratiques du peuple, qu’il a engrangés dans sa lutte pour mettre fin au régime despotique et de mal-gouvernance de Wade, afin de refonder la République sur des bases démocratiques et citoyennes. Ils sont les deux instruments complémentaires pour la matérialisation effective, par le pouvoir politique, des engagements pris par le président Macky Sall à tous les niveaux.
Le « Comité de suivi », sans le M23 institutionnalisé, verra son action se limiter à un « plaidoyer », tandis- qu’ avec le M23 institutionnalisé à ses côtés, son « plaidoyer » serait soutenu par l’action citoyenne portée par celui- ci. Ces deux Institutions sont donc les deux « mamelles » qui, seules, peuvent nourrir les garanties nécessaires pour que les aspirations démocratiques de notre peuple seront matérialisées.
Ce n’est donc pas l’expression d’un manque de confiance envers les nouvelles Autorités, encore moins, d’une défiance à leur endroit. La nécessité de ces deux « institutions » découle du fait que la démocratie, pour être effective, a besoin de mécanismes de mise en œuvre, qui ne peuvent plus se limiter à l’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et à leur contrôle réciproque.
L’intervention, l’action et le contrôle citoyens organisés, sont devenus une dimension contemporaine du fonctionnement démocratique de la République au XXI éme siècle. En effet, la démocratie, sous forme de « délégation de pouvoir », a atteint ses limites sociales dans la crise de la « dette souveraine » des grandes puissances occidentales. Les citoyens interviennent, partout en Occident et dans les pays en développement en crise, pour participer effectivement aux prises de décisions qui affectent gravement leur existence et hypothèquent leur avenir.
Le M 23, au Sénégal, durant tout le processus électoral en direction de la présidentielle du 26 février 2012, a porté honorablement cette aspiration universelle des peuples à la « Démocratie citoyenne ». La nature sociale du M23 et sa mission de prise en charge de la demande citoyenne en matière d’initiative, d’action, et de contrôle fait que son « institutionnalisation » ne devrait pas le transformer en un rouage ou auxiliaire de l’Administration.
C’est une Institution citoyenne qui n’a de compte à rendre qu’à ses instances habilitées. Le caractère bénévole de ses membres en constitue sa force. Il doit se prendre en charge de façon indépendante de l’Etat. Il lui faut tout juste une subvention pour son équipement et son fonctionnement, mais jamais de salaires ou d’indemnité, encore moins de per diem à recevoir de l’Etat ou à distribuer à ses membres. C’est le bénévolat qui est sa force de frappe.
En outre, pour que son action ne soit pas outrancièrement centralisée, il est nécessaire d’organiser un Comité du M23 dans chaque commune d’arrondissement, dans chaque communauté rurale, dans chaque commune de ville et dans chaque région. Les dirigeants devraient, à chaque échelon, être élus par une assemblée générale dûment mandatée et supervisée par l’échelon immédiatement supérieur. Les interlocuteurs de ces dirigeants sont respectivement, le sous- préfet, pour les communes d’arrondissement et les communautés rurales, le conseil municipal d’arrondissement et les conseils ruraux. Au niveau des villes, ce sont les préfets et les conseils municipaux des mairies de ville. Au niveau de La région, ce sont les gouverneurs et les conseils régionaux. Au niveau national, ce sont les pouvoirs publics nationaux, et les élus nationaux.
Une structuration pareille du M23 permet d’articuler son action autour d’interlocuteurs précis à chaque échelon de l’Etat, et de répartir harmonieusement ses tâches entre ses différentes instances. Ce séminaire du 28 avril, de par des résolutions hardies, devrait rentrer dans les annales de l’histoire de notre, en lutte pour son émancipation.
Plein succès au séminaire !
CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS
* Ibrahima Sène est membre de « Benno Book Yakaar », la coalition de partis constituée autour de Macky Sall pour remporter le second de la présidentielle au Sénégal.
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