Les ukases de l'Occident à Gbagbo
Dans un pays divisé, avec un égal potentiel de nuisance entre les deux camps, le conflit ivoirien ne peut se résoudre au mieux que par le dialogue. Dès lors, souligne Pathé Mbodje, «les menaces supposées, officielles ou officieuses, d'une intervention armée, participent plus à une théâtralisation du problème ivoirien». Mais quels gages peut-on bien donner à Gbagbo pour le pousser à accepter de partir, quand l’exemple de Charles Taylor reste encore plein d’enseignements ?
Jeudi 16 novembre, Paris. Abdou Diouf : "Le fondateur du Front populaire ivoirien serait moins réfractaire au scénario d'un retrait assorti de garanties que la coterie des faucons qui l'entourent, à commencer par sa première épouse Simone". Car "Seules, estime le patron de la Francophonie, les modalités de sa retraite et son statut futur peuvent faire l'objet de négociations". Mais alors, pourquoi tant de bruit et de morts pour rien, par un dogmatisme systématique de part et d’autre des parties en conflit ouvert depuis le 28 novembre, l’une au nom d’un nationalisme d’autant plus douteux qu’il sème la xénophobie et l’anathème sur… l’étranger ?
D’autant, en effet, qu’il y a un biais ethnique dans la perception du problème ivoirien : l'épreuve de force imposée le 16 décembre à la Côte d'Ivoire par le camp Ouattara n'a pas été condamnée par la communauté internationale, bien au contraire. La France et les États-Unis, principalement, inspirateurs des organisations africaines continentales, régionales ou sous-régionales, se sont empressés d'imposer un dead-line à un chef d'État encore en exercice pour un motif des plus spécieux : ceux qui avaient fait la partition au nord et ceux qui ont participé au pogrom de Yopougon savaient très bien à quoi s'en tenir en appelant à une insurrection civile pour obliger une partie à libérer le champ de bataille...médiatique ; ils envoyaient à une mort certaine des civils innocents.
L'armée entrée en rébellion internationale en même temps que son chef sortant, ne pouvait qu'avoir intérêt lié avec Laurent Gbagbo, et pose conséquemment le problème d'une impossible cohabitation future avec le nouveau pouvoir issu du second tour de l'élection présidentielle du 28 novembre.
La vision téléologique et cet unilatéralisme de ceux qui ont été perçus comme ayant un intérêt dans le conflit ne sont pas pour faciliter la tâche à celui qui a tout donné à la France, malgré les apparences, et qui s'estime, plus à tort qu'à raison, pouvoir constitutionnellement revendiquer quelques droits successoraux.
L'impasse ainsi créée à Abidjan se résoudra donc plus par le dialogue que par les ukases qui ne sauraient avoir prise sur Gbagbo convaincu de son bon droit constitutionnel qui ne repose malheureusement pas sur ses deux pieds : l'esthétique et la morale.
La visite de Mbeki, au tout début, celle de Jean Ping, ensuite, révèlent par ailleurs que sous des aspects péremptoires aux allures de déclarations de guerre, la communauté internationale connaît la solution en Côte d'Ivoire qui passe par le dialogue. Les menaces supposées, officielles ou officieuses, d'une intervention armée participent plus à une théâtralisation du problème ivoirien.
Rappelons le patron de la Francophonie : "Seules les modalités de sa retraite et son statut futur peuvent faire l'objet de négociations". Ces négociations sont en cours ; elles transitent par le Ghana avancent certaines sources, alors que l'ami Mbeki éjecté du pouvoir hypothèque la piste de l'Afrique du Sud. L'alternative angolaise existe.
La solution reposera cependant sur la prise en compte d’un certain empirisme : le cas Charles Taylor pour lequel l'Afrique a trahi sa parole, une fois Obasanjo parti. La reddition du rebelle libérien Taylor et son exil au Nigeria étaient une des clés de règlement de la crise dans la zone du bec incluant principalement le Libéria et la Sierra Leone, les deux Guinée, la Gambie et le Sénégal accessoirement. Le professeur Gbagbo connaît bien le cours de la petite histoire, surtout si elle est récente.
* Pathé MBODJE est journaliste, sociologue
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