Le FOSCAO condamne les exécutions des condamnés à mort en Gambie

Pour les organisations de la société civile ouest-africaine, une mobilisation s’impose, aussi bien en Gambie qu’au niveau de la région et de la scène internationale, pour arrêter la dérive des exécutions et des violations des Droits de l’homme en Gambie.

Le Forum de la Société Civile de l’Afrique de l’Ouest (FOSCAO) exprime sa profonde inquiétude pour l'utilisation récente de la peine de mort dans l'exécution de neuf détenus condamnés à mort en Gambie le 23 août 2012. Alors que le gouvernement de la Gambie reste tenace et inflexible dans sa position sur l'utilisation de la peine de mort, les dispositions pertinentes des codes juridiques du pays restent controversées, au mieux, contestable, voire illégal.

Dans l’intervalle, les développements subséquents révèlent un mécontentement général des citoyens de la Gambie, ainsi que le mépris de la communauté internationale, avec les exécutions de condamnés à mort. Il est donc incontestablement évident que l'utilisation de la peine de mort en Gambie est fondamentalement une négation de l'essence du contrat social entre le gouvernement et les citoyens de la République de la Gambie. Face à cette situation, le FOSCAO déclare ce qui suit:

L'utilisation de la peine de mort par le gouvernement est clairement en violation des codes juridiques de la République de Gambie et des pertinentes normes juridiques internationales en matière de Droits de l'homme, et cela équivaut à une régression du gouvernement de la Gambie sur ses engagements en vertu de droit international. L'article 18 de la Constitution de 1997 de la République de la Gambie, qui sanctionne la peine de mort est sans doute fruste, mais il y a surtout que son utilisation ne tient pas compte fondamentalement des articles 4 et 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, sur le droit inviolable à la vie et à la dignité de la personne humaine. En outre, l'utilisation de la peine de mort en Gambie est une régression considérable par rapport ay moratoire sur l'utilisation de la peine de mort que le pays a maintenu depuis 1985, un engagement qui a été renouvelé aussi tard que 2010 - dans le cadre de l’acquiescement du pays au procédure de la Révision périodique Universel du Conseil de la Droit de l'Homme de l’ONU.

L'exécution des neuf détenus, le 23 août 2012, et les intentions communiquées par le gouvernement de la Gambie pour exécuter tous les condamnés à mort à la mi-septembre 2012 sont une démonstration de dureté, la barbarie et l'inhumanité absolue, ainsi qu’un manque de respect pour les principes universels relatifs aux droits de l'homme. L'expérience montre que la plupart des condamnés à mort en Gambie sont là pour des raisons politiques, pour la plupart liés à des amorces de coups d'Etat présumés. De même, les procédures judicaires ainsi que les exécutions des condamnés à mort étaient loin d'être transparentes et conformes aux textes, car elles ont été menées en secret, loin des yeux du public. Le fait que les familles des victimes n'ont pas accès aux corps de leurs proches pour un enterrement approprié va sûrement augmenter la charge de la douleur et le sentiment de perte. Les autres exécutions planifiées vont encore montrer le mépris total affiché par le gouvernement gambien pour les sentiments et les aspirations de ses citoyens. Il s'élèvera à un niveau de manque de respect pour les principes universels sanctionnant l'obligation des gouvernements de protéger leurs citoyens contre les violations des Droits de l'homme, bafouant un principe fort au sein du concert des nations.

La Société civile gambienne doit donner le ton au peuple gambien en s'opposant au mépris de leur gouvernement pour leurs droits fondamentaux à la vie et à la dignité de la personne humaine, et d'appeler le gouvernement à être comptable de sa responsabilité qui est de garantir la sécurité et la sûreté des populations. Le peuple de la Gambie doit se lever pour contester l'insensibilité du gouvernement du président Yahya Jammeh, qui a vu les acquis en matière de droits humains dans le pays diminuer régulièrement au fil des ans. La société civile en Gambie doit se présenter comme un avant-garde de la liberté, de la justice et de la démocratie, en consultation avec les acteurs politiques présents dans le pays, y compris l'Assemblée nationale et le pouvoir judiciaire, en vue porter leurs responsabilités plutôt que de se mettre en veilleuse au moment où que le gouvernement du président Jammeh continue de fouler aux pieds les droits des citoyens. La société civile gambienne doit s'engager de manière constructive face à cette situation et lutter pour une paix durable, la sécurité et la stabilité dans le pays.

La communauté internationale tout entière doit continuer à engager le gouvernement de la République de la Gambie vers le règlement rapide de la question de l'utilisation de la peine de mort. Même si les Nations Unies (ONU) a fait part de leur mécontentement face aux exécutions de peines de mort en Gambie, à travers des commentaires son Haut Commissaire pour les Droits humains, et si l'Union Européenne (UE) a exprimé la possibilité de décider des sanctions sur la Gambie, d’avantage doit être fait pour remettre le pays dans le sens du respects des normes relatives au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La CEDEAO et l'Union africaine (UA) doivent aussi jouer leur rôle pour demander au gouvernement gambien les respect des textes, en invoquant les articles pertinents de la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples et le Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance.

Ne pas s'attaquer résolument à cette question peut engendrer des signaux erronés pour d’autres pays de la région Afrique de l'Ouest et même à travers le monde. La communauté internationale doit continuer à s'engager de manière constructive dans ce sens et assister le Gouvernement de la Gambie dans le sens de la révision de son code pénal et le renforcement des institutions appropriées en vue de la mise en place d’un système équilibré, respectueux des droits humains dans le pays. Cela, nous l'espérons, contribuera à une solution durable à la régression des droits humains dans le pays.

Le FOSCAO continuera d'assurer la liaison avec les partenaires concernés, à la fois sur le terrain en Gambie et au niveau international, afin de s'assurer que les droits du peuple gambien sont protégés contre l'arbitraire et l'autocratie. Le FOSCAO voit le cas de l'exécution des neuf condamnés à mort comme un indicateur de la nature autocratique et dictatoriale du régime du président Yahya Jammeh. Il constitue aujourd’hui un moyen pour attirer l'attention de toutes les parties prenantes essentielles sur la précarité des conditions auxquelles la société civile et les citoyens gambiens sont confrontés. D’un côté on a un gouvernement répressif, de l’autre il faut faire avec des structures de gouvernance gérées par des fonctionnaires corrompus. Pour combattre une telle situation, il faudra l'effort combiné des acteurs locaux ainsi que des soutiens externes. Nous nous engageons donc à soutenir le peuple gambien dans sa lutte pour amener le gouvernement à garantir le respect approprié de tous les droits et libertés fondamentaux et enjoignons tous les individus organisations internationales bien intentionnés à s'unir pour soutenir ce processus.

Le FOSCAO prie le gouvernement de la République de la Gambie à renoncer à l'utilisation ultérieure de la peine de mort, car il s’agit d’un fait barbare et totalement inacceptable pour la communauté internationale. Nous demandons également à la population gambienne de renforcer sa mobilisation et exiger du gouvernement le respect de ses droits et libertés fondamentaux.

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** Dr Ibrahim Jibrin est président exécutif du Forum de la Societe Civile dans l’Afrique de l’Ouest (FOSCAO), qui est une plate-forme non discriminatoire des organisations de la société civile à travers les États membres de la CEDEAO.

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