Le pacte colonial et l’assassinat de Khadafi

On le camoufle sous le terme d'«Accords de coopération et de sécurité». Dans les faits, il s’agit d’un «pacte colonial» d’asservissement et de domination pour la perpétuation desquels Sankara avait été assassiné, Gbagbo liquidé et Khadafi également assassiné. Pour Ababacar Fall «Barros», cela durera tant qu’il n’y aura pas, sur le continent, « des hommes, des femmes et des groupes d’hommes et de femmes conscients des intérêts des peuples africains et prêts à les défendre à tout prix».

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A M F

Ce qui arrive à notre continent est pénible si l’on observe les dégâts en Côte d’Ivoire et en Libye. Mais ce n’est pas difficile à comprendre, abstraction faite des gros mots dont nous devons faire l’économie : «Kadhafi, Gbagbo dictateurs.» Sachant que d’autres dictateurs sont bien au chaud en Arabie Saoudite et à Charmel-Cheik.

Je soulignais récemment, dans le cadre d’une réflexion au sujet des «pensées économiques du Sud » : « Il ne faudrait pas chercher de midi à quatorze heures pour trouver les causes de notre mal développement, sous tendu par la mal gouvernance. Les causes sont d’abord la corruption de l’essentiel de l’élite des indépendances au pouvoir, acquises à la vision, aux thèses politiques et économiques des anciens colonisateurs, pour perpétuer l’exploitation de notre continent. Cela, malgré une opposition farouche d’une autre catégorie d’élites de patriotes composés des Lumumba, Nkrumah, Sékou Touré, Modibo Keita, Mamadou Dia, Djibo Bakary etc.»

C’est le lieu de souligner que l’Afrique qui tend la main est à situer au niveau de cette première catégorie d’hommes liges du néocolonialisme qui ont signé les accords secrets dits de coopération et de défenses. L’illustration de cet état de fait est ce fameux « Pacte colonial» toujours en vigueur dans tous les Etats africains francophones.

Sur ce « Pacte colonial » (appelé pompeusement accords de coopération et de sécurité), le Dr Assoa Adou du Front Populaire Ivoirien apportait les précisions suivantes, lors d’une conférence tenue en 2006, à Paris : « La Côte d’Ivoire, si elle a du pétrole, n’a pas le droit de le vendre au plus offrant, sur le marché international, sans l’accord de la France. De même, elle ne peut pas en acheter sur le marché international sans l’Accord de la France ». Le Dr Assoa poursuit en précisant qu’il en allait de même pour l’assistance militaire : « La République de Côte d’ivoire en vue d’assurer la standardisation des armements s’adressera en priorité à la République française pour l’entretien et le renouvellement des matériels et équipements de ses forces armées ». (Alinéa 2 de l’article 5 et alinéa 1 de l’article 3 du chapitre 5 des accords).

Si l’on considère ce qui précède, on ne peut qu’être pessimiste par rapport à la volonté de la classe dirigeante africaine au pouvoir de répondre favorablement aux pays d’Amérique du Sud qui appellent à l’unité du Tiers-Monde, pour recouvrer la souveraineté politique, économique et social. D’autant que la vassalisation du franc CFA au Trésor public français, système qualifié de « Nazisme monétaire » par un autre économiste ivoirien, le Pr Nicolas Agbohou, ainsi que la présence des bases françaises, ne faciliteront pas les choses.

Donc tant que n’émergeront pas des hommes et de groupes d’hommes politiques conscients des intérêts des peuples de notre continent, l’Afrique sera toujours à la traine. C’est le lieu de souligner que dans le cadre des agressions contre la Cote d’Ivoire et la Lybie, Jacob Zuma a plutôt écouté Sarkozy, Obama et consorts, que Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Cabral où Sankara, s’agissant de la défense des intérêts supérieurs de l’Afrique.

On peut se demander pourquoi, l’Afrique du Sud, l’Algérie, la Guinée Bissau, Cap-Vert, l’Angola, le Mozambique, en tant que pays ayant joué un grand rôle par rapport à la libération de l’Afrique, n’entendent pas faire de même actuellement dans le concert des nations. Pour l’Afrique francophone, où Senghor et Houphouët sont en passe d’être considérés comme des héros, n’en parlons même. L’élite actuelle de ces pays n’est pas sensible au drame que vit leur peuple. Elle est charmée par la vision de développement de l’Occident où ils ont des châteaux, des comptes bancaires des actions, des amis communs qui les déconseillent d’être des « radicaux ». C'est-à-dire de ne pas exiger le traitement d’égal à égal quand il faut simplement ‘’signer des contrats’’.

Donc le Ba BA d’un changement véritable en Afrique, c’est d’avoir des hommes, des femmes et des groupes d’hommes et de femmes conscients des intérêts des peuples africains et prêts à les défendre à tout prix.

Cela dit, il convient de souligner que l’Amérique du Sud, sous l’impulsion de Cuba, de Castro et du Venezuela de Chavez, montrent la voie avec la mise sur pied de cette organisation d’intégration de solidarité, qu’est l’ALBA (Accord bolivarienne des Amériques). Une organisation qui, à coup sûr, donne une peur bleue aux animateurs des autres organisations telles que la CEDEAO, UMEOA inféodées aux organisations de domination que sont la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) et à l’ACP (l’Afrique, Caraïbe, Pacifique), tous deux tournés vers l’exploitation des richesses agricoles, minières et la force de travail des peuples des pays du Sud.

* Ababacar Fall-Barros est le coordonnateur général au Sénégal du Groupe de Recherche et d'Initiative pour la Libération de l'Afrique

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